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16 juillet 2012

Espagne : la répression pour imposer un ordre nouveau

 

C’est un cap nouveau qui vient d’être franchi en Espagne. J’ai déjà évoqué la violence de la répression dont est victime le mouvement de grève des mineurs. Il ne se passe pas une semaine sans que l’on dénombre de nouveaux blessés dans toutes les régions touchées par le conflit. Mais, les affrontements qui ont eu lieu à Madrid dans la journée du mecredi 11 juillet et qui se sont soldés par près de 80 blessés et pas loin de 10 arrestations, témoignent du passage d’un cap symbolique.

Sur twitter, une de mes correspondantes espagnoles lançait cette accusation en direction de la police : « Ils nous ont attaqués ! ». Les images collectées hier après-midi confortent son propos. Les forces anti-émeutes ont utilisés des armes tirant des balles en caoutchouc provoquant des blessures sérieuses mais pas mortelles. Si le gouvernement fait état de la présence de groupes violents parmi les manifestants, la théorie du piège contre la grande majorité d’entre-eux commence à se vérifier. Selon des témoignages concordants, les manifestants venus des provinces espagnoles devaient regagner des bus pour rentrer chez eux. Quand ils s’en sont rapprochés, les unités anti-émeutes les y attendaient. La chasse aux mineurs et à leurs soutiens semble s’être poursuivie une bonne partie de la soirée, notamment du côté de la Puerta Del Sol.

 

Les forces de l’ordre, elles mêmes, confirment : « Suppressions de droits syndicaux, quotas d’arrestations illégales à respecter, protocoles et uniformes inspirés de l’armée… » : Le premier syndicat de policiers espagnols – le Syndicat unifié de la police – dénonce une tentative de militarisation de leurs missions et de leur corporation. Son secrétaire général exprime également son soutien au mouvement des indignésC’est que, derrière le conflit des « gueules noires », se trame une épreuve de force entre le gouvernement conservateur et le mouvement social.

De facto, le parallèle avec la répression qu’a déchaîné Margaret Thatcher contre les mineurs britanniques en 1984 s’impose. Certes, les situations historiques, politiques et sociales sont différentes. Mais les deux gouvernements conservateurs sont soumis au même enjeu : imposer à leur population un changement aussi radical que rapide, et donc brutal, de société. Il s’agit d’en finir, assez définitivement, avec un modèle de société : le welfare state en Grande-Bretagne ; une société encore industrialisée et finançant ses services publics par ce biais en Espagne.

Victime d’un tir de la police anti-émeute, cette fillette aurait 11 ans

Il y a, au-delà des Pyrénées, une seconde raison. L’adoption d’un plan d’austérité d’un montant de 100 milliards d’euros par le parlement espagnol le 9 juillet va entraîner des coupes sombres dans les budgets sociaux, les services publics, les industries où l’état central détient encore des participations. C’est une accélération sans précédent de l’intégration de l’Espagne dans une Europe ultra-libérale dessinée par la Banque Centrale Européenne et son bras politique, la Commission Européenne. L’Espagne - ou du moins les Espagnols - entrevoit le spectre de la Grèce. Ces mesures, très impopulaires, sont en capacité de soulever un pays où la contestation agissante est bien plus répandue que dans notre bel hexagone.

A l’été 2011, j’ai passé une quinzaine de jours dans le nord de ce pays. Outre que j’ai noté un nombre incroyable d’inscriptions politiques sur les murs, j’ai croisé à plusieurs reprises, en plein mois d’août, des rassemblements d’indignés. Les centrales syndicales majeures, UGT et Commissiones obreras (CCOO) y sont fortes et disposent d’une audience large. L’Espagne, c’est enfin le pays de l’anarcho-syndicalisme de masse. Même si la CNT n’est plus aussi puissante qu’elle l’était dans les années 30, avec plus d’un million de membres, elle garde encore son impact au sein de la classe ouvrière consciente. Dans ce contexte, pour la droite au pouvoir à Madrid, casser les reins des mineurs a une vocation politique claire. Si la réaction parvient à défaire cette corporation hautement symbolique, ce serait un message définitif envoyé à l’ensemble des forces de progrès hispaniques.

Il en va, pour Rajoy, de sa crédibilité devant ses « partenaires » européens. On sait que la Commission Européenne conditionne l’attribution des prêts de la BCE à la stricte tenue des objectifs de réduction des dépenses publiques. Le Partido Popular au pouvoir a donc un besoin vital de museler la contestation sociale. C’est le gage des « aides » européennes autant que celui de mener à bien son projet de remodelage du modèle social espagnol. Le tout dans le cadre du nouvel âge du capitalisme, un âge dans lequel l’accumulation des richesses par l’oligarchie n’a plus besoin des productions industrielles nationales. La financiarisation de l’économie est devenue telle que le maintien d’une activité de production est devenue un frein à l’enrichissement de la classe possédante.

 

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