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24 juillet 2012

Entreprises : Les coûts de l’austérité

 

Sur MEDIAPART

 

 Depuis plusieurs mois se développe une extraordinaire campagne orchestrée par les tenants de la politique austéritaire autour de la question de la compétitivité des entreprises françaises face à leurs concurrentes allemandes.  Laurence Parisot et le Medef considèrent à l’ouverture de la conférence sociale que cette question est centrale par rapport aux autres. Evidemment, pour la patronne des patrons, la compétitivité des entreprises est mise à mal par le coût du travail, excessif en France. François Hollande dans son discours d’ouverture de la conférence sociale lui emboîte le pas en considérant que parmi les causes de la « détérioration de la compétitivité française, il y a aussi les rigidités dans la structure des coûts, notamment le coût du travail ». Rien d’étonnant à cela, il s’agit de faire payer aux salariés les conséquences des choix libéraux qui ont conduit aux désastres économiques pour tous les pays. Derrière la question de la compétitivité, il s’agit d’une remise en cause du salaire minimum, de la protection sociale, de la grille des salaires et du contrat de travail à durée indéterminée, de la flexibilité du travail, de la durée légale du travail, autant dire la mise en cause du modèle français qui se présente bien comme un sacré obstacle sur la voie d’une politique d’austérité de grande échelle. En même temps, il est urgent que la vraie gauche engage le fer contre cette tentative de mettre au pas les salariés et boucher pour un temps la perspective de changement.

Il convient peut-être, avant tout propos, de définir ce qu’est un coût pour mieux appréhender tous les éléments de la notion de compétitivité. Un coût est l’ensemble des charges supportées pour produire. Dès lors on aperçoit mieux de quoi est constitué le coût. Il comprend donc :

  • La charge des intérêts 
  • Les dividendes 
  • Les salaires y compris les rémunérations et primes versées aux dirigeants
  • Les cotisations sociales
  • L’impôt sur les sociétés
  • Les coûts des matières…

 Tout cela impacte la compétitivité mais il existe bien d’autres que le patronat passent sous silence

  • La faiblesse de l’innovation
  • La faiblesse  des investissements de modernisation et de capacité
  • Le peu d’intérêt pour la formation
  • Les coûts d’externalisation des activités et la perte des savoir faire
  • La mauvaise gestion et organisation du travail qui génèrent de nombreux gâchis et charges
  • Des choix stratégiques hasardeux et insuffisamment réfléchis…

Bref, il est trop facile et surtout malhonnête intellectuellement de faire supporter aux salariés le poids de l’incurie de la gestion patronale et de l’idéologie néolibérale de la gestion des économies qui sont l’origine principale des difficultés des entreprises !

 Pourtant le Medef n’a pas à se plaindre des travailleurs français qu’ils stigmatisent souvent en les considérant injustement comme paresseux, peu productifs, trop payés, un déni de réalité !

 La réalité est en effet tout autre. Tout d’abord, personne ne peut contester la baisse tendancielle de la part salariale dans la valeur ajoutée depuis 1981 alors que celle-ci augmente pour l’Allemagne. Sur la période 1981/2000, l’INSEE établit pour les sociétés non financières les chiffres suivants en % de la Valeur ajoutée :

Part des salaires bruts

53,20 en 1981

47,10 en 2000

-11,50 % évolution

Dividendes

2,90 en 1981

7,00 en 2000

+240 % évolution

Bénéfices réinvestis

0 en 1981

-0,30 en 2000

 Impôts sur la production

3,6 en 1981

4,8 en 2000

Durant la période, les entreprises ont utilisé leurs réserves pour se désendetter au détriment des investissements productifs. La charge des intérêts dans la valeur ajoutée est ainsi passée de 6,60 % en 1981 à 0,40 % en 2000. Là est une des raisons majeures de la perte de compétitivité enregistrée aujourd’hui.

 Une autre difficulté de non compétitivité est liée à la faiblesse des efforts de RD et d’innovation des entreprises françaises. Selon l’Institut Robert Schuman, la recherche/développement des entreprises non financières en 2007 accuse un gros retard par rapport à l’Allemagne, 1,1 % en moyenne du PIB contre 1,70 % pour l’Allemagne.

Dépenses en RD en % du PIB (Institut R Schuman avril 2007

France 1,1

Allemagne 1,7

Suède 2,5

Japon 2,4

USA 1,6

Espagne 0,5

Pays Bas 0,9

Royaume Uni 0,8

UE27 1

 Dans l’industrie agro-alimentaire française par exemple, la RD en 2009 n’atteignait même pas 1 % du Chiffre d’affaires du secteur !

Il est à noter que la RD est peu accessible aux PME et aux entreprises à faibles marges ce qui n’est pas le cas des grandes entreprises.

Aussi, leur part de RD reste inchangée depuis de nombreuses années.

En considérant que des PME innovantes et produisant la qualité aux meilleurs coûts sont également facteur favorable pour la compétitivité de l’ensemble du système productif national, il sera nécessaire que la grande entreprise prenne enfin ses responsabilités et participe à l’effort de mutualisation des savoirs et des recherches avec les petites et moyennes entreprises.

 A tous ces éléments, il faut y ajouter l’effort productif exceptionnel du travailleur français, plus performant que ceux de la plupart des autres pays selon une mesure de l’Office for National Statistics – 2005 base 100 pour le Royaume Uni.

En effet, la productivité par heure travaillée au sein du G7 en 2005 s’établissait comme suit :

 France 129

Etats Unis 114

Allemagne 112

Royaume Uni 100

Japon 89

Considérer les coûts du travail comme la cause majeure de la faiblesse de compétitivité des entreprises françaises est une imposture. C’est pour le Medef de s’exonérer de ses responsabilités dans ce décalage avec la concurrence internationale pour faire payer aux salariés les incuries de sa propre gestion. Accepter le diktat patronal d’une remise en cause en profondeur du code du travail comme la condition d’un retour à une meilleure compétitivité est un leurre, une capitulation en ras campagne ! Le dé tricotage de la protection sociale, des droits des salariés, la remise en cause du smic, des qualifications ne manqueraient pas d’affaiblir grandement l’économie nationale. C’est tout le contraire qu’il convient de faire. Ne faut-il pas accorder des droits nouveaux pour les travailleurs pour décider de la formation, des choix stratégiques, de l’externalisation des activités, les délocalisations, des plans financiers, de la redistribution de la valeur ajoutée, du réinvestissement des bénéfices dans la production, de la politique de modernisation de l’outil de production ?… Ne faut-il pas créer au plus vite un secteur public bancaire pour orienter l’argent vers la production des richesses et alléger la charge des intérêts supportée par l’entreprise ? Ne faut-il pas favoriser la création de pôles de mutualisation des savoirs secteur par secteur pour dynamiser la RD et d’en partager les retombées ? Ne faut-il pas mettre au point des instruments de mesure pour évaluer tous les efforts entrepris contribuant au développement réel des entreprises ? Il convient aussi, de mettre un terme concernant la non transparence de biens des aspects de la gestion de l’entreprise, par exemple les rémunérations des dirigeants qui pèsent sur les motivations des hommes au travail. Comment accepter que les sacrifices soient toujours inéluctables et nécessaires pour ceux d’en bas quand aucune limite n’est fixée pour ceux d’en haut !

Aussi, comme le relève Martin Hirsch et Sandra Desmettre, dans le Monde du 22 /12/2011, « au cours des vingt dernières années, les 10 % des rémunérations les plus élevées ont capté trois quart de la valeur ajoutée en France. Dans le même temps, la hausse du smic et des prestations sociales a permis une augmentation du revenu des 10 % des salariés les plus modestes, pendant que celle des 80 % des salariés se détériorait. »

Où sont les sacrifices partagés quand en pleine crise et discours d’austérité pour les peuples, les puissants s’autorisent tout ou presque. La revue le Revenu du 28 février 2011 nous apprend que les sociétés du CAC40 ont ainsi versé en 2010 à leurs actionnaires des dividendes en hausse de 13 % ! Ces sociétés du CAC40, les plus grosses entreprises privilégient les dividendes et les rachats d’actions plutôt que les investissements lourds. Elles ont ainsi versé en 2010, 46 % de leurs profits aux revenus du capital, dépassant tous les niveaux historiques de 40 à 42 % en 2008 et  2009 ! Voilà quelques aspects qu’il convient de prendre en compte dans ce débat des coûts qui pèsent sur la compétitivité.

La gauche doit faire beaucoup plus dans le combat idéologique pour mettre en échec les tentatives patronales pour imposer ses solutions. Le gouvernement de gauche ne doit pas larmoyer avec le Medef et opter pour des solutions de reniement de ses valeurs de progrès économiques justement partagées. Résister aux sirènes austéritaires, changer vraiment c’est maintenant ! L’action décidée, unie et large des forces de l’Humain d’Abord est une urgence.

Hubert CRESSELY

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