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28 août 2012

Le monde de la finance lâche Obama, l'Amérique tentée par le "Boss" Romney

 Sur MARIANNE

Rédigé par Stephane Trano le Mardi 28 Août 2012 à 11:52 | 0 commentaire(s)

 

Tandis que le président aligne autant de promesses qu'en 2008, le frémissement de l'opinion américaine en faveur du pragmatisme et du volontarisme de Romney se confirme. Quand l'économie réelle rattrape Obama qui a tout fait pour la faire oublier...

 

Vidéo: En attendant l'ouverture différée de la convention nationale républicaine, Mitt Romney est en campagne sur le terrain.



En 2008, Barack Obama avait pu compter sur le soutien ferme des milieux financiers du pays qui ont largement financé sa campagne, avec 93 millions de dollars de donations contre 83 millions à son adversaire républicain McCain. Au cours de l'Histoire américaine des cent dernières années, Wall Street a toujours fait plus de bénéfices sous un gouvernement Démocrate (8,5% en moyenne) que sous un gouvernement Républicain (6%). Ils ont reçus, en retour, un soutien de 800 milliards de dollars dans la foulée de l'élection du candidat démocrate. 

Dans le Fiscal Times, ce mardi matin, Yuval Rosenberg signe un article sous le titre: Wall Street abandonne Obama et encourage Romney. Le journaliste indique que les grandes firmes ont donné à ce jour trois fois plus à la campagne de Mitt Romney qu'à celle de Barack Obama. La liste des 5 premiers donateurs de chaque candidat parle d'elle-même:

Barack Obama

  • Université de Californie: 491 868 dollars
  • Microsoft: 443 748 dollars
  • Google: 357 382 dollars
  • DLA Piper: 331 715 dollars
  • Université d'Harvard: 317 516 dollars
 
Mitt Romney
  • Goldman Sachs: 676 080 dollars
  • JP Morgan Chase & Co: 520 299 dollars
  • Morgan Stanley: 513 647 dollars
  • Bank Of America: 510 728 dollars
  • Credit Suisse Group: 427 560 dollars
 
(Source: Center for Responsive Politics, 21 août 2012)

Au total, 67 millions de dollars sont déjà allé, cette année, dans les caisses de campagne du candidat Romney contre 44 millions de dollars pour Barack Obama.

Mais comment expliquer ce revirement de confiance dans la politique d'Obama? La réponse tient, principalement, à ce que les milieux financiers américains détestent le plus, comme l'explique à Yuval Rosenberd le fondateur de SeaPort Securities, Ted Weisberg:

« Je n'ai jamais vu dans ma vie de telles politiques dysfonctionnelles à Washington. (...) L'élection est ici un enjeu énorme, parce que si les politiques actuelles ne changent pas - ou, le cas échéant, se renforcent - cela signifie que nous repartons pour 3 à 4 ans pour nulle part. Et ce pays a désespérément besoin d'un changement. (...) S'il ya un changement, je pense que le marché va rugir car le marché est avant tout une question de confiance et de ce que j'appelle le facteur de bien-être. »

Or, à l'instar de Ted Weisberg, beaucoup d'acteurs du marché sortent lessivés d'une paralysie presque totale du gouvernement en raison de la disparition de tout bipartisanisme au Congrès américain en raison de l'opposition farouche et sans concession des deux côtés Républicains et Démocrates. L'incertitude des orientations pesant systématiquement sur les marchés durant de longs mois de débats pour toute initiative ou proposition de loi a fini par assécher l'esprit d'initiative et réduire les volumes de transactions, avec des conséquences lourdes pour la plupart des entreprises d'un pays où tout se joue sur les marchés.
Le grand écart de l'opinion américaine
De manière assez révélatrice, l'opinion des Américains fait le grand écart sur la question. Mais le noyau dur du ressenti de la situation est solide, comme l'explique l'analyse que publie l'Institut Gallup, dans laquelle il note:

« De toutes les données de Gallup, qui ont été recueillies dans le monde entier et sur pratiquement toutes les questions, la conclusion la plus profonde est la suivante: La volonté première du monde n'est plus la paix, la liberté ou même la démocratie, ce n'est pas d'avoir une famille, ni un Dieu, ni de posséder une maison ou un terrain. La volonté du monde est d'abord et avant tout d'avoir un bon travail. Tout le reste vient après. Un bon emploi est une valeur sociale. C'est un énorme changement sociologique de l'humanité. Cela change tout sur la façon dont les gens mènent les pays, les villes, et les organisations. »

En ce qui concerne les Etats-Unis, Gallup aligne les dix facteurs qui façonnent l'opinion américaine aujourd'hui. En résumé, ces facteurs sont:


  • Avoir un emploi et un bon emploi
  • Ce n'est pas le gouvernement qui créé de bons emplois mais les villes, à travers l'innovation et l'entrepreunariat
  • Les 3 sources principales d'emplois sont les 100 premières villes, les 100 premières universités et les 10 000 leaders locaux
  • L'entrepreunariat - et l'investissement dans celui-ci - fait plus que l'innovation
  • L'Amérique ne peut plus alourdir sa facture de santé
  • L'abandon des études scolaires est un fléau à combattre en priorité
  • Il faut doubler le nombre d'employés engagés dans l'entreprise pour créér des forces commerciales
  • Les Américains doivent comprendre les attentes du consommateur global dans le monde et y répondre
  • Les villes doivent créer des cadres favorables en priorité aux petites et moyennes entreprises
  • Les Etats-Unis doivent tripler le nombre de leurs exportations et cesser de vendre en priorité aux Américains
 
Lorsqu'ils sont interrogés actuellement sur l'ensemble de ces éléments, les Américains font profil bas et leur niveau de confiance dans leur pays montre des signes persistants de scepticisme. Ils se retrouvent pris en étau entre le sentiment globalement favorable qu'il portent vis à vis de Barack Obama - sa côté de sympathie est haute, et se situait il y a trois jours, dans USA Today, à 54% contre 31% pour son rival Romney - et le besoin de voir l'Amérique réagir plus vigoureusement qu'à travers des réformes à long terme. Le même sondage montre ainsi que 52% font plus confiance à Romney pour prendre en main l'économie du pays tandis que 43% soutiennent Obama dans ce domaine.

Des chiffres qui trahissent une certaine impatience dans un pays habitué à des cycles rapides et à des reprises spectaculaires, et où la réapparition du chômage de longue durée, l'assèchement du crédit au particulier et la mise en place d'une réforme coûteuse et à long terme du système des soins génèrent une angoisse difficilement maitrisable. De nombreux Américains soutiennent ainsi le plan de Barack Obama, mais ce n'est pas là que le bâ blesse. Ils n'ont globalement pas confiance dans le gouvernement pour leur venir en aide - l'Etat providence n'est pas une valeur américaine -, ils désespèrent du Congrès dont la paralysie leur est insupportable, surtout, ils sont habitués à compter sur eux-mêmes mais l'entrepreunariat fait face aux pires difficultés face aux banques et à un marché atone. Ils ont été, également, échaudés par trop de promesses en 2008.


Au cours des deux années qui ont suivi son élection, le président a fait passer un record de 50 régulations fédérales du marché financier. Mais à la différence des lois, ces régulations ont souvent été habilement contournées. Et les consommateurs ont attendu en contrepartie, mais en vain, la réalisation de promesses qui devaient contrebalancer l'aide apportée aux géants de Wall Street. Parmi les 504 engagements du candidat, 318 n'ont pas été tenus par le Président. Y figurent entre autres, pour la partie économique:

  • La création d'un fonds d'aide de 10 milliards de dollars (8 mds d'€) pour prévenir la faillite des propriétaires endettés
  • La suppression des abattements fiscaux pour les plus riches mise en place par George W. Bush
  • Le durcissement des règles concernant la collusion possible entre les lobbyistes et les responsables politiques
  • La réduction des frais d'assurance santé pour les ménages jusqu'à 2500 dollars par an (2000 €)
  • L'extension des allocations pour les enfants et les personnes dépendantes
  • L'obligation pour les employeurs disposant de plans de retraite d'enroller leurs employés
  • La création d'un crédit d'impot pour les retraités aux plus bas revenus
  • La suppression des impots sur le revenu pour les séniors gagnant moins de 50 000 dollars par an (40 000 €)
  • L'interdiction pour les entreprises faisant faillite de distribuer des bonus et des dividendes
  • L'interdiction pour les laboratoires pharmaceutiques de bloquer la mise sur le marché de médicaments génériques
  • Obliger les employeurs à couvrir 7 jours de maladie par an et par employé
  • Accroître le salaire horaire minimum pour le porter à 9,50 dollars de l'heure (7,60 €)
 


L'étendue du programme d'Obama s'est, en réalité, limitée en pratique à la réforme de la santé et au soutien aux banques en faillite. Deux gros chantiers qui ont occupé la première moitié de sa mandature avant que le passage aux mains des Républicains de la Chambre des représentants n'enterre 90% de ce programme qui promettait d'engendrer une révolution sociale aux Etats-Unis. Pourquoi avoir tout misé sur ces deux aspects seulement lorsqu'il avait les coudées franches à la fois au Sénat et à la Chambre entre 2008 et 2010? Le reproche n'est jamais loin.
Obama le visionnaire contre Romney le pragmatique
Le monde de la finance lâche Obama, l'Amérique tentée par le "Boss" Romney
Pour autant, l'attentisme est de mise vis à vis de Mitt Romney qui doit toujours démontrer à travers un programme clair et audible l'alternative qu'il représente.

Son point de vue global, typiquement conservateur, est que le gouvernement peut mieux aider l'économie s'il se fait plus petit. C'esy bien le sens de son choix comme colistier de Paul Ryan, le porte-étendard de conservatisme fiscal. Mais un flou demeure dans la pensée de Romney. Il a proposé plus d'avantages et plus de règlements, y compris pour le salaire minimum et les lois environnementales. Il a fait valoir que les dépenses publiques, y compris les investissements publics dans les entreprises privées, peuvent stimuler l'économie et créer des emplois. Et, comme le note ce matin le New York Times, « il a préconisé des pénalités fiscales pour façonner le comportement du public, comme dans sa campagne réussie pour pénaliser les résidents du Massachusetts qui ne se dotaent pas d'assurance santé. »

On attend le candidat républicain, lors de ces journées mouvementées de convention en Floride, sur la question du gigantesque problème du budget fédéral dont le déficit abyssal est l'une des pires menaces pour les Etats-Unis dans un horizon de quatre mois à peine. Selon lui, le déficit devrait être réduit uniquement par des réductions de dépenses. Mais le New York Times rappelle que dans le Massachusetts, Romney avait « travaillé avec le pouvoir législatif contrôlé par les Démocrates pour enrayer les déficits budgétaires grâce à une combinaison de réductions des dépenses et des recettes accrues provenant des frais plus élevés pour les services publics et la suppression de certaines déductions d'impôt des sociétés. »
 
Romney a indiqué, cependant, qu'il ne s'agit pas de reproduire à l'échelle nationale l'approche adoptée dans le Massachusetts. Son discours actuel s'appuie surtout sur son expérience en tant que chef d'entreprise et investisseur, deux qualités que lui reconnaissent les Américains. Il souhaitent maintenir au plus bas le taux d'imposition sur le revenu. Il prône l'accélération de l'indépendance énergétique des Etats-Unis par une stimulation massive des outils et des méthodes de production nationales. Cest d'ailleurs l'une des rares mesures qui entraîne le candidat à l'horizon d'une ou deux décennies. Car pour le moment et principalement, Mitt Romney se veut le candidat de l'électrochoc américain, en opposition à Barack Obama qui se veut le réformateur de la société dans son ensemble. Entre rêve incertain et coup de poker, les Américains balancent.
 
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