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20 janvier 2013

Mali: «Paris n'a pas construit de coalition opérationnelle»

Sur MEDIAPART

Les réponses de François Bonnet, Thomas Cantaloube et Pierre Puchot aux questions posées par les internautes vendredi 8 janvier, au cours d'un tchat, sur l'intervention française au Mali, ses causes et ses conséquences, et sur la prise d'otages dans le sud algérien.

Laurent Vatinel. Pourquoi les “experts” des médias sous-estiment systématiquement les “djihadistes”? Comment peut-on croire qu'ils ne disposent pas d'état-majors qui élaborent des stratégies à long terme et des plans pour faire face à toutes éventualités.Ces gens ont des buts de guerre, quels sont-ils?

François Bonnet. @Laurent Vatinel. Je crois que personne ne sous-estime le danger de ces groupes djihadistes. Mais une fois dit cela, il faut rentrer dans la complexité et l'histoire de chacun de ces groupes pour comprendre ce qui est en jeu. Nous l'avons fait, par exemple, dans cet article: Comment le Mali s'est effondré en moins d'un an ou lors de cet entretien: Un nouvel «Etat islamique au nord-Mali» sur le modèle mauritanien
Donc, oui, ces groupes sont très organisés: les services de renseignement américains, par exemple, n'ont appris que très peu de choses malgré des moyens énormes de recherche. Oui, ils ont des stratégies à long terme mais des buts de guerre sans doute différents: Ansar Dine, par exemple, revendique un Etat islamique et indépendant au Nord Mali. Aqmi veut instaurer un “grand califat” de Dakar à la Somalie.

Mehdi. Bonjour, connaissez-vous précisément l'ampleur de différents intérêts français au Mali : énergétiques, financiers, stratégiques. Car pour le moment les raisons officielles de l'engagement militaire français au Mali laissent perplexe.

Thomas Cantaloube. @Mehdi. La France a certes des intérêts économiques au Mali, mais ils sont bien moindres que dans les deux pays voisins, Niger et Mauritanie, où il y a des mines d'uranium. Mais si le Mali devient un véritable trou noir sur la carte de l'Afrique, et le Sahel devient une zone complètement incontrôlée et incontôlable, ce sont effectivement les intérêts français dans toute la région qui sont menacés.
Il y a également des ressortissants français au Mali, au nombre de 6 000, mais il faut préciser que seule une minorité d'entre eux est expatriée.

nadguy. Bonjour, la France pourra t-elle tenir seule ? Partenaires européens ? L'Allemagne d'Angela Merkel ? L'austérité pour tous mais la solidarité ?

François Bonnet. @nadguy. C'est effectivement l'une des surprises de cette guerre. La France est seule à conduire les opérations militaires depuis maintenant une semaine. C'est ce que Laurent Fabius a appelé, hier, à l'issue d'une réunion extraordinaire des ministres européens des affaires étrangères à Bruxelles: «Etre précurseur».
L'Elysée tente de masquer ou de relativiser cette solitude en énumérant la longue liste des soutiens à la guerre française: du Conseil de sécurité de l'ONU à l'Algérie et aux pays africains.
Mais cette solitude interroge sur l'action diplomatique menée par la France depuis la fin septembre, lorsque François Hollande avait devant l'assemblée générale de l'ONU prononcé un discours annonçant la guerre. Or, ces quatre derniers mois, Paris n'a pas construit de coalition opérationnelle. L'armée française est seule engagée sur le terrain avec aujourd'hui 1 400 soldats, nombre qui devrait rapidement grimper à 2 500.
Je vous renvoie à notre précédent article sur cet isolement français: Mali: urgent, la France cherche des partenaires.
« La France n’est pas seule au Mali et le sera de moins en moins », a dit, mercredi, François Hollande. Mais, à ce jour, son armée l'est sur le terrain. L'Europe est la grande absente: l'Union a décidé d'envoyer une mission de 250 instructeurs pour former ce qu'il reste d'armée malienne; mais aucun Etat européen n'enverra de troupes ou de moyens importants. Aujourd'hui, le détail des participations est le suivant:
Allemagne: 2 avions Transall
Belgique: 2 avions de transport et 2 hélicoptères
Royaume Uni: 2 avions de transports et 2 avions de surveilance
Canada: 1 avion de transport
Danemark: 1 avion de transport
Etats-Unis: échange de renseignements, utilisation de drones
Enfin la force multnationale africaine (devant compter à terme 3,300 hommes) pourrait commencer à véritablement se déployer la semaine prochaine.
Toute la question est effectivement de savoir si la France pourra poursuivre ainsi. Comment sécuriser les villes du Nord Mali, une fois les groupes islamistes chassés, dans un territoire grand comme presque deux fois la France? C'est une des nombreuses questions qui sont posées.

LASDEKOEUR. A l'exception de quelques centaines de soldats africains, de l'appui du sud malien et de son gouvernement bancal, aucun état européen ou “ami” de la France ne participe à cette guerre contre le “terrorisme” sur le vaste territoire nord du Mali. Les ressources énergétiques de la France ne sont-elles pas les principales raisons de cette soudaine et solitaire entrée en guerre de notre ex-socialiste de président ? Quel est le rôle des touaregs dans ce conflit ?

Thomas Cantaloube. Non, les ressources energétiques de la France ne sont pas en jeu dans ce conflit. Le sous-sol malien est très pauvre, malgré les espoirs des compagnies pétrolières et gazières ces dernières années. Par contre, il y a un souci de la France d'éviter que le conflit malien ne déborde trop sur le Niger et la Mauritanie, où la France exploite des mines d'uranium. Mais cette raison est loin d'être la raison principale de l'intervention de la France.

J'ajouterai que les explications “énergétiques” aux récentes interventions étrangères se sont toujours révélées fausses : on attend toujours le pipeline traversant l'Afghanistan, ou les contrats pétroliers mirifiques d'Exxon avec le gouvernement irakien, ou ceux de Total avec les Libyens...

Concernant le rôle des touaregs, il est effectivement très important: ce sont effectivement leurs revendications autonomistes qui ont provoqué la chute du Nord-Mali en janvier 2012. Mais il ne faut surtout pas confondre les revendications touaregs, dont beaucoup sont légitimes et ont été ignorées par les gouvernements maliens, et celles des djihadistes islamiques. Le problème toutefois, c'est qu'il n'y a pas toujours de séparations claires entre les différents groupes et que tout vient souvent se mélanger : le “nationalisme” touareg, les islamistes, et les trafiquants de tous acabits. 

KIKICHE. Quel est le lien, s'il y en a réellement un, entre les preneurs d'otages en Algérie et les djihadistes que les forces françaises combattent au Mali ? Est-ce, comme le disent certains, un “simple” concours de circonstances ?

Pierre Puchot. @kikiche: Pour ce que nous en savons, aucun lien, puisque Ansar Dine a très vite démenti toute connection avec Belmokhtar, le chef des “Signataires du sang”, et vivement condamné la prise d'otage. Cependant, il faut tout de même rappeler qu'avant de s'affirmer Algériens, Maliens, Nigériens... beaucoup de combattants de cette zone sont Touaregs. C'est d'ailleurs la grande peur du gouvernement algérien, l'unification et le soulèvement du peuple touareg à sa frontière pour une revendication indépendantiste.

Netchys. Pourquoi n'évoque-t-on jamais le rôle trouble du Qatar, “ami” de la France, auprès des islamistes tant au Mali qu'en Syrie?

Pierre Puchot. @Netchys Il n'y a pas aujourd'hui d'élement objectif pour affirmer que le Qatar finance directement Ansar Dine, le Mujao ou un groupe en particulier. Le soutien à la guerre libyenne commence à être bien documenté, mais nous manquons pour l'heure de témoignages crédibles sur les terrains malien et syrien.

DRANER. Les fondamentalistes sont de plus en plus présents en Afrique de l'Ouest. Quels facteurs sont à l'origine de cette expansion ? Religieux, politiques, mafieux, sociaux, économiques, culturels. Quel est le poids relatif de chacun de ces facteurs dans la crise malienne ? Comment pouvons inverser la montée de ce mouvement ? Quelle place doit être celle de l'Europe dans ce combat ?

Pierre Puchot. @draner : C'est un terrain propice aux fondamentalistes: des frontières poreuses, un territoire gigantesque offrant de nombreuses possibilités de caches et de replis, des antagonismes entre Etats (Algérie/Maroc, Algérie/Mali) qui compliquent les opérations des services, comme ce fut le cas pour le suivi d'Aqmi par le DRS algérien, lorsque le gros des troupes d'Aqmi a quitté le territoire algérien au milieu des années 2000... tout concourt à ce que les djihadistes fassent du Sahel l'une de leurs terres de prédilection, et se regroupent sur place.

Thomas Cantaloube. @Draner. Les ressorts du fondamentalisme dans cette région de l'Afrique de l'Ouest sont semblables à ceux ailleurs : négligence et corruption des gouvernements, pauvreté, recherche de sens (ré-islamisation). Mais, dans le Sahel, ils se doublent de trois autres facteurs sépcifiques:
- l'Algérie : les groupes fondamentalistes du Sahel sont plus ou moins issus de la guerre civile algérienne. Pendant des années, ces djihadistes avaient pour but principal de continuer la lutte contre Alger en se réfugiant dans le désert du Sahel. Puis, au fur et à mesure des années 2000, ils se sont “localisés”, en s'éloignant du combat contre l'Algérie et en s'emparant des causes locales.
- les trafics: le Sahel est une zone de transit majeure entre l'Afrique dite “noire” et le Maghreb. Au fur et à mesure des années, les fondamentalistes sont aussi devenus des chefs mafieux : trafics de drogues, de cigarettes, de migrants, d'armes... Ils ont aussi eu recours aux kidnappings. Toutes ces activités visent à gagner de l'argent pour financer leur combat “idéologique”, mais on peut souvent se demander qu'est-ce qui motive quoi ? L'islamisme sert bien souvent de justification aux trafics.
- les Touaregs : cette région du Sahel est traversée par un fort courant “autonomiste” ou “identitaire” de la part des Touaregs. Ces derniers ont parfois conclu des alliances de circonstance avec les islamistes comme le MNLA en janvier 2012 ou parfois tissé des liens plus durables comme Ansar Dine, qui est à l'intersection des revendications touaregs et du fondamentalisme islamique.

Jean-Louis Legalery. Quelle issue peut-on imaginer, sachant que le parlement et l'Union européenne ont été consultés après l'intervention, ce qui n'est pas un gage de clarté, ni de fonctionnement démocratique ?

François Bonnet. @Legalery. L'issue est des plus incertaines, effectivement. D'abord sur la durée de l'intervention: «Le temps nécessaire», a dit Hollande. C'est un peu Fernand Raynaud et le fût du canon: «Un certain temps!»
Blague à part, vu la multitude des objectifs énoncés (le chef de l'Etat a même évoqué un processus électoral), la France s'est engagée dans opération de grande ampleur et longue. Laurent Fabius parle de «semaines»... La Constitution oblige désormais à un vote d'approbation du Parlement quand une opération extérieure dure plus de quatre mois. Ce pourrait bien être le cas, même si la guerre reste ce “domaine réservé” du seul chef de l'Etat: il n'est que de constater la médiocrité du débat parlementaire mercredi et le peu d'informations rendues publiques par le ministère de la défense.
Quant à l'issue de ce conflit, elle est également fort improbable. L'armée française va détruire à coup sûr les camps, bases, dépôts des divers groupes de rebelles islamistes. Et ensuite? Paris devra surtout s'employer à reconstruire un pouvoir politique crédible à Bamako et libéré de la “tutelle” d'une fraction putschiste de l'armée. Il est d'ailleurs à noter ce qui est aujourd'hui confirmé: c'est tout autant l'imminence d'un nouveau putsch militaire à Bamako que l'offensive vers le Sud des groupes islamistes qui a précipité l'intervention française.
Une issue envisageable, et ce serait le meilleur scénario, pourrait être la suivante: la force multinationale africaine prenant le relais pour sécuriser le pays et surtout les villes du Nord. Un processus politique efficient menant à terme à des élections. Mais il y a d'innombrables «si» à cette hypothèse. Et l'on sait surtout que la guerre enclenche des dynamiques imprévues et bouleverse d'ordinaire tous les jolis plans envisagés.

Chiara. Que sait-on exactement des relations entre Alger et Paris sur cette question, Alger agit-elle seule sans que Hollande (les USA) soit sincèrement informé ou pas, cela me semble primordial sur l'analyse à porter sur l'actualité. Trop de flou, trop d'évènements en relation sans pouvoir les mettre en perspective faute d’éléments officiels.

Pierre Puchot. @chiara Les relations entre Alger et Paris sont mues par une interdépendance qui rend nécessaire l'échange d'informations. Hollande l'a d'ailleurs affirmé : la France est tenue régulièrement au courant et continue de discuter avec Alger. De son côté, à 15 mois de l'élection présidentielle, le pouvoir algérien, affaibli par la fin de règne de Bouteflika, a besoin du soutien bienveillant de la France pour conduire la transition politique à son terme.

danielle. Quelles sont les répercussions à craindre pour les pays limitrophes et l'Afrique du nord : Algérie - Tunisie - Libye ?

Pierre Puchot. @danielle L'un des problèmes causés par cette offensive française, c'est qu'elle constitue potentiellement un nouveau de terrain de djihad pour tous les groupes armés de ces pays, certes très peu nombreux en Tunisie, mais importants en Libye. L'enjeu sécuritaire peut, au final, déstabiliser une région en pleine reconstruction politique.

Lou. Et la Syrie dans tout ça ? Une intervention est-elle mise en suspens suite à celle au Mali ?

Pierre Puchot. @Lou. L'intervention militaire en Syrie, bien que prônée par le Qatar, n'a jamais vraiment été d'actualité. Le reflux des diplomaties occidentales ces dernières semaines donne à penser qu'elle ne sera pas pour demain. 

Xipetotec. Y-a-t-il justement dans les buts de guerre une volonté spécifique de mater le combat indépendantiste des Touaregs ? La “gauche” française porterait une lourde responsabilité dans ce combat néo-colonial.

Pierre Puchot. @xipetotec C'est davantage une volonté des Algériens, dont la poltique depuis des années à l'encontre de ces groupes consiste d'un côté à les diviser, de l'autre, à maintenir dans le sous-développement le sud du pays pourtant riche en matière premières.

Nicolas. Bonjour. A quoi fait-on référence quand on évoque dans la presse des liens diplomatiques anciens entre la France et le MNLA, voire entre les services secrets français et le MNLA ?

Pierre Puchot. @nicolas Parce considéré comme “laïque”, le MNLA a toujours eu l'oreille de la France qui, avant de constater son affaiblissement, a toujours favorisé ce groupe par rapport aux autres touaregs dans les négociations inter-maliennes auxquelles elle a pris part. 

corentin. Pourquoi parle-t-on de fondamentalistes et terroristes à longueur de temps, et passe-t-on sous silence les intérêts stratégiques de la France? Le devoir d'ingérence... Peut-on établir un parallèle entre la guerre des Balkans et celle au Mali, dans le sens où le Mali risque de devenir le terrain de jeu favori des cartels du crime organisé (paras + drogue +corruption) ?

François Bonnet. @Corentin. Difficile d'établir un parrallèle avec les Balkans, me semble-t-il. Les guerres dans l'ex-Yougoslavie ont été un très long processus, durant une dizaine d'années (jusqu'à l'intervention de l'Otan au Kosovo en 1999). Elles se sont déroulées au cœur même de l'Europe. Que certains pays issus de ces conflits soient devenus des “trous noirs”, mêlant criminalités et trafics en tous genres (Kosovo et Monténégro, par exemple), est plus lié à l'échec des politiques européennes dans ces pays. Je vous renvoie, entre autres, à une série d'enquêtes que nous avons publié cet été sur le Kosovo, un trou noir dans l'Europe. Ou à cet autre ensemble de sept reportages sur les Balkans: Balkans, sur les routes des migrants.

Clémence Humbert. La principale cause de ces déviances ascendantes et transgressives est le trafic de cocaïne. Non ? Quel est l'âge moyen de terroristes ?

Pierre Puchot. @clemencehumbert Le trafic de cocaïne est l'un des moyens de financement de ces groupes, comme peuvent l'être la prise d'otages et les rançons. D'où leur localisation au Sahel, terrain propice à la reception de la drogue en provenance d'Amérique latine. Mais pour Aqmi, c'est bel et bien un moyen, et non une fin.

Xipetotec. Certains parlent de “régime totalitaire” imposé par les groupes dhjiadistes (imposition de la charia, etc.) ? Ces groupes sont -il structurés pour prendre la place de l'Etat malien ? Est-ce leur objectif de structurer un “Etat islamique” ? Ou s'agit-il simplement de groupes informels dont l'unique objectif est de servir l'organisation de trafics divers?

Pierre Puchot. @xipetotec Ansar Dine et Aqmi font de la charia (leur version de la charia, devrais-je écrire) un impératif. Leur but est donc d'imposer un Etat islamique dans ce qu'il peut avoir de plus régressif. Mais avec ses 5 000 combattants, Ansar Dine, le plus grand groupe de la région, n'a pas les moyens à lui seul de structurer un Etat.

Visiteur. Justement: La France peut-elle se permettre d'appuyer la création d'un Etat nord-malien qui serait une option intéressante vu l'antagonisme nord-sud au Mali et la déliquescence de cet Etat ?

Thomas Cantaloube. @Visiteur. Il y a un principe, que l'on peut jugé dépassé mais qui guide néanmoins les relations internationales, qui est celui de l'intangibilité des frontières issues de la décolonisation. A l'exception notable du Soudan, qui a été divisé en deux en 2012, au prix de nombreuses années de guerre et de dizaines de milliers de morts, la solution de la partition est rarement envisagée. Ce qui l'est, par contre, est une autonomie accrue de certaines régions ou une forme de fédéralisme.
J'ajouterai que, au cours de mes reportages dans de nombreux pays que l'on dit divisés par des conflits ethniques ou autonomistes (Afghanistan, Bosnie, Libye...), la plupart des citoyens de ces pays sont généralement très attachés à leur pays et à l'intégrité des frontières et de la nation telle qu'elle a été définie, même mal, par les puissances coloniales.

Laurent Vatinel. Qu'en est-il des recrutements d'enfants soldats au Nord?

Thomas Cantaloube. @Laurent Vatinel. Un rapport d'Amnesty International a pointé ces dérives. On peut ainsi lire dans ce rapport : «Dans un communiqué de presse, publié le 17 août 2012, l’UNICEF a déclaré avoir reçu “ des informations crédibles selon lesquelles des groupes armés dans le Nord du Mali recrutent et utilisent de plus en plus d’enfants à des fins militaires ”. Sans pouvoir établir le nombre exact, l’organisation onusienne a déclaré, dans ce même document, que le nombre d’enfants engagés se comptait en centaines et semblait s’accroître.»

Il est à noter que la Cour pénale internationale s'est saisie cette semaine de tous les crimes qui ont pu être perpétrés durant l'année écoulée, mais aussi ceux susceptibes de l'être lors de la guerre en cours, du côté des forces loyalistes, des soldats français et internationaux, et des groupes armés djihadistes.

Xipetotec. @François Bonnet. Vous avez parlé dans un commentaire de risque de déstabilisation du sud Mali en cas de coup d'Etat militaire. Y a-t-il un problème spécifique au sud Mali ?

François Bonnet. @ Xipetotec Le problème du Sud Mali est d'abord celui de l'effondrement de l'Etat malien. Depuis le putsch de mars 2012, une partie de l'armée, emmenée par le capitaine Sanogo, considère que le pouvoir politique lui revient. D'où la crise larvée avec un président par intérim impuissant et qui, après une agression, s'est réfugié en France pendant trois mois, et la succession de deux premiers ministres. L'armée est elle même divisée (une partie vivant de divers trafics): certains responsables s'opposaient ainsi plus ou moins ouvertement au déploiement d'une force africaine de la Cedeao et à une intervention française. Bref, le processus de dislocation entamé avec le putsch rend aujourd'hui le Sud du pays particulièrement vulnérable.

Boris. Pourrait-on revenir sur l'identité des combattants de ces groupes ? On les traite de terroristes alors qu'Ansar Dine s'est bien démarqué de la prise d'otages d'In Amenas ?

Pierre Puchot. @boris. Ansar Dine s'est certes démarqué de la prise d'otages, mais a une lecture du Coran toute particulière, qui l'autorise à couper les mains des voleurs, etc. C'est par ailleurs un groupe militaire avec une stratégie de conquête. Je suis cependant d'accord avec vous : de nos jours, le mot terroriste est employé à tort et à travers. Il l'est encore à l'occasion de cette guerre malienne.

Gbagbadê. Expliquez aux Français que les islamistes du Mali sont armé par les armes que la France a distribué en Libye. Donnez-moi la différence entre les méchants islamistes du Mali, les gentils islamistes de Libye, les gentils islamistes de Syrie, les méchants islamistes d’Afghanistan, qui étaient eux même des gentils, avant, contre les Russes.

Pierre Puchot. @gbagbade Il est vrai qu'une partie des armes libyennes ont été rachetées au marché noir par certains groupes comme Ansar Dine. Pour la deuxième partie de votre question, il ne s'agit pas de déterminer les “bons” et les “méchants” islamistes, mais simplement de constater que la lecture du Coran des uns les pousse à menacer leurs prochains, et que celle des autres ne pose pas de problèmes particuliers, dans le cadre des processus démocratiques en cours. 

Vous pouvez retrouver ici l'intégralité du chat (accès payant).

 

 

Un commentaire (sur mediapart) : 18/01/2013, 18:10 Par Jean-Claude POTTIER

Ce qui rend le Mali (tout ou partie) vulnérable, c'est la guerre en Libye. Le kadhafi en Afrique n'a rien à voir avec le Kadhafi occidental. C'était un authentique leader africain. Et qui avait des projets sérieux.

Pour le moment, on nous relate les réactions au niveau des Etats. La mort de Kadhafi a une autre répercussion, au niveau des peuples.

C'est cette lame de fond, le peuple africain, qui "travaille" en profondeur le continent africain. Les pratiques néocoloniales font encore illusion parce que les résultats apparents sont d'un effet immédiat.

Mais ce qui fait l'Afrique profonde, c'est sa jeunesse, le regard qu'elle porte sur le bilan colonial et néocolonial. Sur sa riche culture, sur son identité en tant que donnée essentielle à cultiver. Sur les combats à mener. Sur une rupture qui doit trancher dans le vif. S'il y a un continent prêt à toutes les ruptures, c'est bien le continent africain.

D'énormes potentialités s'éveillent, prennent forme et se structurent dans le discours et le geste, en dessous d'une apparente permanence dont le néocolonialisme français est l'ultime avatar.

L'éveil africain sera violent.

Et la France conservatrice joue avec le feu. Méconnaître ce feu qui brûle dans tout ce continent jusque là figé.

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