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27 juillet 2012

PSA Aulnay Ce que l'état peut faire Points de vue

Sur l'HUMANITE

 « L’État peut interdire les licenciements  et faire respecter les accords existants » 

Jean-Pierre Mercier, délégué CGT à PSA Aulnay.

« L’État a largement les moyens d’intervenir avec plusieurs leviers. Les pouvoirs publics ont bien trouvé moyen d’intervenir dans les affaires commerciales de PSA en interdisant au groupe de vendre ses véhicules en Iran, ce qui représente un manque à gagner conséquent pour PSA, donc l’État peut bien intervenir dans ses affaires sociales en interdisant les licenciements, par le biais d’une loi ou d’un décret. Ce serait même une mesure de salut public. Très simplement, il suffirait que l’État exige l’application des accords précédemment passés avec PSA concernant l’indemnisation du chômage partiel de longue durée pour suspendre les suppressions d’emplois. Les accords APLD (activité partielle de longue durée) signés entre l’administration Sarkozy et PSA conditionnent la participation de l’État à l’indemnisation 
du chômage partiel au maintien des emplois concernés par ces mesures. 
Le gouvernement pourrait aussi rétablir la taxe professionnelle – abolie 
par Fillon – pour les entreprises qui licencient. L’État pourrait s’en servir comme menace ou comme mesure de rétorsion, et cela ferait rentrer de l’argent dans les caisses des collectivités locales. Juste après la Seconde Guerre mondiale, l’État a bien été capable d’exproprier purement et simplement parce qu’on était en temps de guerre. Aujourd’hui, on est en temps de guerre économique : l’État doit avoir la volonté politique de choisir le camp des salariés, sinon il se rendra complice de la politique de PSA ! »

« La défense et le développement de la filière avec un plan industriel et pas seulement social » 

François Asensi, député Front de gauche de Seine-Saint-Denis.

« L’an passé, PSA a distribué 200 millions d’euros à ses actionnaires, ce qui correspond, pratiquement, à l’euro près, à la masse salariale d’Aulnay. La question des licenciements boursiers se pose donc. Interdire ces suppressions d’emplois, qui résultent de la recherche d’une rentabilité maximum, est une des priorités. Une proposition de loi en ce sens va être déposée rapidement à l’Assemblée par les députés du Front de gauche. Elle doit être discutée. De même, les salariés sont considérés comme des variables d’ajustement. Or ils produisent les richesses et participent au destin économique de la France, ils doivent disposer de nouveaux droits pour avoir leur mot à dire sur la stratégie de l’entreprise. L’État doit également décider un moratoire sur les licenciements et défendre le développement de la filière automobile en parlant non pas 
de plan social mais de plan industriel. Pour l’instant, il est possible de continuer la production de la C3 jusqu’en 2016 à Aulnay. La question centrale est donc comment y pérenniser une activité industrielle. Reculer 
ne serait-ce que d’un pouce sur ces emplois dans notre pays, singulièrement en Île-de-France, est inenvisageable. L’État doit promouvoir une politique industrielle très forte qui s’inscrive dans le cadre de la transition énergétique. Ce qui signifie travailler sur le véhicule de demain, peu consommateur d’énergie. Il faut proposer des avances remboursables pour la recherche, permettre au génie français de se mettre en œuvre. »

« Discutons du différentiel de compétitivité. On pourrait envisager la mise en place d’un mécanisme de soutien financier porté par l’État » 

Philippe Bonnin, maire PS de Chartres-de-Bretagne et président délégué de l’association des collectivités sites d’industries automobiles (Acsia).

« Étant maire depuis dix-sept ans de Chartres-de-Bretagne (Ille-et-Vilaine), j’ai vu la succession des processus de montée en puissance et de chute de l’usine PSA La Janais implantée sur la commune. Aujourd’hui, nous sommes rendus à un point de rupture. Et la question est la suivante : comment peut-on sauver le secteur ? Pour commencer, il est important que nous ayons une expertise de la réalité des outils de construction automobile en France. L’enjeu, c’est la reconquête du marché. Si on n’a pas cette ambition, on peut tirer un trait sur l’avenir de l’industrie automobile dans notre pays. Et avec PSA, il faut autre chose qu’un plan où le groupe s’engagerait à ne pas fermer d’usine. Ce qu’il faut, c’est un engagement autour d’un pacte industriel. À chaque fois qu’on parle de contraintes de coûts, on nous rebat les oreilles avec les coûts sociaux, mais il ne faut pas oublier les coûts liés à la compétitivité : il y a là des choix technologiques à faire. Certes, on nous dit qu’il existe un différentiel de compétitivité avéré entre nous et les pays émergents, et que cela se traduit par un surcoût des véhicules construits en France. Eh bien discutons de ce différentiel ! On pourrait envisager la mise en place d’un mécanisme de soutien financier qui compenserait cette différence, en faisant le pari que les écarts vont se réduire à l’avenir. En effet, il n’est pas exclu qu’au niveau mondial, d’ici trois ou quatre ans, les coûts sociaux se rééquilibrent et qu’à la faveur d’un repositionnement du marché la France puisse relancer sa production. Ce soutien pourrait venir de l’État sous forme de prêts accordés sur la base d’un projet stratégique partagé (reconquête du marché, véhicules durables, etc.). Il y a actuellement tout un débat autour 
de l’idée : est-ce que l’État doit encore aider un groupe privé qui a déjà largement bénéficié d’aides ? Je pense que ce débat n’a pas lieu d’être. Le gouvernement est directement concerné. Et on peut prendre l’exemple 
de General Motors, aux États-Unis, qui a été sauvé par le gouvernement Obama… Aujourd’hui, la situation est grave. Dans le cas de PSA, si on ne fait rien, ça va être le dépôt de bilan. C’est pourquoi je souhaite que ces réflexions soient portées en avant. »

« Tout d’abord, nous demandons au gouvernement d’agir  pour que les restructurations soient suspendues immédiatement »  

Philippe Martinez, secrétaire général de la fédération CGT de la métallurgie.

« Dans le cas de PSA, le gouvernement doit prendre ses responsabilités. J’étais délégué syndical central quand Renault a fermé le site belge de Vilvorde en 1997. Le Parti socialiste était au pouvoir. Il nous avait répondu que l’État ne pouvait rien faire. Je ne veux plus entendre ça ! Il y a une vraie réflexion à mener sur la filière automobile. On ne peut pas se borner à lancer une expertise que sur Aulnay. Les constructeurs, les équipementiers, les sous-traitants, les emplois induits, tous vont trinquer. TRW, sous-traitant de PSA dans les Vosges, est déjà en cessation de paiement. Tout d’abord, nous demandons au gouvernement d’agir pour que les restructurations soient suspendues immédiatement. Il devra ensuite se pencher sur les problèmes de la filière. On a besoin d’une flexibilité des installations et non pas des hommes. Si, par exemple, on construisait deux types de véhicules sur un site, ça permettrait de minimiser les risques commerciaux. Il faut aussi mettre fin à la surcapacité de production qui est seulement générée par l’organisation du travail. On pousse la productivité des salariés au maximum. Mais quand la consommation baisse, il n’y a plus de marge et l’entreprise exige les licenciements. On ne peut pas passer son temps à jongler entre les heures supplémentaires et le chômage technique. D’autre 
part, au lieu de renouveler les primes à la casse, 
le gouvernement ferait mieux de favoriser la mise en place d’un livret auto à 0 % pour financer les achats de véhicules moins polluants. Si nous arrivons à un diagnostic partagé sur la filière, le gouvernement devra prendre les choses en main, sous peine de provoquer la désillusion. Sur les droits nouveaux, il peut légiférer rapidement ! On va peser de tout notre poids pour que les élus aux comités d’entreprise (CE) puissent avoir un droit suspensif en cas de plan social. Il nous faut aussi plus d’élus dans les conseils d’administration (CA) 
et avec un réel pouvoir d’intervention. Nous avons 
des représentants au CA, par exemple, chez Renault, 
mais ce n’est pas assez. Nous sommes prêts à 
instaurer un rapport de forces avec les pouvoirs 
publics. Le 9 octobre, nous participerons à la journée d’action française et européenne pour l’industrie. »

« Il faut réexaminer les aides accordées  et faire pression via les marchés publics »  

Gabriel Colletis, universitaire, spécialiste des questions industrielles.

« Le gouvernement a les moyens de ramener le groupe PSA 
à la raison. Le premier levier qu’il peut utiliser, c’est de réexaminer toutes les aides qui ont pu ou qui vont lui être attribuées. Arnaud Montebourg les évalue à 8 milliards d’euros. Je pense en particulier au crédit d’impôt pour la recherche-développement. 
Le groupe a bénéficié d’aides à ce titre mais cela ne l’empêche pas d’annoncer 1 800 suppressions de postes dans ce seul secteur de la R&D. Par ailleurs, PSA bénéficie comme tous les grands groupes internationalisés de dispositions fiscales lui permettant de payer le moins d’impôt possible. Il faut que le fisc aille voir de plus près. Le deuxième levier concerne toutes les exonérations de cotisations sociales dont il bénéficie : les aides au chômage partiel, le soutien à la formation, les contrats en alternance, etc. Il ne faut pas oublier également les éventuels arriérés de dettes du groupe à l’égard de la Sécurité sociale. 
Il faut aussi ne pas perdre de vue qu’il s’agit d’un groupe implanté 
un peu partout en France dans différents territoires et, qu’à ce titre, il bénéficie de concours divers : à l’implantation de ceci, à la déviation de telle route... 
Les conseils régionaux peuvent examiner ces choses de plus près. Le troisième point concerne les prétendus reclassements annoncés. De fait, c’est une façon d’annoncer des licenciements sans le dire. Si PSA parvient à ses fins, il y aura des licenciements. En effet, la perspective de reclassements sur Poissy est totalement absurde puisque la direction de PSA considère qu’il y a dans cette usine un sureffectif de 700 salariés. Les autres possibilités de reclassements évoquées ne concernent que des entreprises dont l’État est actionnaire : 
SNCF, EADS, Safran. Mais si le groupe persiste à parler de reclassements 
plutôt que de licenciements, c’est qu’il y a des raisons. Des licenciements 
en tant que tels lui coûteraient une fortune. D’abord parce qu’il devrait payer des indemnités et surtout parce qu’un grand groupe comme cela, est, 
en cas de licenciements importants, obligé de réindustrialiser les bassins affectés. Il devrait mobiliser des sommes considérables ! Il faut faire 
la clarté là-dessus. Le quatrième levier, ce sont les marchés publics. 
L’État, les entreprises publiques, les régions, les collectivités territoriales 
comme acheteurs disposent également de moyens de pression. »

 

Propos recueillis par 
Alexandra Chaignon, Julia Hamlaoui, Pierre Ivorra,
Loan Nguyen et Cécile Rousseau

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