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21 décembre 2012

Marc Dolez: la Vérité, la Justice, la Morale?

Sur DE CINQ A SIX

 

19/12/12

 

Au Parti de Gauche, nous partageons un idéal d'humanité et de partage, de camaraderie et surtout de maturité politique. Je l'ai constaté par moi-même dans nos rangs, à Strasbourg. Quand nous avons un désaccord, nous argumentons de préférence de manière courtoise. Nous disons: "Camarade, je ne suis pas d'accord avec toi." Si jamais l'un ou l'autre est en désaccord au point de démissionner, il se rend à l'Assemblée générale, au Conseil ou à une quelconque autre instance, annonce sa démission, en explicite les raisons et - finalement - sert la main des participants avant de partir. La dignité de chacun est conservée. Personne n'est blessé, chacun s'est compris, tout le monde a gardé le sentiment de joie qui préside à chaque instant de notre engagement commun vers le même idéal.
Bien sûr, il peut arriver que les jeunes, un peu fougueux, outrepassent ces quelques principes. On peut avoir un désaccord et la pensée se déborde au-delà des limites de la raison. Alors, les plus anciens - supposément plus matures - iraient "lui en toucher deux mots". Si un jeune démissionne, qu'il a la bêtise d'exprimer ses raisons sur le mode de la révolte ou du ressentiment, alors il pourra le faire. Chacun est libre. Les anciens pourront, là encore, "lui en toucher deux mots" autour d'un café ou d'une bière, pour lui rappeler la dignité qu'il y a à être de gauche, d'être ici et maintenant, en accord ou en désaccord, prêt à en discuter à tout moment, avec le sentiment que l'on s'adresse à autrui comme un parlerait à toute l'humanité. Il y en a eu des désaccords, des frustrations, des moments de doute. Mais la vie militante, c'est aussi apprendre à gérer cela dans la dignité, sans étaler ses désaccords comme du linge sale, à la vue de tous.
C'est une tradition de gauche. Karl Marx, quand il a fondé l'association internationale des travailleurs, en a rédigé les statuts. Ce père fondateur du socialisme a jugé bon d'écrire: "[L'AIT] déclare : "Que toutes les sociétés et individus y adhérant reconnaîtront comme base de leur comportement les uns envers les autres et envers tous les hommes, sans distinction de couleur, de croyance et de nationalité, la Vérité, la Justice et la Morale."
C'est avec grand regret que nous avons appris ce matin, le 19 décembre 2012, la fâcheuse démission de Marc Dolez, qui l'a annoncé à l'univers entier dans Libération. Bien entendu, chacun demeure libre de ses engagements personnels, même si l'on espère toujours que les décisions prises par autrui soient mues par un idéal de justice et de fraternité.
Sur la Vérité - première vertu cardinale de la gauche, on peut voir de nombreuses assertions étonnantes dans les raisons explicitées de Marc Dolez. Quelles sortes d'arguments nous a-t-il donnés pour sa démission? 
Que la campagne d'Hénin-Beaumont a été "catastrophique"? On doute que Marc Dolez, politicien professionnel au sens où il maîtrise les ressorts constitutionnels puisse tirer ses arguments de la presse bourgeoise. Car d'une part, la campagne du Front de Gauche dans la circonscription d'Hénin a été l'occasion d'une mobilisation nationale d'ampleur. Résultat: une défaite. Mais en termes de voix, pour être exact, le nombre d'électeurs du Front de Gauche a beaucoup progressé ce qui fait que nous avons manqué la victoire de très peu. Et pour cause, il y a eu beaucoup de travail. Il y a eu cette marche à la mémoire d'Emilienne Mopty. Ne reste-t-il donc pour Marc Dolez qu'une défaite? Nous avons ravivé la mémoire de gauche, nous nous sommes transformés collectivement. La ligne "Front contre Front" est-elle le fait du candidat du Front de Gauche, alors que les médias ont très largement contribué à dépeindre la campagne des législatives sous cet unique angle?
Sur le ton de Jean-Luc Mélenchon, Marc Dolez "déplore" qu'il s'attaque au gouvernement de gauche plutôt qu'à l'opposition de droite. Là encore: la droite n'est plus au pouvoir, quel serait l'intérêt de s'opposer à une droite institutionnellement inoffensive? L'"outrance du verbe" de Jean-Luc Mélenchon nous rendrait inaudible: demande-t-il au Coprésident du PG de chuchoter pour mieux se faire entendre? Quel est le bon ton à adopter face à un gouvernement qui ne s'intéresse pas aux classes populaires? D'ailleurs, qui doit tourner le bouton du volume? Jean-Luc Mélenchon est libre de s'exprimer comme il l'entend, de même que Marc Dolez est libre d'apporter ses nuances et ses avis avant de démissionner, ce qu'il n'a jamais fait.
Il ne croit pas à la thèse des deux gauches irréconciliables. C'est son affaire, son problème, son erreur. Que nous constations dans les faits qu'il y a deux gauches irréconciliables, parce que leurs stratégies et leurs lignes politiques sont mutuellement incompatibles, est toutefois difficilement contestable. Car on ne peut pas en même temps réduire et augmenter les dépenses publiques, on ne peut pas accepter et refuser en même temps l'alliance avec le centre, on ne peut pas abandonner le projet d'aéroport ou le poursuivre à coups de matraques. Il faut choisir. Quitte à rompre avec le PS. Mais quitte à rompre, le faire avec "clarté", nous dit-il. La clarté ne consiste-t-elle pas à proportionner le ton à la critique?
Nous ne sommes pas là à attendre l'effondrement de la social-démocratie pour récolter les miettes comme des vautours, comme le prétend Marc Dolez. Car le Parti de Gauche n'est pas responsable des errements du PS! Si la social-démocratie s'effondre, oui, cela se fera au profit de la "droite extrême" comme il le dit justement, et même de l'extrême droite, et même des fascistes, c'est vrai. Il est donc nécessaire que la social-démocratie ne s'effondre pas. L'ennui, c'est qu'elle met tout en oeuvre pour se suicider. Ce n'est même pas un phénomène français: ce constat a été tiré dans toute l'Europe, pour tous les membres de l'Internationale Socialiste, dont George Papandréou est le Président. L'effondrement de la social-démocratie a déjà commencé, en Grèce, en Espagne, au Portugal, et n'est pas le fait des concurrents de gauche - quel que soit le ton! Il est le produit de la composition sociale d'un parti bureaucratisé dominé par des techniciens, ayant une vision gestionnaire du politique, gouvernant sans le peuple, uniquement avec les instruments administratifs de l'appareil d'Etat.
Dans ces conditions, nous ne pouvons faire autrement - vu la nouveauté du phénomène - que de nous tourner vers l'étranger. Il suffit de voir ce qui est advenu du PASOK en Grèce et de constater qu'il y a une grande convergence de vues entre SYRIZA et le Front de Gauche pour comprendre que la ligne du compromis des gauches "réconciliables" ne tient pas! Ce que SYRIZA nous a appris, c'est la chose suivante: ce n'est pas au Front de Gauche de se réconcilier avec le PS. C'est au PS de tout faire pour se réconcilier la gauche et avec les Français, en abandonnant cette politique d'austérité avec laquelle la relance de gauche est incompatible, relance elle-même impossible sans la mise en oeuvre d'un protectionnisme européen, c'est-à-dire d'une autre Europe.
Autre argument: que le PG aurait évolué, que sa ligne aurait changé. Alain Bousquet nous a montrés - dans un article brillant - que les dernières évolutions du Parti de Gauche sont en continuité avec ses principes fondateurs, là où Marc Dolez donne l'impression d'une évolution "gauchisante" de la ligne. Il confond peut-être orientation et profondeur, ou orientation et cohérence: le Parti de Gauche n'a pas changé d'orientation, il n'a pour ainsi dire pas changé d'idéal commun de transformation sociale, écologiste et républicaine. Là où il a évolué, c'est dans la compréhension de son propre idéal, et dans le caractère révolutionnaire de l'écosocialisme qui est en fait son idéal dès le départ. Assemblée constituante et planification écologique ne sont pas des nouveautés.
Surenchère écologiste? Au détriment de la question sociale? Sur ce point, Marc Dolez est certainement sincère. Il reprend les lunes de cette vieille gauche dépassée par la réalité. Ce qu'il y a d'affligeant dans son argumentaire, c'est cette manière de balayer d'un revers de la main toutes les démonstrations que nous avons faites sur le caractère inséparable de la question écologique et de la question sociale. Aux Assises de l'écosocialisme, nous avons pourtant eu d'excellents arguments! Lui n'a ici que des mots condescendants à l'égard des écologistes qui ont répondu à l'appel du Parti de Gauche pour une écologie de combat. Que les écologistes qui votaient pour les Verts se tournent désormais vers le Parti de Gauche est une grande victoire, signe de crédibilité, et non surenchère au détriment de la question sociale.
Que le contre-budget se soit fait sans "concertation avec les groupes parlementaires", c'est encore un argument bizarre. Pour qu'il y ait eu consultation, il aurait fallu que la consultation soit jugée nécessaire. Pour qu'elle fût jugée nécessaire, il aurait fallu qu'elle soit normale du point de vue des rapports entre le groupe parlementaire et le parti. Or, qui a proposé de régler clairement les relations entre les parlementaires et les organisations politiques? Et surtout, qui s'y est opposé?
Et voilà donc que Marc Dolez nous repeint en gauchistes condamnés à la minorité, se posant défenseur de la politique à la papa. Il a conservé cette manière, typique du PS, de rester dans un rôle purement institutionnel en tant qu'élu, éloigné du type de relations politiques (et non seulement administratives) qu'entretiennent les militants de gauche (élus compris!), qui ne se cachent pas et ne se mentent pas: "Si on ne m'a pas demandé mon avis, c'est qu'on connaissait déjà la réponse et qu'on n'avait pas envie d'entendre". Comme militant politique du PG, si Marc Dolez avait une ligne à défendre qu'il estimait meilleure pour le Parti de Gauche, il n'avait qu'à se battre avec des arguments pour être entendu, au lieu de se retrancher derrière son titre. Car en définitive, le Parti de Gauche est composé de militants qui ont voté avec leurs pieds pour se diriger dans une organisation où la liberté de parole et de ton sont totales. D'ailleurs, on adore s'engueuler sur des questions politiques.
Oui, nous sommes de nombreux jeunes militants, révolutionnaires, fougueux, de toutes tendances et de toutes origines. Mais je pense que nous sommes prêts à apprendre beaucoup d'un parlementaire aguerri. Et pour cause! Ayant tous lu Jean Jaurès, nous avons adhéré à la République Sociale et recevons chaque semaine le bulletin du parti, en tête duquel il est écrit: "Le socialisme proclame que la République politique doit aboutir à la République sociale". Ayant lu Jean Jaurès, étant passionnément républicains pour beaucoup d'entre nous, Jean-Luc Mélenchon nous ayant refilé ce "virus", nous savons que la lutte des classes doit trouver à s'exprimer au travers d'un groupe parlementaire offensif sur les questions sociales, capable de convertir les revendications sociales du prolétariat en revendications politiques, sous le forme de droits et sous la forme de lois. Et ayant lu Jaurès aujourd'hui, il est tout à fait clair que la classe ouvrière d'une part et d'autre part le prolétariat portent autant de revendications sociales que de revendications écologiques. Notre Dame des Landes en est un exemple qui ne peut être ignoré par quiconque qui s'intéresse à la réalité des luttes sociales, parce que les résistants de la ZAD aspirent tous à se réapproprier leurs vies et savent que le passage de l'hétéronomie à l'autonomie passe par l'opposition aux intérêts de Vinci et du capital.
Si Marc Dolez voulait jouer un rôle au sein du parti, il aurait parfaitement pu le faire. Où sont ses conférences d'éducation populaire sur le droit constitutionnel, l'organisation du parlement ou les différentes manière dont la gauche a pu - au cours de l'histoire - concevoir les rapports entre le parti et le groupe, entre le Peuple et le Parlement? Nulle part. Ses contributions au parti se comptent sur les doigts de la main. Marc Dolez, c'est une signature à l'acte de fondation du PG. Les clefs du Parlement sont dans sa poche. L'individu Marc Dolez les garde pour lui-même comme son capital politique personnel.
Il a occupé une chaise, là où tous les autres se sont investis avec sincérité dans l'organisation. Et là il a démissionné en se montrant indigne du Front de Gauche, et digne du PS. Où est le souci de Vérité dans les arguments de Marc Dolez? Il n'y en a pas la moindre trace, il semble penser détenir la Vérité à lui tout seul contre tous, et surtout contre le peuple qui pâtit des politiques d'austérité et qui commence à se mettre en colère contre le PS. 
La Justice à l'égard de l'organisation qu'il a fondée, à l'égard de tous ces militants qui contribuent à son développement? On cherche en vain l'esprit de justice dans ses propos. Il faut voir quel souci d'égalité militante semble l'avoir animé dans cette interview. Alors que les militants lisaient les comptes-rendus du CN, dont il est président de bureau absentéiste chronique, il passait des coups de fil à la presse bourgeoise pour annoncer sa démission.
Et cette Morale de camaraderie, cette exigence par laquelle les Anciens nous apprennent qu'il faut s'adresser à l'autre comme on s'adresse à toute l'humanité, elle passe sous l'indignité du rouleau compresseur des accusations de "gauchisme" et de "surenchère écologique", balayant d'un revers de la main les quantités de choses que nous avons voulu apporter, l'application que nous avons eu à expliquer et à comprendre, à développer et à chercher des solutions concrètes, selon le principe de radicalité concrète.
Pour un homme de son âge, annoncer par voie de presse une démission aux conséquences si graves, avec des arguments si violents et si irrespectueux des membres de son parti, voilà qui nous laisse - à beaucoup - un goût amer dans la bouche. Mais après tout, Marc Dolez n'a pas servi à grand chose en comparaison de tous les autres qui se sont vraiment donnés, coeurs et âmes, au développement du parti. Pour moi, les membres actuels des instances nationales ne doivent pas oublier qu'ils ont à la base des militants qui les reconnaissent. Grâce à eux, le Congrès du Parti de Gauche sera mémorable. Le Parti de Gauche vient de se renforcer.
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