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26 août 2012

Mélenchon défend une interpellation tonitruante du pouvoir

 

Grenoble, de notre envoyé spécial

« Les dialogues fracassants sont de nature à vivifier la citoyenneté. » Vendredi soir, en meeting à Grenoble, au moment de conclure l’université d’été de son Parti de gauche, Jean-Luc Mélenchon a montré aux « siens » combien il était requinqué. Après avoir « mis les doigts dans la prise de courant sud-américaine », l’ancien candidat à la présidentielle s’est remis de son échec à la législative d'Hénin-Beaumont, et a saisi le bâton de premier opposant à gauche du gouvernement Ayrault lors de cette rentrée. Et il l’annonce aux plus de 400 personnes présentes : « La page de la présidentielle n’est pas tournée, la flamme ne s’éteindra pas ! »

Après des vacances passées au forum de Sao Paulo, qui se tenait à Caracas, la capitale du Venezuela, puis en campagne électorale avec le président vénézuélien Hugo Chavez, avant l'élection présidentielle qui doit se tenir en octobre, Jean-Luc Mélenchon se dit « très satisfait » de sa rentrée politique. On l'a vu occuper l’espace médiatique avec une critique du bilan des cent premiers jours du nouveau pouvoir socialiste : « cent jours pour presque rien », estima-t-il ainsi dans le Journal du dimanche (entretien à lire ici).

Une attaque bille en tête, qu’il a renouvelée vendredi soir lors d’un “meeting happening”, où se sont succédé divers syndicalistes et militants : il leur a laissé le soin d’interpeller à leur tour le premier ministre, avant d’écouter en duplex Julian Assange depuis l'ambassade d'Équateur à Londres, puis de réclamer que la France appuie la demande d’asile politique du leader de Wikileaks vers l'Équateur.

Julien Assange intervenant surprise du meeting, depuis Londres.Julien Assange intervenant surprise du meeting, depuis Londres.© (SA)

La véhémence du leader du Front de gauche se veut celle d’un « ayant droit » de la victoire de François Hollande, comme il aime à définir désormais la relation de son parti avec la majorité présidentielle. Il ne se lasse pas de répéter que, sans le report des 4 millions de voix recueillies au premier tour sur son nom, celle-ci n'aurait pas eu lieu. Pourtant, sa critique a déclenché plusieurs réactions, pas toujours tendres, de nombreux socialistes, au premier rang desquels Jean-Marc Ayrault. Selon le premier ministre, Mélenchon « devrait avoir plus de lucidité. Mais c'est vrai que lorsque l'on revient de cinq semaines de vacances au Venezuela avec Hugo Chavez, on manque un peu de connaissance sur ce qui s'est passé en France et en Europe ». Avant de conclure : « Il n'a pas été élu président. Il n'a même pas été élu député. »

« On ne peut pas répondre avec autant de mépris ! s’est offusqué Mélenchon. On peut perdre des élections, ça n’enlève aucun droit à poser des questions politiques. Et on me répond avec mes vacances ! Je préfère les prendre avec Chavez qu’avec Merkel… » S’il joue au blessé par la riposte socialiste à ses interpellations, celui qui est encore eurodéputé n’est pas mécontent de se retrouver dans un tel face-à-face avec le premier ministre. « C’est d’une bêtise sans nom, ils nous remettent en course », se félicite un proche lieutenant de Mélenchon. Lui-même, après le meeting, devant les journalistes, sourit : « Nos interlocuteurs et concurrents ont été très mauvais cette semaine. »

Le Front de gauche dans son ensemble entend profiter du mois de septembre pour mettre la pression sur le gouvernement, notamment à propos de l’adoption du traité budgétaire européen, en demandant un référendum. « François Hollande s’était engagé durant sa campagne à renégocier le traité, explique le secrétaire national du PCF Pierre Laurent. Or il va s’agir de voter le même texte à la ligne près. Donc il y a une question démocratique qui va se poser. »

Mais quel est l’objectif réaliste que souhaite obtenir « l’autre gauche », alors que la direction du PS et la majorité des députés socialistes ont annoncé leur intention que le texte soit voté en l’état à l’Assemblée nationale ? « Il ne faut pas se fixer de limites, dit Pierre Laurent. Je pense que nos arguments peuvent être plus forts que les demandes de discipline. » « Nous allons déjà obtenir une réponse sur le référendum, renchérit Mélenchon, qui a ressorti en meeting une motion, déposée en 2007 par Ayrault à la suite du congrès de Versailles…, pour demander un référendum à Sarkozy sur le traité de Lisbonne. Et quand Hollande dira non, on va pouvoir en parler et lui demander pourquoi. Au final, la question c’est : “Est-ce que les socialistes acceptent qu’il y ait un débat à gauche ?” »

S’ils se félicitent du débat naissant chez les écolos (lire ici notre article) et espèrent que l’aile gauche du PS ne rentrera pas dans le rang, la volonté de mener bataille des leaders du Front de gauche – comme la virulence du vocabulaire employé par Mélenchon –, ne risque-t-elle pas de ressusciter la division entre deux gauches irréconciliables ?

 

Là, c’est plutôt “Passe-moi la bouée”

« Ce sont eux (les socialistes) qui vont choisir la forme de la relation qu’on aura à l’intérieur de la gauche », rétorque Mélenchon. Lui affirme qu’il y a « deux orientations à gauche », et souligne que c’est « Michel Sapin, un ministre proche de François Hollande, qui parle des deux gauches, celle qui gouverne et celle qui proteste (lire ici). En disant cela, il parle comme Besancenot. Mais nous, nous ne sommes pas des sectaires qui attendent que tout se casse la gueule, puis que la révolution arrive ». Et de prévenir : « J’ai un peu d’espoir qu’on se parle sur le traité européen. Mais si ce n’est pas le cas, alors, c’est Ayrault qui portera la responsabilité d’avoir divisé la gauche ! »

Ces attaques en règle du gouvernement, au bout de seulement cent jours d'exercice du pouvoir, sont-elles audibles par une opinion et un électorat de gauche qui a largement voté socialiste aux dernières législatives ? « Bien sûr que c’est audible, s’énerve Mélenchon. Le peuple français est sur la ligne “Qu’ils s’en aillent tous !” Vous en avez rencontré beaucoup, vous, des gens en vacances qui disaient “Ouah, c’est formidable ! C’est trop génial la gauche au pouvoir !” En 1981, on en voyait. Là, c’est plutôt “Passe-moi la bouée”. »

Dans le reste du Front de gauche, ils sont nombreux à saluer la rentrée tonitruante de leur ancien candidat à la présidentielle. « Jean-Luc parle à sa manière, c’est un peu free style, mais ça résume notre état d’esprit à tous : le clivage fondamental, c’est l’attitude face au néolibéralisme », dit l’ancienne trotskyste Danielle Obono. « Il ne faut pas jouer la défaite, mais on ne peut pas se taire non plus, enchaîne la communiste Marie-Pierre Vieu. Et quand Jean-Luc parle, il est entendu. Bien sûr qu’on soutiendra les lois qui iront dans le bon sens, mais sur l’Europe on ne peut pas laisser passer un “traité de Versailles bis”. On n’est pas là pour peser uniquement sur le PS, mais pour que la gauche ne se plante pas. On ne peut pas donner un quitus moral à la normalité. »

L’ancienne députée écologiste Martine Billard, coprésidente du Parti de gauche, abonde : « Nous ne crions pas à la trahison, mais mieux vaut tirer la sonnette d’alarme dès maintenant que crier à la catastrophe ensuite. » Pour l’ancien dirigeant du NPA, Pierre-François Grond, « le profil politique de Mélenchon dans cette rentrée est parfait, car il fallait commencer à dire qu’on n'était pas d’accord avec les débuts de ce gouvernement, et ce depuis le soutien à la victoire de la droite en Grèce, en juin dernier ». Pour cet ancien proche d’Olivier Besancenot, qui vient de rallier le Front de gauche avec plus de six cents militants du NPA, « il y a une cohérence à mener dès maintenant une bataille politique sur l’Europe, car les mesures d’austérité vont découler du traité. En plantant progressivement des drapeaux et des banderilles, on peut créer les conditions de la mobilisation sociale pour être un recours à gauche ».

Du côté de la direction communiste, si on partage le fond du ressentiment mélenchonien, on se veut plus mesuré sur la forme. « Il ne sert à rien d’être obnubilé par Hollande et Ayrault, tempère ainsi le secrétaire national aux relations extérieures du PCF, Francis Parny. Les électeurs n’avaient pas d’illusions sur le sujet. » Pour lui, la mission du Front de gauche doit davantage être celle d’« apparaître comme soucieux d’efficacité ». Et d’expliquer : « Ce que nous demandent les associations et les syndicats, c’est de les aider quand ils parlent aux ministres, pour que leurs paroles soient plus fortes encore. »

Face au feu Jean-Luc Mélenchon, le froid Pierre Laurent se veut serein : « Il y a toujours eu des différences de style et de façon de parler entre nous, mais ça n’a jamais été un problème qui nous a empêché de progresser. On va continuer d’additionner nos énergies. » Pour le patron des communistes, « bien sûr qu’il y a eu une rupture avec le pouvoir sarkozyste, ne serait-ce que dans la façon de faire ». Mais le constat politique est le même : « Si les socialistes continuent cette politique, elle butera sur les forces politiques refusant le changement. S’en mêler, ce n’est pas être pour ou contre le gouvernement, c’est vouloir sortir de la crise sociale. »

 

 

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