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29 novembre 2012

La "necro" d'Eric Izraewicz

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09h15 le neuf-quinze
Pour le meilleur et pour le pire

Ils sont parfois révélateurs, les mots qui viennent sous la plume d'un journaliste, pressé par le bouclage, et peut-être par l'émotion. Il ne fait guère de doutes que la "nécro" d'Érik Izraelewicz n'attendait pas dans les tiroirs virtuels du Monde. Compte tenu de la soudaineté de la mort du directeur, le long article publié dans l'édition d'hier (1) sous la plume de Sophie Gherardi, Marie-Béatrice Baudet, Françoise Fressoz et Serge Marti, a forcément été rédigé dans la nuit, et dans la matinée de mercredi. Il n'est donc pas passé, ou bien à toute allure, par les filtres et les relectures habituels.

Ainsi l'immense majorité de cet article est-elle consacrée à "l'homme" Izraelewicz, au chef, au confrère, tel que ses confrères l'ont connu, et dont tous les témoignages s'accordent à décrire les mêmes traits de caractère : bienveillance, humour, discrétion, timidité. Les scories, comme celles qui ont valu à la nécro de Télérama, rédigée à chaud, un sérieux recadrage (2), sont soigneusement évitées. À propos de la carrière du disparu, l'accent est mis (à raison) sur son combat contre la vente des Échos à Bernard Arnault (même si c'était pour se jeter dans les bras d'un autre capitaliste, Marc Ladreit de Lacharrière, mais ne chipotons pas, on n'y était pas).

Mais tout de même, c'est un peu court. S'agissant du directeur du Monde, il faut bien dire quelque chose de ses inclinations politiques et intellectuelles, et, au sens large, de sa vision du monde (sans majuscule). Les auteurs s'en acquittent en une phrase, une seule. C'est celle-ci : "Les amis d'Érik Izraelewicz, Denis Kessler, autre Alsacien monté à Paris, et leur aîné Dominique Strauss-Kahn - qui fut le professeur d'Érik à HEC -, étaient de cette génération socialiste gourmande de réformes qui allaient façonner le monde tel qu'il est aujourd'hui pour le meilleur et pour le pire."

Ces deux noms d'amis, à eux seuls, ne définissent pas les opinions d'Izraelewicz, mais ils brossent un paysage, un itinéraire familier, parcouru par bien des intellectuels et politiques de la scène actuelle. Les réformes dont cette génération était "gourmande", on les connaît : privatisations, compression du coût du travail, conversion au libéralisme (Kessler, moins connu que DSK, est passé de la CFDT à la vice-présidence du MEDEF). Et les opinions d'Izraelewicz, il les exprimait dans ses éditos, qu'il enjoigne Hollande à être plus gourmand de réformes (3), ou qu'il sermonne sèchement les dépensiers grecs (4).

Mais il faut bien relire les mots. Ainsi les "réformes" libérales sont-elles dépeintes comme une grosse pomme, dans laquelle la génération d'amis, joyeusement, a croqué à belles dents. Résultat ? C'est ici que le texte livre tout son nectar : "le monde tel qu'il est aujourd'hui, pour le meilleur et pour le pire". En substance : il y a du bon et du mauvais, en vrac, triez lecteurs, nous n'avons pas à en décider, et de toutes manières il n'y a pas d'alternative. On est passés devant le maire, on a la bague au doigt, on est mariés au libéralisme, dans un univers mental où, semble-t-il, le divorce n'existe pas.

 

Daniel Schneidermann

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