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28 novembre 2012

Le roi des pollueurs menace les pur-sang

Sur MARIANNE

Mardi 27 Novembre 2012 à 12:00 | Lu 6752 fois I 

 

Journaliste à Marianne.

 

 
Une usine polluante bientôt implantée à quelques mètres des prestigieux haras normands ? Une étude révèle l'absurdité économique du projet. «Marianne» l'a lue. Accablant.

 

(Le Haras national du Pin a été fondé sous Louis XIV - MEIGNEUX/SIPA)
(Le Haras national du Pin a été fondé sous Louis XIV - MEIGNEUX/SIPA)
Installez une usine crachant des fumées garanties propres mais parfois chargées de métaux lourds à la limite du vignoble de Château-d'Yquem, dans la Gironde. Que se passe-t-il ? La cote du grand cru classé de sauternes s'effondre.

C'est pourtant cette situation invraisemblable qu'est en train de vivre Nonant-le-Pin (Orne), petit village par ses 500 habitants, mais grand par sa réputation mondiale dans le milieu sélect du trot et du galop. A un jet de pierre du clocher sont concentrés les plus célèbres haras de France d'où sortent les meilleurs chevaux du monde. Un peu plus loin se trouve le Haras national du Pin, fondé sous Louis XIV. Dans ces lieux bénis des dieux, le cheval est plus qu'une tradition, c'est un patrimoine historique.

«Nos terres sont comme le terroir d'un grand cru, explique Thierry Besnard, propriétaire des Haras de Fligny. Il y a une alchimie particulière entre les sols, le climat et l'exposition qui donne à l'herbe une qualité particulière recherchée dans le monde entier.» Pour ces raisons, des propriétaires traversent les mers pour y faire saillir leurs juments.
Etude accablante

En dehors du monde du cheval, personne ne se souciait de Nonant-le-Pin jusqu'en 2006, quand la société Guy Dauphin Environnement (GDE), numéro trois mondial du déchet, acquit 150 ha de terrains pour y implanter une usine de déchets ultimes de l'automobile (matières plastiques et caoutchouc notamment).
Une étude d'économistes dirigée par Jacques Carles, président d'un cabinet d'expertise qui, pour le malheur de GDE, possède une maison à proximité, a chiffré le préjudice.

Marianne a pu la consulter avant qu'elle ne soit transmise au gouvernement. L'impact économique négatif sur la filière du cheval, qui emploie une centaine de personnes sur place et génère 1 milliard d'euros de chiffre d'affaires annuel, ainsi que les coûts induits par l'usine pour la collectivité ont été comparés aux 21 emplois non qualifiés créés. La méthode est unique dans ce genre d'affaires et s'avère redoutable en ces temps de lutte pour la compétitivité. «Les coûts liés au projet sont de 24 à 34 fois plus élevés que les bénéfices attendus», écrit l'analyste. Accablant ! Mais les travaux ont commencé, pour s'achever à la mi-2013.
Comment en est-on arrivé là ? Pourtant, lui-même convaincu que l'Orne ne pouvait accueillir un tel projet, le préfet de l'époque avait refusé l'autorisation. Tout comme son successeur qui, de plus, a estimé trop importants les risques de pollution d'une rivière passant sous le site. Les opposants sont rassurés. Mais GDE a attaqué les décisions devant le tribunal administratif et a obtenu gain de cause en février 2011. Curieusement, le ministère de l'Environnement n'a pas fait appel.

«Des chevaux comme les nôtres sont des animaux extrêmement sensibles, et particulièrement les juments en gestation, explique Eric Puerari, propriétaire du Haras des Capucines. Ils ne supporteront pas le moindre dépôt de substance chimique sur les herbages amenés par les fumées.» Et cela, personne ne l'ignore, et les propriétaires n'hésiteront pas à retirer leurs chevaux en pension dès que le projet sera réalisé.
«Notre usine sera la plus propre existante», rassure GDE. Mais le passé de son actionnaire principal, Claude Dauphin, fondateur de Trafigura, ne rassure pas : c'était l'affréteur du Probo Koala, ce cargo qui a mouillé au large de la Côte-d'Ivoire pour déverser sa cargaison de résidus toxiques dans les décharges d'Abidjan, intoxiquant des milliers d'habitants. Claude Dauphin a passé cinq mois dans les prisons ivoiriennes.

Si l'étude d'impact économique n'incite pas l'Etat à arrêter le chantier, les pur-sang de Nonant-le-Pin peuvent s'en faire du mauvais.

 

 

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