Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Vu au MACROSCOPE
Visiteurs
Depuis la création 1 378 950
Newsletter
10 février 2013

Politique : les rois du cumul

 Le PARISIEN

ENQUÊTE LE PARISIEN MAGAZINE - Bientôt déposé, le projet de loi sur le non-cumul des mandats provoque un tollé chez les parlementaires qui sont aussi conseillers généraux, maires… Enquête sur les mille activités de nos élus.

 

Pascale Tournier | Publié le 08.02.2013, 10h08 | Mise à jour : 10h36

De gauche à droite : Philippe Duron (PS), 4 mandats et 25 fonctions, Gérard Larcher (UMP), 3 mandats et 19 fonctions et André Santini (UDI), 3 mandats et 17 fonctions.
De gauche à droite : Philippe Duron (PS), 4 mandats et 25 fonctions, Gérard Larcher (UMP), 3 mandats et 19 fonctions et André Santini (UDI), 3 mandats et 17 fonctions. | Andia / AFP / REA

En , 83 % des parlementaires sont des « cumulards » : 476 députés (sur 577) et 267 sénateurs (sur 348) sont à la fois titulaires d’un mandat parlementaire – député ou sénateur – et d’un mandat exécutif local – maire ou maire-adjoint, ou vice-président du conseil régional, président ou vice-président du conseil général.


S’ils respectent la loi aujourd’hui en vigueur, la question de leur efficacité est posée. Car chacun de ces mandats électifs s’accompagne d’activités annexes, de plus en plus nombreuses et chronophages avec l’extension de la décentralisation. Sans parler du métier d’avocat ou de médecin que certains continuent d’exercer à côté.

De la mairie… au refuge d’animaux

Au , le nombre de ces fonctions peut approcher la trentaine, comme le montre notre classement des élus les plus occupés, établi en collaboration avec l’association de lutte contre la corruption Anticor.

La palme revient au socialiste Philippe Duron, qui détient quatre mandats dont découlent… 24 autres fonctions. La liste de ses activités, non exhaustive, est vertigineuse.

Député et maire de Caen, il est aussi à la tête de l’agglomération Caen-la-Mer et de Caen Métropole, qui gère l’aménagement du territoire pour 143 communes.

Il préside également la Conférence de l’arc atlantique, censée promouvoir une trentaine de villes côtières en Europe, et le conseil d’administration de Normandie Aménagement, une société visant à soutenir des projets immobiliers.

Et ce n’est pas tout ! En charge de la culture dans sa ville, l’édile préside le mémorial de la bataille de Normandie et administre le Comité pour l’organisation des manifestations touristiques et économiques de Caen.

Plus insolite, il est représentant de l’Association de la gestion de la fourrière et du refuge d’animaux de Verson (Calvados).

Vice-président de l’Union amicale des maires du Calvados et membre du bureau de l’Association des maires des grandes villes de France, il soigne son réseau.

Deuxième de notre classement avec trois mandats et 19 fonctions, le sénateur-maire UMP Gérard Larcher est lui aussi bien occupé.

Ce qui étonne le plus dans son CV ? Il est délégué de la ville à la Société des courses de Rambouillet (Yvelines). « Mon emploi du temps a parfois explosé. J’ai alors empiété sur ma vie personnelle », tente-t-il d’esquiver.

Un inventaire difficile à faire
Dans ce top 10 figurent les maires des grandes villes, vent debout contre la future loi sur le non-cumul : Gérard Collomb (PS, Lyon), François Rebsamen (PS, Dijon), Jean-Claude Gaudin (UMP, Marseille) et Roland Ries (PS, Strasbourg), ainsi que des maires non parlementaires qui additionnent les fonctions territoriales.

Dresser la liste exhaustive des activités de nos élus n’est pas une sinécure, tant le système est opaque.

Même l’entourage des parlementaires peine à s’y retrouver : « On n’a pas tout en tête », reconnaît-on, tout en insistant que telle ou telle fonction « ne prend pas beaucoup de temps ; elle est honorifique, rattachée automatiquement à un mandat ou bénévole. »

Seul le sénateur UMP Gérard Larcher publie toutes ses activités sur le site du Sénat, dans sa déclaration d’intérêts. Certes, quelques titres sont honorifiques et d’autres, quasi automatiques.

Un maire est de fait président du Centre communal d’action sociale et du Conseil de surveillance de l’hôpital local, même s’il peut désigner un représentant.

En revanche, s’il est fréquent que les maires, présidents ou vice-présidents de conseil généraux sont également à la tête d’un syndicat intercommunal, parfois contre rémunération, c’est selon leur bon vouloir.

« Cela répond à une logique territoriale », se justifie Hervé Planchenault, le vice-président UMP du conseil général des Yvelines, 8e dans notre classement : il siège dans une dizaine de syndicats publics.

« Mes fonctions sont liées à ma spécialité, la question des ports et du littoral », renchérit Christian Gaubert, vice-président socialiste du conseil général de Gironde, 10e de notre palmarès, présent dans une dizaine d’organismes locaux.

Et il trouve encore le temps de recevoir des patients trois matins par semaine dans son cabinet de dentiste.

Cliquez sur l'image pour accéder à l'application.





Voyager aux frais de la princesse

Certaines charges sont pourtant de plus en plus lourdes. N’en déplaise aux sénateurs-maires PS Gérard Collomb et François Rebsamen, tous deux présidents d’une agglomération, un rapport du Sénat soulignait déjà, en février 2012, l’incompatibilité de cette fonction intercommunale avec leur mandat parlementaire pour des raisons d’emploi du temps.

Selon Jean-Luc Trotignon, délégué national de l’association de lutte contre la corruption Anticor, additionner les fonctions répond au besoin des élus de « montrer à leurs électeurs qu’ils se battent soi-disant mieux pour leur territoire tout en privant de places leurs concurrents ».

Chez les parlementaires, les titres sont à géométrie variable. Ils siègent de droit dans une commission mais ne sont pas tenus de faire partie d’un groupe d’amitié (cercle d’influence diplomatique).

« C’est souvent un moyen de voyager aux frais de la princesse », tacle le député UDI Charles de Courson, qui a toujours refusé d’intégrer l’un de ces groupes.

Réélue en juin, la députée socialiste Annick Lepetit a abandonné son poste d’adjointe au maire de Paris. « Avant, je cumulais. Mais aujourd’hui, je suis députée de la majorité, les responsabilités sont plus importantes », confie-t-elle.

L’élue de Paris sait repérer les cumulards à l’Assemblée nationale : « Ils pianotent sur leur téléphone, quand ils ne sèchent pas habilement les réunions. »

En cas de surcharge d’activité, c’est souvent le travail de parlementaire, jugé moins déterminant pour la réélection, qui trinque.

Laurent Bach, enseignant-chercheur en politique économique et auteur de Faut-il abolir le cumul des mandats ? (Editions Rue d’Ulm), constate qu’un cumulard va privilégier les questions écrites et la session médiatisée des questions d’actualité aux séances en commission, longues et fastidieuses, où est réalisé le travail législatif.

« En cas de non-cumul, la participation des élus aux travaux des commissions et des séances publiques augmenterait de 25 % », plaide-t-il.

Des revenus déclarés sur la bonne foi
Qu’en est-il des rémunérations ? Les élus le martèlent : en cumulant, ils n’additionnent pas leurs indemnités. Depuis 2010, la loi prévoit un plafonnement à hauteur de 8 272 euros mensuels pour les parlementaires.

Pour autant, il est du ressort de l’élu de déclarer les émoluments liés à ses diverses fonctions. Il n’existe pas de contrôle. La présidence ou la vice-présidence d’un syndicat intercommunal peut donner lieu à un jeton de présence.

« Tout repose sur sa bonne foi. Il y a forcément des oublis, voire des abus », insiste le député PS de l’Aisne René Dosière.

Pendant plusieurs années, le sénateur-maire UMP Gérard Larcher n’a pas indiqué qu’il touchait chaque mois 400 euros environ au titre de président du syndicat de Rambouillet en charge des ordures ménagères.

Il a dépassé le plafond légal d’octobre 2007 à janvier 2009. A la suite d’une procédure toujours en cours, il a remboursé une partie du trop-perçu. « Mes services se sont trompés », explique aujourd’hui l’ancien président du Sénat.

Jusqu’à deux chauffeurs par élu

Même si les élus ne cumulent pas leurs indemnités en additionnant les mandats, il reste les avantages en nature, comme le logement, la voiture de fonction et les secrétaires, qui parfois doublonnent.

Il serait ainsi arrivé que deux chauffeurs attendent devant son domicile le député et président du conseil général UDI de Côte-d’Or, François Sauvadet.

Autre sujet de débat : le système d’écrêtement. Le politique dont les revenus sont plafonnés en reverse l’excédent à un ou plusieurs élus d’assemblées territoriales de son choix.

« C’est l’un des effets pervers du cumul », estime le député PS de Paris, Christophe Caresche. « C’est un moyen de tenir ses adjoints par le ventre, ce que je n’ai jamais fait », abonde son confrère UDI de la Marne, Charles de Courson.

Avec Patrick Balkany, l’argent reste dans la famille. Réélu maire de Levallois en 2008, le député UMP a reversé son trop-plein à son épouse, la maire-adjointe Isabelle Balkany.

Le sénateur-maire UMP Jean-Claude Gaudin attribue, lui, 6 000 euros par mois à cinq élus de la ville de Marseille, qui n’ont pas de rémunération à l’extérieur.

Un moyen de pression directe ? « Non, se défend l’édile de la deuxième ville de France. Tous les deux ou trois ans, je change. Il y a un turnover. » En 2011, le député PS René Dosière a tenté de faire supprimer l’écrêtement. En vain.

Un projet de loi présenté d’ici un mois


Lors de ses vœux aux parlementaires, début janvier, François Hollande a annoncé une loi limitant le cumul des mandats politiques.

Elaboré par le ministre de l’Intérieur, Manuel Vals, le texte doit être présenté au conseil des ministres le 27 février ou le 6 mars.

Il devrait être voté avant le 15 septembre, malgré la fronde des élus de tous bords, y compris de gauche. Parmi les plus virulents, François Rebsamen, proche du chef de l’Etat et président du groupe socialiste au Sénat : il draine derrière lui quelque 80 sénateurs mécontents.

A l’Assemblée nationale, c’est la députée de Corrèze Sophie Dessus (PS), qui, forte du soutien de 60 députés, tente d’influer sur le projet de loi.

Elle demande notamment que l’interdiction de cumuler un mandat exécutif local avec un mandat parlementaire soit réservée aux grandes villes afin de ne pas pénaliser les élus ruraux.

Autres sujets à trancher : la limitation du nombre de mandats dans le temps et celle du nombre de fonctions cumulées.

Le Parisien Magazine

 

SUR LE MÊME SUJET

 

Publicité
Publicité
Commentaires
Publicité
Vu au MACROSCOPE
Derniers commentaires
Archives
Publicité