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8 juillet 2012

Ce que cache l’idée de « saut fédéral »

Par Bernard Cassen  |  1er juillet 2012     →    Version imprimable de cet article Imprimer

Avec Le Monde diplomatique en español

Telle une machine infernale, la crise européenne échappe à toute possibilité de prévision au-delà de quelques jours. Ainsi, dès le lendemain de l’annonce d’une injection de 100 milliards d’euros pour la recapitalisation de son système bancaire au bord de l’écroulement, l’Espagne n’avait pu placer ses obligations qu’à des taux prohibitifs (près de 7 %) et sa note avait été brutalement dégradée par l’agence Moody’s. Au lendemain du prétendu « succès » du Conseil européen tenu à Bruxelles les 28 et 29 juin, où Madrid a obtenu que les montants nécessaires à cette recapitalisation opérée par le Fonds européen de stabilité financière (FESF) – qui va passer le relais au Mécanisme européen de stabilité (MES) – ne soient pas comptabilisés dans sa dette publique, les rendements exigés pour les obligations espagnoles s’élevaient encore à 6,25 %. Le garrot s’est à peine desserré et l’étranglement n’est que reporté.

Bien qu’ils tentent de donner l’impression de ne pas céder à la panique, tous les gouvernements européens constatent que, face aux assauts des marchés financiers (qu’ils veulent à tout prix ménager), ils ne contrôlent plus grand chose. Pour se rassurer, ils se contentent chaque jour de répéter, presque sous la forme de slogans, ce qu’ils ont dit la veille, même si leur discours n’a aucun impact sur la réalité.

Ainsi le gouvernement d’Angela Merkel – avec la « troïka » constituée par la Banque centrale européenne (BCE), la Commission européenne et le Fonds monétaire international (FMI) – continue imperturbablement à exiger de ses partenaires des mesures d’austérité qui ont déjà plongé la Grèce, l’Irlande, le Portugal et l’Espagne dans la récession et dans un désespoir social potentiellement explosif.

De son côté, le président français, François Hollande, tout en affirmant sa volonté de rigueur budgétaire – qui va se traduire par des coupes drastiques dans les budgets publics que n’aurait pas désavouées Nicolas Sarkozy – , réclamait en même temps des mesures européennes destinées à favoriser la croissance. Comme si ces deux politiques contradictoires pouvaient être menées simultanément, et surtout comme si le calendrier d’une éventuelle croissance – qui devrait s’étaler sur des semestres ou des années – était compatible avec les échéances politiques et financières qui, notamment pour la Grèce, se mesurent en semaines et au maximum en mois !

A cet égard, les résultats du récent Conseil européen vont donner lieu à une vaste opération de bourrage de crâne de l’opinion publique française. Pour faire ratifier un pacte budgétaire qui ligote les gouvernements de la zone euro, François Hollande va prétendre qu’il a obtenu en contrepartie un « pacte de croissance ».
En fait, il s’agit de la compilation de mesures déjà dans les tuyaux de la Commission européenne et qui ne touchent en rien à l’essentiel, à savoir le rôle de la BCE et la mutualisation des dettes souveraines des Etats. Sur ces questions cruciales, Angela Merkel n’a pas cédé d’un pouce et doit bien sourire en entendant les cocoricos, pas très discrets, des entourages présidentiel et ministériels parisiens…


La réalité se situe ailleurs : sans qu’ils veuillent jamais poser publiquement en ces termes une question relevant du crime de lèse-majesté européenne, les gouvernements – et la quasi totalité des oppositions – sont pris en otages par l’impératif politique de « sauver l’euro ». Ils sont confrontés à l’absurdité d’une politique monétaire européenne unique pour des économies nationales très dissemblables. Les plus faibles n’ont plus la capacité de procéder à des ajustements – des dévaluations concertées – qui auraient été possibles avec une monnaie commune européenne articulée à des monnaies nationales. Mais comment, en restant dans le paradigme idéologique actuel, sortir de cette impasse sans provoquer de catastrophes ? Nul ne le sait vraiment.

Dans cette situation d’incertitude, un thème commence à émerger subrepticement dans le débat public : celui d’un « saut fédéral » en matière budgétaire et fiscale. Il ne manque pas de logique apparente : puisque l’euro et les dettes publiques nationales ont une dimension systémique européenne, pourquoi ne pas prolonger la gestion de la politique monétaire unique (déjà assurée par la BCE) par une gestion de politiques budgétaires et fiscales - également uniques - assurée par une sorte de ministre des finances européen ?

Sans surprise, les partisans de cette thèse occultent délibérément la question fondamentale, celle du contenu de ces politiques. Dans le rapport de forces actuel, il s’agit en fait d’imposer à tous les Etats celles actuellement conduites par la « troïka » : baisse des salaires et des retraites, bradage des entreprises publiques, démantèlement de la protection sociale. Une véritable régression « civilisationnelle » dont la droite et le capital rêvent depuis des décennies, mais que la divine surprise de la crise leur permet de mettre en place au nom de l’ « Europe ». Si les décisions structurantes de la vie des sociétés européennes sont ainsi placées hors de la capacité d’intervention des citoyens, on peut alors se demander à quoi serviraient encore des élections….

Il est significatif que François Hollande ait annoncé que le pacte budgétaire européen serait prochainement soumis à ratification non pas par le peuple souverain, via un référendum, mais par un Parlement docile. Exactement ce qu’avait fait Nicolas Sarkozy pour faire adopter le traité de Lisbonne – clone du Traité constitutionnel européen – en tournant en dérision la volonté populaire exprimée par le « non » du 29 mai 2005. Une belle continuité qui ramène à ses justes proportions le fameux « changement » promis pendant la campagne électorale…

 

 

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V
drôle de tête le changement, on prends les mêmes et on recommence !
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