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2 août 2012

Vel’ d’Hiv’ : « les sept erreurs de François Hollande »

Sur MARIANNE

Mardi 31 Juillet 2012 à 05:00 | Lu 6388 fois I 19 commentaire(s)

 

Roland Hureaux

 

 
Après le discours de François Hollande, le 22 juillet dernier, associant «la France» aux crimes de Vichy, la polémique et le débat ont pris de l'ampleur. Cette fois, c'est l'historien franco-israélien, Alain Michel, qui revient sur le discours de Hollande. Selon lui, le chef de l'Etat a commis «sept erreurs» qu'il convient de rappeler.

 

(François Hollande, le 22 juillet 2012 - SITTLER-POOL/SIPA)
(François Hollande, le 22 juillet 2012 - SITTLER-POOL/SIPA)
Même s’il n’a fait que reprendre la thèse de Jacques Chirac, le discours de François Hollande du 22 juillet 2012 commémorant la rafle du Vel’ d’Hiv’ n’a pas fini de faire des vagues. A la critique de plusieurs personnalités gaullistes et de Jean-Pierre Chevènement, on peut ajouter celle d’un historien franco-israélien, Alain Michel, auteur de «Vichy et la Shoah, enquête sur le paradoxe français», préfacé par Richard Prasquier (ed. CLD), qui pointe dans ce discours les «sept erreurs de François Hollande».
 
A la différence des gaullistes, l’auteur ne cherche pas à savoir où se trouvait alors le gouvernement légitime de la France, à Londres ou à Vichy. Rappelant le fait que les autorités de Londres, pas plus que la plupart de mouvements résistants, n’ont pas protesté contre ces rafles (on pourrait en dire autant de Roosevelt et Churchill), il nuance dans un sens moins accablant le rôle de Vichy.  
 
S’il est vrai que Pétain s’efforça d’épargner les Juifs français, on peut cependant rappeler que si Vichy n’avait pas, hors de toute contrainte de l’occupant, instauré dès 1940 un statut des Juifs,  les rafles auraient été bien plus difficiles. Cependant, Alain Michel rappelle opportunément que la Convention de Genève sur le droit de la guerre — toujours en vigueur — place ipso facto les forces de polices des pays occupés sous les ordres de l’autorité occupante. 
 
Les sept erreurs de François Hollande, selon l’historien :  
 
1 - François Hollande : Une directive claire avait été donnée par l'administration de Vichy : «Les enfants ne doivent pas partir dans les mêmes convois que les parents».
 
Alain Michel : La manière dont François Hollande présente les faits (la séparation des enfants de leurs parents dans les camps du Loiret avant la déportation) est doublement erronée.
Tout d’abord il ne s’agit pas d’une directive du gouvernement collaborationniste de Vichy. L’organisation de la déportation se déroule dans un dialogue et une coopération entre l’administration policière de la «zone occupée» et les autorités allemandes, plus précisément les représentants d’Eichmann à Paris. Il n’y a aucune intervention de Vichy sur cette question.
De plus la décision de déporter les enfants vient des Allemands et la séparation des parents et des enfants découle de leur besoin de faire partir les convois alors qu’ils n’ont pas encore l’autorisation de Berlin d’envoyer les enfants. Pour résumer, la police de la «zone occupée» applique des directives allemandes.
 
2 - François Hollande : Je tiens à rappeler les mots que le Grand rabbin de France Jacob Kaplan adressa au maréchal Pétain en octobre 1940, après la promulgation de l'odieux statut des Juifs : «Victimes, écrivait-il, de mesures qui nous atteignent dans notre dignité d'hommes et dans notre honneur de Français, nous exprimons notre foi profonde en l'esprit de justice de la France éternelle…» 
 
AM : Première précision, Jacob Kaplan n’est pas Grand rabbin de France, il ne le deviendra qu’en 1954. Mais surtout, la déclaration d’attachement patriotique de Jacob Kaplan n’a rien à voir avec la rafle de 1942. D’une part du fait que la Solution finale n’existe pas encore en 1940 et ce qui préoccupe alors Jacob Kaplan est l’antisémitisme français ; d’autre part, parce que, sous la pression du gouvernement de Vichy, aucun adulte français (ou d’origine algérienne) n’a été arrêté lors de la rafle de juillet 1942, alors que Jacob Kaplan, dans sa déclaration d’amour à la France, s’exprime au nom des Juifs français et d’eux seuls.
 
3 - François Hollande : La vérité, c'est que la police française, sur la base des listes qu'elle avait elle-même établies, s'est chargée d'arrêter les milliers d'innocents pris au piège le 16 juillet 1942. C'est que la gendarmerie française les a escortés jusqu'aux camps d'internement. La vérité, c'est que pas un soldat allemand, pas un seul, ne fut mobilisé pour l'ensemble de l'opération. La vérité, c'est que ce crime fut commis en France, par la France.
 
AM : Il y a une confusion dans le fait que la police française de la «zone occupée» a établi des listes en octobre 1940 sur demande allemande et non de sa propre initiative comme la phrase semble le suggérer. Effectivement, les soldats allemands ne seront jamais mobilisés en France pour arrêter des Juifs. La Gestapo sait bien avant la rafle qu’elle peut compter sur la police de la zone nord, qui lui obéit du fait de l’application de la convention de la Haye et de la convention d’armistice. Plus de 8 000 Juifs ont déjà été arrêtés en 1941 dans la région parisienne et les Allemands se sont toujours servis de la police française pour ces rafles. Pour résumer, François Hollande aurait pu dire : «La vérité, c’est que ce crime fut commis en France par les nazis avec la complicité de la police et de l’administration française».
 
4- François Hollande : L'honneur fut sauvé par les Justes, et au-delà par tous ceux qui surent s'élever contre la barbarie, par ces héros anonymes qui, ici, cachèrent un voisin ; qui, là, en aidèrent un autre ; qui risquèrent leurs vies pour que soient épargnées celles des innocents. Par tous ces Français qui ont permis que survivent les trois quarts des Juifs de France.
 
AM : Cette affirmation est incomplète dans la mesure où ce ne sont pas seulement les Justes et les héros anonymes qui ont sauvé les trois quarts des Juifs de France, mais aussi l’action et les choix politiques du gouvernement de Vichy qui, en tentant de protéger les Juifs français (et en abandonnant à leur sort les Juifs d’origine étrangère), a considérablement ralenti la machine de destruction allemande (voir les historiens Léon Poliakov et Raul Hilberg).
 
5- François Hollande : L'honneur de la France était incarné par le général de Gaulle qui s'était dressé le 18 juin 1940 pour continuer le combat.
 
AM : Il ne convient pas, dans une cérémonie consacrée à la persécution des Juifs, de citer le général de Gaulle qui n’a rien dit et rien fait pendant la Seconde Guerre mondiale pour encourager les Français à sauver les Juifs.
 
6 - François Hollande : L'honneur de la France était défendu par la Résistance, cette armée des ombres qui ne se résigna pas à la honte et à la défaite.
 
AM : De même, la Résistance en tant qu’organisme n’a rien fait et rien dit pour sauver les Juifs ou encourager à les sauver, à l’exception de Témoignage chrétien et des Mouvements de résistance juifs (communistes et communautaires). Certes des résistants, en tant qu’individus, ont sauvé des Juifs, mais jamais sur instruction de leurs mouvements.
 
7- François Hollande : L'enjeu est de lutter sans relâche contre toutes les formes de falsification de l'Histoire. Non seulement contre l'outrage du négationnisme, mais aussi contre la tentation du relativisme.
 
AM : Le président de la République met sur le même plan le «négationnisme», qui consiste à nier l’évidence (la réalité de la Shoah) et se présente comme une anti-histoire, et les approches d’historiens qui remettent en cause certaines interprétations idéologiques, en relativisant ce qui s’est passé en France par rapport à ce qui s’est passé ailleurs en Europe.
Cette confusion entre «négationnisme» et «relativisme» est de nature à indigner les citoyens épris de vérité. Elle illustre une tentative d’imposer une histoire officielle et d’empêcher la libre recherche historique.
 
>> Pour aller plus loin, relire le dossier: Rafle du Vel' d'Hiv' : la France coupable ? 
 
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