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20 mars 2013

Le féminisme ne me suffit pas

Sur LES QUOTIDIENNES

 

Je ne me suis jamais sentie féministe, pour une raison simple. Je me considère comme un être humain avant d’être une femme. Et je considère les autres femmes comme des êtres humains d’abord, et comme des femmes ensuite. Etre une femme ne me définit qu’en deuxième lieu. Les droits que je défends sont ceux de tout le spectre humain. C’est par ce chemin, à mon sens, que l’on accède aux droits des femmes, parce qu’il est le chemin des droits de l’humain.

Le féminisme, événement historique indispensable au progrès de la société comme toutes les guerres de libération et d’émancipation, comporte, dans sa version plus établie, un défaut: celui de limiter la lutte contre les inégalités à une catégorie de personnes. Dès lors, le risque est de se prétendre féministe au seul motif qu’on est femme, tout en n’ayant cure des autres inégalités et discriminations. Cela n’en fait pas une démarche désintéressée, exactement comme ceux qui, trop souvent, se prétendent communistes durant leur précaire jeunesse mais qui, dès qu’ils goûtent au succès matériel et tutoient leurs puissants ennemis d’hier, jettent leurs "idéaux" par la fenêtre et affichent le conservatisme le plus méprisant envers les moins favorisés. J’ai déjà vu une féministe convaincue qui supportait mal la présence d’un handicapé. A quoi se résume son combat? N’est pas plus féministe et antiraciste une femme noire qui ferait de ces deux causes ses uniques causes, parce que cela avance ses intérêts, tout en se moquant des autres formes de ségrégation.

Le féminisme est pur égoïsme s’il ne rejoint pas le combat plus large contre toutes les inégalités et discriminations. Car une fois sa quête réussie, ce féminisme étroit se muerait en l’élitisme d’un cercle de privilégiées qui exclurait d'autres femmes/d'autres hommes. Cela nous ramène au postulat essentiel: les femmes sont des êtres humains comme les autres, et leur victoire spécifique, comme celle de bien des «ismes», n’est pas la victoire de l’humanité. Dès lors, pour qu’avancent les intérêts particuliers des femmes, il est fondamental aujourd’hui, quelle que soit la position que l’on occupe (femme ou homme, privilégié ou non), d’agir d’abord au service des droits universels et inaliénables, action qui se place au plan de l’humain, celui qui nous réunit tous. 

Et à vrai dire, les injustices sont si multiples, que pour ma part je n’ai jamais eu le temps d’être féministe: inégalités entre les races, entre les riches et les pauvres, entre les beaux et les laids, les instruits et les moins qualifiés, les jeunes et les plus âgés, les bien portants et les invalides, les «génies» de la finance et le reste de la planète salariée. Sans compter que les hommes aussi ont des droits à gagner à l’ère de la réciprocité, eux qui revendiquent désormais des territoires jadis exclusivement féminins dans le cadre de la vie de couple, de l’exercice de la parenté, et des modalités du divorce.

En conclusion, le féminisme est vulnérable à l’imposture du «isme» de la part de celles qui le professent à la façon d’un chauvinisme. S’employer à militer pour le féminisme peut empêcher la femme d’être cela même auquel le féminisme aspire. Mieux vaut être le féminisme que le promouvoir; l’englober plutôt que le différencier; inspirer (femmes et hommes) par l’action universelle plus que par la revendication spécifique; développer en soi les qualités d’une personne digne, entre autres, de rehausser l’image de toutes les femmes si l’on se trouve être une femme. Et dans cette réalisation, élever les intérêts humains les plus larges avec soi.

Ce texte est paru dans le Petit Traité de Désobéissance Féministe, de Stéphanie Pahud, publié en avril 2011 aux éditions Arttesia.

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Commentaires
V
il faudrait déjà qu'il n'y ait plus de propos "raciste" en plein 20 heures d'une chaîne publique comme hier au soir sur France2 !!! reportage sur un tribu d'indiens péruviens menacés par la construction d'une barrage hydroélectrique afin de vendre cette énergie au Brésil ! le commentateur Pujadas qui commence sa phrase par : voici l'histoire d'une tribus d'indiens qui n’ont jamais vu l'homme blanc !!!! et dans le reportage , la phrase est répétée !!! odieux !!!!
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J
Parfaitement d'accord avec cet article.
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J
Nous sommes d'accord.C'est pour cela que des mouvements comme le FEMEN (http://blogdejocelyne.canalblog.com/archives/2013/03/07/26589533.html#comments ) par exemple ne sont qu'une fumisterie.
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M
L'humanisme dont vous parlez est bien joli, mais par où on commence ? C'est pour ça qu'il nous faut des militants anti-racisme, anti-capitalisme anti-sexime (féministes donc). Je suis pour ma part convaincue de l'utilité des luttes spécifiques.<br /> <br /> <br /> <br /> Alors oui, il ne faut pas que sous prétexte d'être féministe on se permette de négliger les pauvres, ou que sous prétexte d'être anticapitaliste on se permette d'être raciste (je vous laisse décliner sur toutes les luttes...). Mais les sites féministes (donc anti-sexistes) que je fréquente sont en général aussi engagés contre la pauvreté, le racisme, l'homophobie etc. Quand aux hommes et ces droits qui leur sont refusés dont vous parler à un moment ("Sans compter que les hommes aussi ont des droits...") les féministes les défendent déjà aussi !<br /> <br /> <br /> <br /> Un exemple pour vous en convaincre : http://www.lesnouvellesnews.fr/<br /> <br /> <br /> <br /> Bonne soirée<br /> <br /> <br /> <br /> Marc
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