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25 janvier 2013

JL Mélenchon sur "tous politiques " 20 janvier: Mali, fiscalité… Les propos de Jean-Luc Mélenchon passés au décodeur

 Sur DECODEURS

 

 

Comme chaque semaine, nous revenons sur les propos tenus par l'invité de l'émission "Tous politiques", sur France Inter, dont Le Monde est partenaire. Dimanche 20 janvier, c'était le leader du Front de gauche, Jean-Luc Mélenchon, qui était reçu pour évoquer le Mali, la gauche ou encore la fiscalité. Vérification de ses propos.

 

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1/ Hollande a bien promis que la France n'interviendrait pas au Mali 

Ce qu'il a dit : "Au moment où François Hollande fait sa conférence de presse, au mois de novembre – vous autres les journalistes, vous vous en souvenez ? –, on lui pose la question, c'est un de vos confrères africains qui pose la question et il répond, il dit : 'En aucun cas nous n'irons au Mali.' Et quelque temps après, monsieur Fabius vient et dit : 'En aucun cas, et en tout cas pas tout seuls.' Or, nous y allons, et nous y allons tout seuls. Il n'y a pas de texte qui nous autorise à le faire. On nous dit : 'Au nom de l'urgence',  je peux parfaitement l'entendre."

Pourquoi c’est plutôt vrai ? Jean-Luc Mélenchon rappelle ici les propos de François Hollande le 21 novembre lors d’une conférence de presse à l’Elysée. Le président avait alors effectivement expliqué que la France n'interviendrait en "aucun cas elle-même". "Si nous sommes aux côtés des Africains, ce sont eux, et eux seuls, qui décident. S'il y a un risque de diffusion dans les autres pays, nous ferons en sorte de les soutenir pour les protéger."

Quant à dire que la France va au Mali "seule" et sans légitimité juridique, la question est complexe. En réalité, la charte des Nations unies évoque (article 51) un "droit de légitime défense, individuelle ou collective, dans le cas où un membre des Nations unies est l'objet d'une agression" qui pourrait fonder l'action française, du reste avalisée par le Conseil de sécurité de l'ONU. Mais le gouvernement malien étant issu d'un putsch, sa légitimité à requérir de l'aide est contestable. La solitude française l'est moins, pour le moment, même si quelques pays offrent une aide matérielle et logistique aux forces françaises.

 

2/ Comparer Sanogo à Kagamé est réducteur

Ce qu’il a dit : "Qu'est-ce que le gouvernement du Mali ? Un gouvernement putschiste, dont le putschiste est un homme qui a été formé dans les écoles de service de renseignement nord-américain. C'est exactement le même scénario qu'avec Paul Kagamé au Rwanda et au Zaïre. Ce sont les mêmes Rantanplans de la politique qui sont là, c'est-à-dire les Nord-Américains et leurs méthodes. C'est eux qui ont formé les officiers qui se sont retournés contre les troupes de l'armée nationale malienne."

Pourquoi c’est un peu caricatural ? Dans sa tirade, Jean-Luc Mélenchon en vient ici à exagérer. Le gouvernement malien est effectivement sous le coup d’une junte qui a pris le pouvoir en mars 2012, arguant de l’incapacité du président sortant à lutter efficacement contre les Touareg dans le nord du pays. Il est également vrai que le capitaine Sanogo a effectué des passages aux Etats-Unis, même si la question de sa formation auprès de l'armée et des services de renseignement américains, évoquée par plusieurs médias, reste contestée (cet article de Slate Afrique met en doute la thèse d'une formation par les services de renseignement américains).

Pour le reste, la comparaison avec Paul Kagamé paraît un peu simplificatrice. Ce dernier n'a pas pris le pouvoir à l'issue d'un putsch mais d'une guerre, et il s'est ensuite maintenu via des élections (dont la régularité est fortement contestée). S'il est avéré que le dirigeant rwandais est proche des Etats-Unis, où il a suivi une brève formation (comme nombre de leaders africains), on ne peut pas comparer le Rwanda et le Mali, tant les deux situations sont différentes.

Quant à juger que l'ensemble de la géopolitique du continent africain serait le fait de "Rantanplans" de la politique américains, là encore, c'est plus que simplificateur. Nombre de pays, dont la France, jouent leur partition sur le continent et les pays africains eux-mêmes savent aussi influencer leurs voisins.

 

3/ Une guerre à "deux millions d'euros par jour", un chiffre qui n'est qu'un ordre de grandeur sans doute élevé

Ce qu’il a dit : "Ceux qui m'écoutent doivent une chose, les opérations extérieures que nous menons coûtent un milliard d'euros par an depuis dix ans. Cette opération coûte deux millions d'euros par jour. Et le ministre du budget, qui n'a jamais un centime pour quoi que ce soit, vient de me dire qu'il allait trouver l'argent dont il a besoin." 

Pourquoi c’est hasardeux ? Jean-Luc Mélenchon ne cite pas sa source et c’est dommage : c’est LeMonde.fr qui a évoqué ce chiffre d’un milliard d’euros par an passé en opérations militaires extérieures, dans un article publié vendredi 18 janvier. Il s’agit d’une moyenne sur dix ans, avec des années plus chères et d’autres moins. En 2012, les "opex" ont coûté 1,5 milliard par exemple. Mais elles sont revenues à moins en 2006, 700 millions d’euros.

En revanche, comment fait M. Mélenchon pour déterminer que la France dépense "deux millions d’euros par jour" ? Mystère. Le gouvernement n’a en effet jamais fourni cette information. Mais le chiffre semble quelque peu exagéré au regard des autres "opex". En 2011, la France a dépensé 522 millions d'euros pour la guerre en Afghanistan, soit 1,4 million par jour. Elle avait alors déployé 4 315 militaires et gendarmes, et un matériel pléthorique : selon le blog spécialisé Lignes de défense, qui cite un rapport parlementaire, l’armée française avait mis sur le terrain, pour la seule armée de terre, 12 hélicoptères, 7 drones, 19 engins du génie, 74 camions, 45 blindés légers, 13 tanks AMX, 418 VAB... Quant à l’aviation, on comptait 3 Mirage 2000, 3 Rafale, 1 Caracal et 2 C160.

Pour le moment, le Mali ne bénéficie pas d’un tel investissement en hommes et matériels. A terme, l’objectif est d’arriver à 2 500 soldats sur le terrain, ainsi qu’une soixantaine de blindés. Quant aux moyens aériens, ils sont de 4 Rafale, 6 Mirage 2000D, 5 avions ravitailleurs et 2 F1-CR de reconnaissance, ainsi qu’une dizaine d’hélicoptères de combat.

L’opération au Mali ne coûte donc probablement pas plus cher que celle menée en Afghanistan en 2011, qui ne revenait pas à 2 millions d'euros par jour, mais à 1,4 million. Et son coût final dépendra de la durée de la présence d’un tel dispositif sur le terrain. Affirmer que le coût est de 2 millions d’euros par jour est donc au mieux un ordre de grandeur théorique.

 

(Edit, 23/01 : Le ministre de la défense a précisé mercredi 23 janvier que l'opération au Mali était revenu à environ 30 millions d'euros depuis 12 jours, soit à l'heure actuelle 2,5 millions d'euros par jour. Une somme qui est une estimation peu précise encore, et qui intègre un obligatoire surcoût de "mise en place" au lancement de l'opération. On saura dans quelques semaines si ce coût reste le même, néanmoins on ne peut plus dire que l'opération malienne coûte moins que la présence française en Afghanistan l'an dernier)

Enfin, on peut rappeler que les "opex", qui bénéficient d'un budget à part entière chaque année (630 millions d'euros pour 2013), n'entrent pas dans le cadre des comptes du ministère de la défense. En l'occurrence, Jean-Yves Le Drian a déjà indiqué que le budget de la défense ne serait pas réduit par le coût de la guerre au Mali. On ne peut donc pas rapprocher mécaniquement les deux comme le fait M. Mélenchon.

 

4/ Les tranches d'imposition ont bien diminué depuis les années 1980

Ce qu’il a dit [à propos de l’échec de la taxe à 75 %] : "C'est au point de se demander s'ils n'ont pas fait exprès de se prendre les pieds dans le tapis, parce que d'abord, ils inventent une progressivité de l'impôt avec cinq tranches seulement, il y en avait plus avant, la dernière est à 45 % [au-delà de 150 000 euros de revenus annuels], ce qui fait bien moins que ce que faisaient Jospin, Chirac ou Mitterrand, et ils rajoutent une taxe exceptionnelle, ce n'est pas un impôt, une taxe exceptionnelle qui est si mal montée qu'elle finit par se casser la figure..."

Pourquoi c’est plutôt vrai ? Jean-Luc Mélenchon dénonce la méthodologie des socialistes pour mettre en place la taxe à 75 % retoquée par le Conseil constitutionnel fin 2012. Mais il revient surtout sur les tranches d’imposition, et semble oublier quelques éléments.

D’une part, la "progressivité avec cinq tranches seulement, il y en avait plus avant". En réalité, la droite au pouvoir avait réduit le nombre de tranches d’imposition. En 2006, on en comptait sept, qui allaient de 0 % à 48,09 %. Le gouvernement Villepin a simplifié le barème en le ramenant à cinq tranches au total : 0 % jusqu’à 5 614 €, puis 5,5 %, 14 %, 30 % et 40 % . En 2011, il a augmenté d’un point la dernière tranche, pour la porter à 41 %. Les socialistes n’ont donc pas, comme le laisse entendre M. Mélenchon, réduit encore le nombre de tranches ; ils en ont créé une nouvelle pour revenir à six parts, soit une de moins qu’avant Sarkozy, mais une de plus qu’entre 2007 et 2012.

>> Lire l'explication : "Le gel du barème, une hausse masquée de l'impôt sur le revenu"

>> Lire ce rapport sénatorial sur l'évolution du barème de l'impôt sur le revenu

Il est exact en revanche que cette dernière tranche à 45 % est inférieure à ce qui préexistait. Elle frappe les revenus au-dessus de 150 000 euros par part. En 2006, il existait une tranche à 48,09 % qui touchait les revenus supérieurs à 49 624 euros par part.

Avant 2002, il n’y avait pas plus de tranches qu'avant 2007. On en comptait sept, soit autant que sous Chirac et Raffarin, puis Villepin. Elles étaient en revanche supérieures : Une tranche à 46,75 % entre 37 580 et 46 343 euros par part, et une autre à 52,75 % au-dessus de 46 343 euros par part. Ces sept parts sont restées constantes de 1994 à 2002.

Auparavant, en revanche, on comptait plus de parts : pas moins de treize entre 1990 et 1993, avec des tranches supérieures échelonnées à 43,20 %, 49 %, 53,9 % et 56,8 %.

 

5/ Mais la taxe à 75 % n'était pas une tranche d'imposition

Ce qu’il a dit : "Je redis : il faut quatorze tranches à l'impôt progressif, de manière à ne pas assommer les gens. Il n'y a aucun pays au monde où on passe de 45 % à 75 %, ça n'existe pas."

Pourquoi c’est hors sujet ? Addition au point précédent. Ici, M. Mélenchon évoque sa propre piste de réforme : il souhaitait revenir à quatorze tranches au total, soit ce qui se faisait dans les années 1980, et argue qu’il est brutal de passer de 45 % à 75 %.

Mais l’argument est hors sujet : la taxe à 75 % telle que le socialistes l’avaient conçue n’était justement pas une nouvelle tranche d’imposition, mais une taxe par individu (et non par ménage) perçue sur les revenus au-delà du million d’euros. Il n'était donc pas question de "passer de 45 % à 75 %".

 

Samuel Laurent

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Commentaires
V
Cambarélis .. cambarelis, s'est permis une lettre ouverte à Méluche , va voir sur son blog et fais un commentaire mon amie, cela vaut le coup,
Répondre
J
Il se peut que je me trompe, mais je n'ai pas vu ce terme "décodage" dans un sens négatif comme l'est "décryptage" (qui suppose que quelque chose a pu être caché volontairement) . JL Mélenchon, dans ses interviews et surtout discours ou conférences, livre un flot d'informations, qui sont condensées dans certains mots ou formules ... C'est pourquoi j'ai trouvé ce texte intéressant qui précise des éléments afférents à telle ou telle affirmation, en l'étayant, parfois, en la nuançant et en la précisant...
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V
c'est gentil de "décrypter" litteralement "sortir de la crypte" ce qui voudrait dire que JL n'est pas clair dans ses propos, moi je pense qu'il est assez clair pour tous, il faut l'écouter et surtout ne pas lire ou écouter des soi-disant décryptages !!
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