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10 janvier 2013

Cahuzac à Mélenchon : «Vous êtes un homme seul»

 Sur LIBERATION

8 janvier 2013 à 08:27
Jean-Luc Mélenchon et Jérôme Cahuzac le lundi 7 janvier 2013 sur le plateau de Mots croisés (France 2).
Jean-Luc Mélenchon et Jérôme Cahuzac le lundi 7 janvier 2013 sur le plateau de Mots croisés (France 2). (Capture d'écran France 2 / DR)

Analyse Le ministre du Budget et le leader du Front de gauche se sont affrontés lundi soir sur France 2. Pour un «face-à-face gauche contre gauche» toujours tranché, parfois violent et globalement prévisible.

Des deux, Jean-Luc Mélenchon avait le plus à gagner. Et donc aussi le plus à perdre. Opposé hier au ministre socialiste du Budget, Jérôme Cahuzac, dans le cadre de l'émission Mots croisés sur France 2, pour un «face-à-face gauche contre gauche» vendu comme un clash cathodique aux atours de match de catch politique, le leader du Front de gauche tenait enfin le débat public qu’il demandait avec un représentant majeur du gouvernement. «Pour la première fois, ils s’expliquent les yeux dans les yeux», tambourinait la chaîne publique. L’ancien candidat à la présidentielle, qui se pose depuis la victoire de François Hollande comme l’alternative à gauche et qui répond par l’affirmative quand on lui demande s’il se verrait remplacer Jean-Marc Ayrault à Matignon, avait là un rendez-vous médiatique important pour démontrer que son contre-budget vaut mieux que celui voté par le Parlement. Et dont Jérôme Cahuzac a été ès fonction l’artisan. Au menu de l'émission, «tous les sujets qui divisent» la gauche, promettait le communiqué de presse.

La joute entre ces deux orateurs éloquents, aux styles opposés mais au punch égal, était particulièrement attendue par les lieutenants de Mélenchon. Quelques minutes avant le début de l'émission, Alexis Corbière, secrétaire national du Parti de gauche, tweetait son optimisme : «Cahuzac aime la boxe ? Mouais. Ses petits crochets trop à droite vont pas peser lourd face aux directs de gauche.»

Eric Coquerel, bras droit de Mélenchon, gazouillait, lui, une affiche «Gauche de gauche contre gauche de droite», tandis qu’un autre proche de l’eurodéputé se montrait plus provoquant en évoquant le «premier vrai débat gauche/droite post-présidentielle».

 

«Tous avec la vraie gauche»

Autant d’initiatives balayées d’entrée par leur champion, qui a même désavoué son propre compte Twitter quand Yves Calvi lui a appris que le message «Tous avec la vraie gauche» y avait été diffusé : «Laissez tomber, il n’y a pas la vraie gauche et la fausse gauche, c’est une erreur», a tranché Mélenchon, choisissant plutôt de fustiger «la vieille gauche productiviste» actuellement au pouvoir, adepte de la «politique de l’offre» et selon lui vouée à l'échec. Charge habituelle, tandis que Jérôme Cahuzac a, lui, cherché, tout au long de leurs échanges souvent tendus mais globalement moins violents qu’annoncés, à marginaliser son interlocuteur en revendiquant que la seule gauche qui vaille est celle qui prend en compte le réalisme dans son exigence de justice, celle qui «respecte la parole de la France» et donc l’objectif de 3% de déficit. «La parole qui compte plus que toutes les paroles, c’est la parole du peuple», lui a rétorqué le coprésident du Parti de gauche en affirmant que les Français n’avaient pas voté Hollande pour avoir le traité «Merkhollande» à la place du traité «Merkozy»

Pas la vraie et la fausse gauche, mais tout de même deux conceptions bien distinctes et difficilement compatibles de la gauche. Ce n’est pas un scoop, mais six mois après la présidentielle le fossé idéologique entre Mélenchon et ses anciens amis socialistes a rarement semblé aussi grand. Pour balayer tous les points de clivage, Mots croisés avait concocté un menu gargantuesque, au final largement tronqué. De Florange à Notre-Dame-des-Landes et l’EPR, de l’Europe au pacte compétitivité, du budget 2013 au vote des étrangers aux élections locales en passant par les déficits, la taxe à 75% et plus globalement «la méthode Hollande», tout ou presque devait y passer. L'émission n’aura en fait permis d’entendre les deux protagonistes que sur les questions économiques. Et plus particulièrement sur les questions fiscales, Jérôme Chuzac prenant un malin plaisir à techniciser les échanges, entre deux saillies cinglantes signées de l’humour froid qui fait habituellement le bonheur des députés socialistes lors des questions d’actualité à l’Assemblée. Mais ce style a plusieurs fois conduit Jean-Luc Mélenchon, par ailleurs souvent à la peine pour imposer son rythme au débat, à s’agacer de «l’arrogance» d’un «Môsieur Cahuzac» à la nature docte et aux accents parfois condescendants.

 

«Arrêtez de faire le clown»

Chaque fois que le coprésident du Parti de gauche a tenté de faire monter la température pour emballer le match, le glacial Cahuzac, inébranlable, a tout assumé en bloc. En bon élève sûr de sa rhétorique mais aussi avec un certain culot. Comme lorsqu’il a affirmé avec force, devant un Mélenchon s'étouffant, que la réforme fiscale du quinquennat a d’ores et déjà été faite - «vous avez l’air de penser que c’est une réformette, vous vous trompez» -, au motif que les revenus du capital sont désormais imposés de la même façon que ceux du travail et qu’une tranche à 45% a été créée.

Là où le candidat Hollande promettait une révolution fiscale qui passait par une fusion de l’impôt sur le revenu et de la CSG. Là où celui du Front de gauche proposait et propose toujours la création de 14 tranches d’imposition, jusqu'à 100%, et le principe d’un revenu maximum, «une idée qui date du 4 août 1789». Et Mélenchon de dénoncer la taxation à 75% des revenus d’activité au-dessus d’un million d’euros, «l’autre [François Hollande, ndr] l’avait rédigée sur un coin de table», et dans le même temps la «décision politique» du Conseil constitutionnel qui n’a, selon lui, pas à dire si un taux est confiscatoire ou pas. Sur le mode «je ne conteste pas, je constate», le ministre du Budget a, pour sa part, simplement tenu à se défendre de tout amateurisme en soulignant que le texte censuré par les Sages avait été soumis au Conseil d’Etat et avait même «passé le filtre de son assemblée générale»

Sur la très clivante question du rythme et de l’intensité de la réduction des déficits, «ce qu’on est en train de faire est fou», a dénoncé l’ancien candidat à la présidentielle, notant que même le FMI annonce désormais que la situation va se dégrader en 2013 et met en garde contre «le risque récessif» de politiques d’austérité trop drastiques alors que la croissance européenne se traîne. Préconisant de faire jouer pleinement son rôle de banque à la Banque centrale européenne, jusqu'à lui faire émettre des euros comme la Réserve fédérale américaine, et affirmant que la France ne remboursera ses 1 800 milliards d’euros de dette que lorsqu’elle le pourra, Mélenchon s’est fait envoyer dans les cordes par Cahuzac après l’avoir qualifié de «Cahuzandreou» en lui promettant le même sort que l’ancien Premier ministre grec Papandreou, forcé de quitter le pouvoir en raison de la crise qui a laminé son pays. «Arrêtez de faire le clown, vous méritez mieux que cela […]. Je vous le dis dans les yeux», l’a tancé le ministre. L'échange s’est alors tendu d’un coup. Et Cahuzac d’ajouter, en haussant encore le ton : «Faire croire qu’on va rembourser 1 800 milliards facilement, un peu comme par magie, par un tour de passe passe, c’est se foutre du monde [...]. Ce que vous proposez, ça ne marchera pas.» Mélenchon fit alors un gros effort pour ne pas sortir complètement de ses gonds, laissant à chacun le soin de juger du vocabulaire employé à son endroit.

 

Lutte des classes

Après une dernière passe d’armes sans surprise autour du pacte de compétitivité - Mélenchon dénonçant l’absence de «contrepartie sociale ou écologique» aux 20 milliards de «cadeaux» aux entreprises et imputant le déficit de la balance commerciale à un euro trop fort, Cahuzac assurant lui qu’il faut aider les entreprises à reconstituer leurs marges, soulignant que l’euro est le même en Allemagne et affirmant qu’il y a aussi un problème de compétitivité-coût dans certains services externalisés par l’industrie - les deux belligérants allaient en rester là. 

Mais en entendant Jean-Luc Mélenchon en appeler à la lutte des classes, même à travers une citation du milliardaire américain Warren Buffett, Jérôme Cahuzac, lui non plus pas marxiste pour un sou, a tenté de porter l’estocade finale alors que son contradicteur avait baissé la garde. «Opposer les uns aux autres, a-t-il accusé, c’est l’erreur qu’a faite Nicolas Sarkozy» et que reproduirait un Mélenchon qui, «au fond de (lui)-même (souhaiterait) l'échec de ce gouvernement de gauche». Avant d’achever son flingageen règle d’un : «Vous ne gagnerez jamais le pouvoir monsieur Mélenchon, parce que vous êtes un homme seul». Et Mélenchon de s'étouffer de rage une dernière fois alors qu'Yves Calvi rend l'antenne : «Un homme seul avec 4 millions de voix. Un homme seul !»

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