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11 septembre 2012

MELENCHON interview sur LES INROCKS

Sur les inrocks

 

Mélenchon : “Hollande est un faux-gentil. Et un vrai culbuto”

11/09/2012 | 12h00
Jean-Luc Mélenchon (photo Guillaume Binet)
Jean-Luc Mélenchon (photo Guillaume Binet)

Jean-Luc Mélenchon fait un retour en fanfare sur la scène médiatique. Premier opposant de François Hollande ? Il réaffirme sa proximité avec le PC et veut placer le pouvoir face à ses contradictions.

Le leader du Front de Gauche a accordé aux Inrocks un grand entretien. Rentrée de l’exécutif, rythme et contenu des réformes annoncées, taxe des 75%, déficits publics, manifestation du 30 septembre contre le traité européen, etc. Jean-Luc Mélenchon est “en grande forme”. “Je suis allé mettre les doigts dans la prise”, dit-il, “tout va bien”.

Croyez-vous à l’agenda du redressement fixé sur deux ans par François Hollande et que pensez-vous de son engagement d’inverser la courbe du chômage d’ici un an ?

Jean-Luc Mélenchon - Un agenda chasse l’autre. Où est passé celui programmé par Fabius pendant la campagne électorale ? Le changement est ajourné ? Ce sera donc l’enlisement. Savez-vous que le montant du plan d’austérité de François Hollande, c’est deux fois le montant total des plans Fillon ? Comment croire qu’une politique d’austérité puisse produire autre chose qu’une débâcle de l’emploi et des recettes fiscales ? Le Président prend rendez-vous en 2014. Ça tombe bien car il y aura des élections cette année-là : les européennes. Je crois que ce sera le moment de vérité à gauche. Les urnes vont trancher !

Plus généralement, que pensez-vous de la rentrée du gouvernement, de la volonté affichée d’accélérer les réformes ?

Ils font une erreur d’évaluation de la situation. Peut-être est-ce dû au côté technocratique et peu politique de ce gouvernement ? Pour eux, la crise est un problème technique d’ajustements des comptes publics. Ils n’ont pas compris qu’elle est d’abord une crise politique, une crise des relations sociales, une crise du système. Dès lors, ils se positionnent comme des extraterrestres dans le champ politique parce qu’en face d’eux ils ont un Medef qui ne connaît que les rapports de force. Cette erreur de diagnostic se traduit par une gestion du temps totalement irréelle. Le moment qui était décisif pour traduire en signaux législatifs le nouveau rapport de force issu de l’élection présidentielle, ils le laissent passer ! Une session parlementaire pour presque rien ! Comme si les Français n’avaient eu qu’à choisir entre un normal et un agité, comme si cela n’avait été qu’une question de style.

C’était pourtant le choix des électeurs…

Je ne crois pas. Les gens savent qu’on vit dans un monde de rapports de force, de brutalité sociale ! La naïveté est dangereuse. Prenons l’exemple d’Arnaud Montebourg qui essaie de prendre en main le dossier PSA alors qu’il n’a aucun outil législatif pour le faire. S’il avait déposé un texte de loi contre les licenciements boursiers, cela aurait envoyé un signal de rapport de force, notamment à PSA, qui est une grande famille capitaliste de ce pays. Et voilà qu’il est allé tirer la moustache du tigre comme si c’était un gros chat, oubliant de vérifier si la porte de la cage était fermée. Elle était ouverte ! Et pour finir, Montebourg est convoqué par Ayrault qui lui dit de se calmer ! Résultat, dix jours après, Unilever menace le gouvernement sur Fralib et ainsi de suite…

Arnaud Montebourg, dont vous étiez assez proche pendant la primaire PS, n’a aucun poids ?

Je ne veux pas faire de cas personnel…

Mais peut-on peser sur l’action du gouvernement en étant à l’intérieur ou n’y a-t-il d’efficacité qu’à l’extérieur ?

Un gouvernement, c’est une seule ligne d’ensemble. La ligne de la démondialisation et du protectionnisme social et écologique n’a aucun espace dans un gouvernement comme celui-ci. D’ailleurs, Montebourg passe son temps à détricoter son propre personnage. Mais examinons ce qui s’est passé. Le ministre du Redressement productif a commencé par utiliser le seul outil dont il disposait, la pose et l’interpellation : il a fait avec ce qu’il avait. Et c’est lui qui a été rappelé à l’ordre ! Puis le Medef l’a désigné comme une victime expiatoire pour établir le nouveau rapport de force qu’il a créé avec le gouvernement. D’où les huées lors de ce meeting politique qu’était l’université d’été du Medef. Il n’y a aucun hasard dans tout cela.

La rentrée du gouvernement est-elle ratée ?

Oui, puisqu’il rate la mise en place d’un rapport de force. Cela se poursuit par d’autres erreurs. La première me concerne. J’interpelle le gouvernement (dans une interview au Journal du dimanche fin août – ndlr). Feu d’artifice, le Premier ministre perd complètement son sang-froid. Cela prouve qu’il n’évalue pas correctement le résultat de la présidentielle. Il ne comprend pas que, dans la victoire de François Hollande, il y a le poids de millions d’électeurs du Front de gauche. Sa réponse fielleuse (“ Quand on revient de cinq semaines de vacances au Venezuela avec Monsieur Chavez, peut-être qu’on manque un peu de connaissances réelles de la France” - ndlr) fait comme si nous participions à une sorte de congrès socialiste, avec les règlements de comptes personnels, les mépris ordinaires, qui sont le mode de fonctionnement de ce parti. Ensuite, je demande une amnistie pour les syndicalistes qui ne coûte pas un centime au gouvernement. Il ne me répond pas. Rien. Pourquoi ? Parce que Jean-Marc Ayrault veut signifier au Medef qu’il n’a rien à craindre de lui. Puis il se rend à l’université d’été du Medef. Là, c’est le pompon. Quel symbole de gauche ! Jamais un Premier ministre n’y est allé ! Le Medef est un mouvement politique. Pas n’importe lequel. Il a fourni le programme social de Nicolas Sarkozy. L’UMP, c’est l’agence de communication du Medef ; le vrai chef, c’est le Medef. Et le chef du gouvernement, que fait-il ? Il va rendre les armes. C’est une erreur stratégique qui nous met tous en danger.

Vous contestez donc cette volonté d’accélération de François Hollande?

Qu’est-ce qu’il accélère ? Sa communication ! Quoi d’autre ? Une mauvaise communication qui sous-évalue les attentes sociales et surtout le niveau d’éducation et de compréhension des problèmes dans la gauche conscientisée et le peuple. Dans les électeurs de Hollande, il n’y a pas d’un côté les modérés et de l’autre les Front de gauche, il y a un large continent politique commun : ces gens-là ne se contentent pas de bonnes paroles.

À vous écouter, on a l’impression que vous ne leur reconnaissez plus le label de gauche…

Où voyez-vous ça ? Pour moi, on est de gauche ou de droite. À gauche, il y a deux orientations. L’une, dominante en Europe, celle du social-libéralisme, qui ne conduit qu’à des désastres, et l’autre, qui est une orientation de rupture avec le capitalisme et le productivisme. Aujourd’hui, nous sommes dirigés par les sociaux-libéraux, dont François Hollande a toujours été l’incarnation en France. Depuis 1984, il a déroulé cette ligne. C’est un faux gentil. Et un vrai culbuto. Parfois, il est allé loin en arrière mais il se remet toujours en place.

Concernant le traité budgétaire européen, parviendrez-vous à reconstituer un front comme en 2005 ?

Oui. En tout cas, nous essayons fortement.

Mais, en 2005, ce front allait de l’extrême gauche à la droite souverainiste, et à l’extrême droite…

Pas de confusion s’il vous plaît ! C’était un effet du référendum. Quand c’est “oui” ou “non”, par la force des choses, on ne distingue plus les différences de chaque côté ! Elles ne cessent pas pour autant ! Dans cette affaire, nous voulons reconstituer l’hégémonie du “non” de gauche sur le “non”. Cela nécessite la jonction de mouvements comme le nôtre avec la mouvance associative, sociale, syndicale. Va-t-on y arriver ? On se bat pour. Les socialistes se rendent compte que c’est un problème de vendre un traité négocié par Sarkozy, alors ils disent : c’est une étape ! Quel refrain depuis vingt ans ! Mais l’étape suivante, on ne la voit jamais ! Revenons à la rentrée. Le PS vit avec l’idée qu’une fois le traité adopté, ils pourront respirer. Erreur. Le dispositif politique du pouvoir est disloqué. Le rapport de force avec le patronat et la finance a été sottement déséquilibré, l’alliance Verts-socialistes a implosé une première fois. Le champ syndical s’est polarisé. Et nous, après nous avoir donnés pour morts, dépressifs, tout l’été ? Je suis en grande forme, je suis allé mettre les doigts dans la prise, tout va bien ! Quant aux commentateurs qui passaient leur temps à guetter la nuance entre Pierre Laurent (secrétaire national du Parti communiste -ndlr) et moi, ils ont tous été démentis par les Estivales du Front de gauche. Un formidable front du “non” de gauche se constitue ! Bref, c’est sur notre orientation que se dessinent les contours d’une majorité de gauche alternative : un bout du PS, un très gros bout des Verts et le Front de gauche. Je ne dis pas que c’est fait. Mais tout notre travail politique consiste à faire qu’il y ait une alternative à gauche. C’est ça qui obligera le gouvernement à entendre l’urgence sociale.

Avec en point d’orgue la manifestation du 30 septembre contre le traité européen ?

Cette manifestation est maintenant portée par un collectif d’associations, de syndicats. Le Front de gauche a fait son rôle d’éclaireur, de déclencheur. Imaginez que la manifestation du 30 septembre soit une réussite. Comment les députés pourront-ils lui tourner le dos ? Et quelle force de gagnée ensuite pour obtenir un moratoire sur les licenciements, la loi contre les licenciements boursiers, l’amnistie des syndicalistes…

Cette alternative de gauche, vous l’envisagez concrètement ?

Je suis républicain, je m’en tiens au calendrier et aux institutions même si je les combats ! Mais le Front de gauche n’est pas un parasyndicat politique. Nous ne passerons pas notre temps à jouer les “monsieurmadame plus”. J’ai dit que nous étions des ayants droit de la victoire, c’est un point très important. Nous ne sommes pas l’opposition. Le CSA ne nous classe pas dans l’opposition ! Mais nous ne sommes pas dans la majorité non plus, n’étant pas liés au programme de François Hollande ! On s’est abstenus sur la déclaration de politique générale, c’est un événement politique considérable, un acte fondateur d’une alternative parlementaire de gauche.

Que pensez-vous du débat sur la taxe de 75 % ? S’annonce-t-elle édulcorée par rapport à l’engagement de campagne ?

Hollande avait annoncé cette taxe parce que ses communicants lui avaient dit pendant la campagne : “Mélenchon fait un malheur avec son idée de revenu maximum”. Ils ont donc bricolé cela sur un coin de table. C’était tellement bricolé que lorsque François Hollande l’annonce à la télévision, il ne se souvient plus si c’est un million par mois ou par an ! Les voilà bien, les soi-disants pragmatiques ! Ils se vantent de ne pas agir au nom d’une vision d’ensemble de la politique et du coup ils font des gargouilles fiscales, des mâchicoulis législatifs, des constructions baroques, dont eux-mêmes ne maîtrisent pas la cohésion.

Plusieurs voix réclament un report de l’objectif de 3 % des déficits publics. Partagez-vous cette analyse ?

C’est l’analyse du Front de gauche depuis sa création. Ce qui est en train de se produire politiquement et économiquement prépare un désastre au moins aussi grand que celui de 1929. Un bon stratège de gauche, entraîné par le maniement des outils d’analyse et de critique du capitalisme, doit être prêt à agir. Qu’ont-ils préparé, François Hollande et Jean-Marc Ayrault ? Rien : suivre Merkel. Il n’y a pourtant aucune obligation à ce que le gouvernement de la CDU domine l’Europe. Toute la richesse des Allemands repose sur le fait qu’ils occupent le segment des biens intermédiaires. Ça ne durera pas. Les Chinois se lancent dans les vols spatiaux ! Le Brésil se positionne sur le secteur des machines-outils, sur l’aéronautique. Qu’ont-ils prévu, les Allemands ? Rien. Ils ont un système de retraites fondé sur la capitalisation. Voila ce que protège Mme Merkel avec la rudesse d’une paysanne de l’Est de l’Allemagne, formatée par les méthodes bornées de la RDA. Et les autres en Europe, cela les impressionne ! Je leur dis : arrêtez d’avoir peur de cette femme. Parce qu’ils ont peur ! Ce sont de petits garçons, avec une maman en politique, et ils ont peur de la fessée.

Propos recueillis par Hélène Fontanaud et Marion Mourgue

le 11 septembre 2012 à 12h00
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