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17 mars 2013

José Mujica : voici les cinq qualités pour faire un Président de légende

 Sur RUE 89

Blandine Grosjean | Redchef adj Rue89



José Mujica, assis près de Barack Obama, lors du sixième Sommet des Amériques, à Carthagène des Indes (Colombie), le 14 avril 2012 (Fernando Vergara/AP/SIPA)

L’Uruguayen José Alberto Mujica, plus connu sous le nom de Pepe, serait le Président le plus pauvre du monde. Il commence aussi à être le plus populaire du même monde, si l’on se fie aux journalistes (par exemple celui du New York Times) qui l’adorent. Son histoire a fait la une de Courrier international, « la préférée des lecteurs en 2012 » (article payant, nous ne l’avons pas lu...).


La une de Courrier international, 29 novembre 2012 

Ses réformes – légalisation de la marijuana, mariage des personnes de même sexe, libéralisation des lois sur l’avortement et soutien aux énergies renouvelables – sont évidemment extraordinaires dans le contexte latino-américain, et français pour au moins deux des réformes.

Mais ce n’est pas ce qui fascine l’opinion internationale, et nous avec. Le président Mujica, 77 ans, ne passe pas ses vacances sur le yacht d’un bon ami, il n’a pas appris à se faire servir. Il parle mal à certains de ses concitoyens. Il tue le job de Président.

 

 

1   Humble : « sa vieille », sa petite maison et sa bâtarde Manuela

 

 

Quand il a été élu président de la République le 29 novembre 2009, il n’a pas souhaité déménager de la petite maison (son « rancho » comme on appelle en Uruguay les habitations pauvres), 45 m² dans une banlieue pauvre de Montevideo, où il vit depuis vingt ans avec sa femme et sa chienne Manuela, une bâtarde.

La maison ne lui appartient même pas, elle est à sa femme, Lucia, qu’il appelle affectueusement « mi vieja » (ma vieille).

Un journaliste du quotidien espagnol El Mundo raconte qu’il l’a vu se rendre dans une droguerie de quartier pour acheter un siège de WC, et qu’il a accepté sur-le-champ une invitation des jeunes du petit club de foot Huracan, et là-bas, ils ont eu une petite discussion autour... du siège de WC.

Il reverse 90% de son traitement (250 000 pesos, environ 9 000 euros) à différentes ONG, conduit lui-même sa vieille voiture, une Volkswagen, son seul bien, d’une valeur de 1 400 euros – même si actuellement il dispose du véhicule présidentiel, une Chevrolet Corsa.

Chaque fois qu’on lui pose la question, et c’est assez fréquent, voire inévitable, « êtes-vous pauvre ? » il répond :

« Mon style de vie n’a rien de révolutionnaire, je ne suis pas pauvre, je vis de manière austère. »

 

 

2   Franc du collier : « Ne faites pas les petits cons »

 

En septembre dernier, il est apparu à une importante conférence latino-américaine du Mercosur avec le nez cassé : il a expliqué qu’il s’était blessé en aidant un voisin à réparer sa maison détruite lors d’intempéries.

Ce jour-là, il avait envoyé un message de soutien à tous ceux dont les maisons avaient été endommagées par le déluge :

« Chaque fois qu’il a plu, il a bien fini par s’arrêter de pleuvoir. Idem pour le vent. »

Mais il a fini par se fâcher :

« Nous sommes un petit pays avec une majorité d’habitants qui a choisi de vivre sur la côte et qui attend qu’il fasse un peu de vent pour ne pas aller travailler. La fatigue, ce n’est pas notre problème. »

Il sait parler « vrai » aux jeunes délinquants. Là, c’était après l’assassinat d’un pizzaiolo de 34 ans, père de cinq enfants :

« Ne vous comportez pas comme des petits cons, des nains de merde. Vous allez finir comme des rats de prison, dans le meilleur des cas. »

 

 

 

Pepe Mujica s’adresse aux jeunes délinquants

(En espagnol)

 

 

 

3   Réaliste : « Nous sommes tous fous »

 

Pepe Mujica a appris à vivre à la dure dans les prisons qu’il a fréquentées sous la dictature, entre 1973 et 1985. Il était un des dirigeants de la guérilla Tupamaros et a été torturé tout au long de sa détention. Il a raconté dans de rares interviews que les nuits où on lui donnait un matelas, il était content.

Lors de la célébration du centenaire d’un hôpital psychiatrique, il a expliqué que, « des problèmes de psychiatrie, il n’y en pas qu’ici, ils sont aussi dehors... nous sommes tous fous ». L’assistance a ri de la plaisanterie. Alors il a continué :

« Il y a de ça des années, quand j’étais en prison, j’ai souffert d’une paranoïa persécutrice infernale. J’entendais des voix. Ils m’ont envoyé dans un hôpital psychiatrique. »

 

 

4   Philosophe : « La liberté, c’est passer le balai et avoir du temps »

 

Pepe Mujica n’a pas que des amis en son pays. Un ancien administrateur de la banque Republica, dit de lui que :

« Son style, c’est celui du café du commerce, celui de philosopher sans fin et de ne rien faire. »

Il aime s’exprimer, et parmi ses nombreux apartés philosophiques, j’ai choisi celui-ci, tiré d’un entretien à La Republica :

« Je veux avoir du temps pour les choses qui me motivent. [...] C’est ça la vraie liberté : la frugalité, consommer peu, avoir une petite maison qui me laisse du temps pour profiter de ce que j’aime vraiment.

Sinon, il faudrait que j’ai une domestique, et je devrais supporter une présence étrangère chez moi. Et si j’avais beaucoup de choses, il faudrait que j’en prenne soin pour qu’on ne me les volent pas. La vieille ou moi, on passe le balai, et voilà, il nous reste beaucoup de temps, c’est ça qui nous enthousiasme. »

 

 

5   Pas démago : travaillez moins, pour consommer moins

 

Ses discours internationaux tranchent, et réjouissent une partie de la population latino-américaine. Celui qu’il a donné lors du sommet Rio+20, en juin 2012, sans cravate – personne n’a jamais pu lui en faire porter –, est une sorte de manifeste personnel, qui a fait un flop dans son pays :

« Mes compagnons travailleurs ont lutté pour obtenir les huit heures de travail quotidien. Là, ils vont obtenir les six heures. Mais celui qui obtient les six heures prend un deuxième emploi, et donc il travaille bien plus qu’avant. Pourquoi ?

Parce qu’il doit payer un tas de dettes. La petite moto qu’il a achetée à crédit. La petite auto qu’il a achetée à crédit. Et rembourser ses dettes et encore les rembourser. Et quand il peut enfin profiter de tout ça, c’est un vieux plein de rhumatisme, comme moi, et sa vie est déjà derrière lui. »

Ses dernières vacances d’été (de Noël dans l’hémisphère Sud), il les a passées comme un petit retraité. Avec Olga, aux terrasses de cafés, sans garde du corps. La photo a fait le tour de Twitter.

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