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3 mars 2013

SUISSE -

 Sur RUE 89

 

Pour ou contre les « rémunérations abusives » ? La Suisse a voté contre

 

Pascal Riché | Redchef Rue89


La Suisse n’a pas la réputation d’être rebelle à la haute finance. Et pourtant, son peuple pourrait nous surprendre, dimanche, à l’issue de sa « votation » (son référendum) sur les « rémunérations abusives ».

68% contre
Les Suisses ont voté largement en faveur de l’interdiction des « rémunérations abusives » des patrons des sociétés suisses cotées en Suisse ou à l’étranger, et notamment de leurs parachutes dorés, selon les projections du principal institut de sondage du pays, gfs.bern. Selon les projections publiées à 13 h 30, quelque 68 % des votants ont accepté l’initiative Minder, du nom de l’homme d’affaires à l’origine de cette « votation ». « C’est une excellente journée pour les actionnaires », a déclaré à la télévision suisse RTS Dominique Biedermann, directeur de la fondation Ethos, une organisation d’actionnaires qui représente 141 fonds de pension.

L’initiative en revient au sénateur Thomas Minder, patron d’une PME familiale spécialisée dans les soins buccaux et capillaires, Trybol SA. Il n’est pas de gauche : sans étiquette, il siège avec l’Union démocratique du centre (UDC), un parti très à droite (souvenez-vous de ses campagnes anti-immigrés) qui, après avoir hésité, ne soutient pas son initiative.

Thomas Minder a réussi, seul, à réunir en 2006 les 100 000 signatures nécessaires pour soumettre au référendum une initiative « contre les rémunérations abusives » [PDF]. Il ne s’agit pas de plafonner les rémunérations des dirigeants, mais d’obliger les entreprises cotées à se doter de procédures strictes pour leur fixation. Selon Minder, les abus viennent en effet avant tout de l’absence de contrôle par les actionnaires.


Thomas Minder (Trybol)

  • Les actionnaires fixeraient chaque année la rémunération globale des membres des conseils d’administration (renouvelés chaque année) et de la direction ;
  • Les « parachutes dorés » (indemnités exceptionnelles de départ) et les « golden hello » (primes d’arrivée) seraient interdits ;
  • Toute violation de ces dispositions, qui auraient valeur constitutionnelle, serait punie jusqu’à trois ans de prison et une amende pouvant représenter jusqu’à six ans de rémunération.

 

 

Les arguments du Medef suisse

L’initiative Minder devrait passer haut la main, selon les derniers sondages. Sa popularité a été encouragée par l’annonce scandaleuse (et retirée quelques jours plus tard) d’un parachute doré de 60 millions d’euros accordé par le groupe pharmaceutique Novartis à son patron sortant Daniel Vasella, en échange d’une clause de non-concurrence.

L’initiative de Minder est combattue depuis deux ans par le gouvernement, le Parlement, les partis politiques de droite et surtout le Medef helvète, « Economiesuisse ». Le patronat a mené une campagne d’affichage très agressive contre l’initiative Minder qui « menacerait les emplois ».


Campagne patronnale contre l’initiative Minder

Economiesuisse conteste le système proposé par l’initiative qui « augmente massivement la bureaucratie », « criminalise les entrepreneurs » et surtout « diminue la compétitivité de nos entreprises sur le plan international » (car elles auront moins de marge de manœuvre pour négocier l’embauche d’un dirigeant).

 

Bientôt la famine en Suisse !

Des arguments qui ont fait l’objet de parodies, comme cette fausse interview d’un porte-parole d’Economiesuisse, qui promet l’effondrement de la Suisse si l’initiative était votée :

« Si les actionnaires peuvent décider de limiter la rémunération des top managers comme le prévoit l’initiative, alors les top managers vont quitter la Suisse, et nos entreprises, elles seront mal gérées et elles feront faillite et tout le monde sera au chômage et il y aura une famine, c’est clair. »

 

 

.

 

Pour tenter de faire dérailler le train Minder, un « contre-projet » a été approuvé par le Parlement : il sera adopté en cas de « non » au référendum. Ce texte prévoit des dispositions bien plus souples que l’initiative Minder pour l’encadrement des rémunérations et des bonus, il encadre mais n’interdit pas les primes à l’embauche ou indemnités de départ et il exclut toute sanction pénale.

 

Une blessure intime

Comment un chef d’entreprise comme Thomas Minder s’est retrouvé embringué dans une croisade contre les hautes rémunérations de ses collègues, soutenu par la gauche suisse ? Une blessure intime est à l’origine de toute l’affaire.

Son entreprise familiale, fondée au tout début du XXe siècle, a été à deux doigts de faire faillite il y a une douzaine d’années. Elle avait un énorme contrat (500 000 francs suisses) avec la compagnie aérienne Swissair, pour la fourniture de tubes de dentifrices et autres produits hygiéniques.

Après le 11 septembre, Swissair a connu comme bien d’autres compagnies aériennes des difficultés financières. Elle a décidé de dénoncer le contrat avec Trybol, poussant celle-ci au bord du dépôt de bilan. Mais ce qui a le plus énervé Minder, c’est que le patron de Swissair de l’époque, Mario Corti, s’était vu octroyer une indemnité de 12,5 millions de francs suisses qu’il n’avait pas eu le bon goût de rembourser. Quand il évoque cet épisode dans la presse, Minder ne décolère pas : que Corti ait cassé le contrat d’un fournisseur bien géré plutôt que de restituer sa prime personnelle devrait être considéré comme « criminel », selon lui.

 

 

 

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