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17 août 2012

Wikileaks : Assange embarqué dans un conflit diplomatique

Sur MEDIAPART

 

 

Wikileaks : Assange embarqué dans un conflit diplomatique

 

« C'est une victoire significative pour moi-même et mes supporteurs, a déclaré Julian Assange après avoir appris que l'asile politique lui était accordé en Équateur. Mais les choses vont sûrement devenir plus stressantes à présent. » En effet, cerné par la police, on imagine mal comment le cofondateur de Wikileaks (site à l'origine de la divulgation, en 2010, de 250 000 câbles diplomatiques américains) pourrait échapper à son arrestation, si ce n'est par une ruse digne des films d'espionnage. Mais Julian Assange se retrouve aussi dans une posture qui lui sied bien, transformant une impasse personnelle en affaire d'État et, dans ce cas, en guerre diplomatique.

 

Extrait de la déclaration de Julian Assange que s'est procurée le GuardianExtrait de la déclaration de Julian Assange que s'est procurée le Guardian
 
 

« Nous avons décidé d'accorder l'asile politique à Julian Assange » : ces mots prononcés par le ministre des affaires étrangères équatorien, Ricardo Patino, jeudi 16 août, ne semblent cependant pas suffisants pour éviter l'extradition de Julian Assange vers la Suède où il est accusé, depuis août 2010, d'agressions sexuelles sur deux sympathisantes de son mouvement (ce que Julian Assange a toujours nié). Car le gouvernement britannique reste déterminé à arrêter le cofondateur de Wikileaks pour l'extrader, fût-ce en violant les règles internationales, en pénétrant dans l'ambassade d'Équateur où Julian Assange est réfugié.

En face, l'Équateur se dit prêt à faire usage de la force pour défendre son intégrité territoriale. « Personne ne nous terrorisera », aurait déclaré le président équatorien Rafael Correa avant l'annonce de l'accord de l'asile politique. La tension diplomatique entre Équateur et Grande-Bretagne a rapidement atteint des sommets en l'espace d'une journée.

« Conformément à notre législation, M. Assange ayant épuisé toutes ses possibilités d'appel, les autorités britanniques sont dans l'obligation de l'extrader vers la Suède. (…) La décision du gouvernement équatorien ne change rien à cela », a aussitôt réagi le ministère des affaires étrangères britannique dans un communiqué.

Après avoir épuisé toutes les voies de recours, Julian Assange avait réussi à échapper aux conditions de sa liberté surveillée pour se réfugier depuis le 19 juin dans l'ambassade équatorienne de Londres où il avait formulé sa demande d'asile politique.

Mais depuis ce matin, de crainte que Julian Assange ne parte en Équateur, la police britannique bloque toutes les issues de l'ambassade prise d'assaut par les caméras et des centaines de personnes venues soutenir le cofondateur de Wikileaks. Les autorités britanniques ont prévenu : en cas de refus de la représentation diplomatique de leur livrer Julian Assange, la police donnera l’assaut.

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De quoi mettre en ébullition ses sympathisants aux quatre coins du monde. Ils sont une centaine à s'être rassemblés devant l'ambassade de l'Équateur à Londres. Le cinéaste américain Michael Moore et d'autres appellent sur les réseaux sociaux à venir gonfler les rangs de la manifestation que l'on peut suivre en direct ici. De son côté, le mouvement américain Occupy Wall Street appelle sur Facebook à occuper le consulat britannique à New York.

Convention de Vienne

Le choix de l'Équateur pour Julian Assange ne semble pas être le fruit du hasard. Le pays lui avait déjà proposé de l'accueillir en 2010, après la publication des câbles diplomatiques. Pour le neutraliser ? Selon le Guardian, ces câbles mettaient fortement en cause le gouvernement équatorien, en relevant, notamment, des entorses régulières contre la liberté de la presse et faisant état de corruption dans le système judiciaire.

L'autre avantage à choisir l'Équateur est que le pays est en conflit larvé avec les États-Unis depuis 2007. Le président Correa avait conditionné le renouvellement de la base militaire américaine en Équateur à l'ouverture d'une base militaire équatorienne en Floride.

Face aux menaces britanniques d'intervention dans l'ambassade, difficile donc de faire autre chose que d'accorder l'asile à Julian Assange de la part d'un président aux allures d'Hugo Chavez. Quoi qu'il en soit, cet asile politique ne suffira pas à échapper à la police. Outre que Julian Assange est littéralement encerclé, il aura besoin d'un laissez-passer pour quitter le territoire. Ce que les Britanniques refusent catégoriquement.

« Nous devons être absolument clairs sur le fait que si nous recevions une demande de sauf-conduit pour M. Assange, après qu'il eut obtenu l'asile politique, celui-ci serait refusé, conformément à nos obligations légales », prévenait une note confidentielle des affaires étrangères britanniques, rendue publique mercredi 15 août. Un porte-parole du ministère affirmait la veille que « le Royaume-Uni a l'obligation légale d'extrader monsieur Assange vers la Suède (…) et nous restons déterminés à remplir cette obligation ». Le fil Twitter des Affaires étrangères britanniques témoigne en effet de cette détermination :

« La position qu'a adoptée le gouvernement de Grande-Bretagne est inadmissible, tant du point de vue politique que du point de vue juridique », a dénoncé le ministre des affaires étrangères équatorien, Ricardo Patino, en ajoutant qu’« une entrée non autorisée dans l'ambassade d'Équateur serait une violation flagrante de la Convention de Vienne » qui régit les relations diplomatiques. Les membres de Wikileaks crient également à la violation du droit international. Dans un communiqué publié avant l’assaut, ils clament que « le fait de donner l’asile politique ne peut pas être interprété par un autre État comme une décision hostile ».

Pénétrer dans les locaux de l’ambassade d’Équateur, sans l’autorisation de son ambassadeur, constituerait une violation de l’article 22 de la Convention de Vienne qui dit : « Les locaux de la mission sont inviolables. Il n’est pas permis aux agents de l’État accréditaire d’y pénétrer, sauf avec le consentement du chef de la mission. » La dernière violation de l'article 22 remonte à 2011 en Iran et visait l'ambassade… britannique qui avait été envahie et saccagée.

Julian Assange redoute qu’une fois extradé vers la Suède, plus rien n’empêche les autorités suédoises de l’extrader aux États-Unis où le fondateur de Wikileaks a fort à craindre après la divulgation des câbles diplomatiques. Fin juin 2012, dans une interview accordée au journal australien Sydney Morning Herald, il demandait des garanties qu'il ne soit pas poursuivi aux États-Unis pour la publication de ces dépêches : « Si les États-Unis pouvaient garantir l'abandon de l'enquête devant le Grand jury et de toute autre enquête sur les activités de WikiLeaks, ce serait une garantie importante. »

Julian AssangeJulian Assange

De plus, selon un mail publié sur le site de Wikileaks, et adressé par le vice-président de la société de surveillance privée Stratfor à des subordonnés, fin février 2012, les États-Unis auraient en effet lancé un « acte d’accusation secrète » contre Julian Assange. C'est cette menace qui a poussé l'Équateur à lui accorder l'asile ainsi que le justifiait, il y a quelques jours, le président équatorien : « S'il s'avérait que la vie d'Assange était en danger, ce serait une raison qui justifiait l'octroi de l'asile », en rappelant que « la peine de mort pour des délits politiques existe aux États-Unis ». Il y a deux semaines, l'Équateur avait d'ailleurs proposé à la justice suédoise un compromis : venir interroger Julian Assange dans son ambassade londonienne. Ce que Stockholm avait rejeté.

Dans sa conférence de presse, Ricardo Patino, le ministre des affaires étrangères équatorien, a exprimé ses doutes quant à la garantie que Julian Assange ne soit pas extradé vers les États-Unis après avoir été transféré en Suède. Du coup, jeudi, la Suède a convoqué d'urgence l'ambassadeur équatorien à Stockholm pour qu'il s'explique sur les accusations de partialité de la justice suédoise.

Le bras de fer de Julian Assange avec les autorités britanniques dure depuis plus d'un an et demi. Visé par un mandat d’arrêt international lancé par les autorités suédoises, Julian Assange avait été arrêté en décembre 2010. Incarcéré pendant dix jours, il avait été placé en liberté surveillée et assigné à résidence le 16 décembre 2011, après le versement d'une caution pour laquelle Michael Moore avait donné 20 000 dollars.

Julian Assange était parvenu à se soustraire aux conditions de sa liberté surveillée en se réfugiant dans l’ambassade d’Équateur, le 19 juin 2012. Entre temps, la Cour suprême britannique a confirmé la décision d’extradition vers la Suède décidée par les autorités britanniques. Ce fut la fin des recours possibles pour Julian Assange.

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Par solidarité avec Wikileaks, alors que le gouvernement français étudiait les moyens juridiques d'interdire son hébergement en France, Mediapart avait décidé, en décembre 2010, de créer un « site miroir » pour aider à sa protection, avant de lancer le Wikileaks français, Frenchleaks.fr en 2011, dédié à la diffusion de documents d’intérêt public provenant des journalistes de la rédaction ou d'anonymes.

Mediapart avait rencontré Julian Assange en janvier 2011 dans sa résidence surveillée de Grande-Bretagne. Voici l'entretien :

 


Mediapart nouveau partenaire de WikiLeaks par Mediapart .

 

 

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