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26 mars 2013

A Chypre, l’Europe est morte

Sur AGORAVOX

 

par Michel Koutouzis (son site) lundi 25 mars 2013 -
 

« Entre sauver de la banqueroute un Etat souverain et protéger les milliards des blanchisseurs russes, le choix est vite fait ». Voilà le genre de platitudes auxquelles nous habituent les élites européennes. S’ensuivent, pour bien asseoir ces banalités, des amalgames entre les dépôts des banques chypriotes et les fortunes en milliards des oligarques russes. Ces derniers, majoritairement séjournent à Londres, à New York ou à Moscou, et n’utilisent Nicosie que comme un chainon, certes bienveillant, pour investir à travers le monde ou rapatrier en Grande Bretagne, aux Etats-Unis ou en Russie leurs fonds issus d’activités aussi bien « intégrées » que frauduleuses. Mais, comme aux comptoirs de bistrot, plus c’est gros et mieux ça passe, d’autant plus qu’il y a toujours des médias qui, à la manière du poivrot de Wolinski, n’y trouvent rien à redire, approuvant (et perpétuant) les contre-vérités et les approximations à l’infini.

C’est en effet bien plus compliqué (et révélateur des incapacités institutionnelles) de contrôler réellement les flux des capitaux suspects, de contrôler les dérives du système financier dont elles profitent, et de séparer la paille du grain. Quand bien même et par miracle, on arrive à prendre les fraudeurs la main dans le sac, les banques trouvent toujours un moyen de se blanchir. Et plus ces banques sont puissantes, plus facilement elles s’en sortent, s’arrangeant avec les Etats et leurs justices en payant des amendes ridicules, à des milliards de kilomètres des gains que leurs malversations leur procurent. Si enfin, elles sont réellement « exposées », c’est toujours les autres qui paient, la plupart du temps les citoyens contribuables ou, comme dans le cas chypriote, leurs clients. La raison pour laquelle l’Euro group, la BCE et les pays membres - Allemagne en tête -, poussent à cette solution à Chypre est justement le fait qu’elles ne peuvent pas faire la même chose pour les systèmes financiers des pays comme la Grande Bretagne, la Chine, l’inde, le Canada ou les Etats-Unis, « trop puissants pour être poursuivis ». Les accusations faites à Nicosie ne seraient pas différentes, à la virgule près, si vraiment on voulait s’attaquer aux effets pervers de la finance mondialisée. Avec une différence de taille : le pourcentage des fonds douteux (50 000 milliards) de ces pays est autrement plus important que les 25-30 milliards qui transitent par les comptes chypriotes. Faute de s’attaquer au vrai problème, on s’attaque à l’épiphénomène… Dernière remarque : il se dit, à l’Euro group à Paris ou à Berlin que les « avoirs » des banques chypriotes sont trop importants par rapport au PIB de Chypre. Pas plus qu’à Monte-Carlo, ou au Luxembourg. Enlevez donc à ce dernier pays le statut in shore - offshore des entreprises installées (dont les cigarettiers américains), enlevez la part de la City au PIB britannique et vous ne serez pas loin des résultats que l’on reproche à Nicosie. Mais sur ce, motus et bouche cousue …

 

Que Mme Lagarde et la Troïka cessent enfin d’employer le mot « solidarité », à le salir jusqu’à l’écœurement. Que l’Allemagne et ses laquais européens, dont la France, arrêtent de parler de « solution juste et équilibrée » chaque fois qu’ils mettent un pays et son peuple à genoux. Que la BCE arrête de parler d’accord chaque fois qu’elle pratique un chantage éhonté. Que nos élites politiques cessent de parler de « démocratie » chaque fois qu’elles passent outre l’avis des peuples et de leurs parlements, pris à la gorge, pour imposer leurs solutions, mille fois mises en échec par la réalité et ses cohortes de chômeurs, d’entreprises en faillite, d’usines en friche et de services de l’Etat réduits en peau de chagrin. Le parlement chypriote refuse les ponctions bancaires ? Eh bien, mettons les banques en faillite pour ponctionner encore plus fort, pour cela nul besoin d’un quelconque parlement. Selon que vous serez puissant ou misérable, bien entendu. Sans parler des dizaines de milliers de milliards qu’Européens et Américains ont dépensé pour sauver leurs banques. En nous limitant à Chypre, force est de constater que les banques françaises, allemandes, britanniques ou russes, pourront continuer à spéculer à la chypriote et à faire des profits sur le cadavre du système financier proprement « local ». A part le peuple chypriote, les retraités anglais, grecs, russes, néerlandais, etc., qui avaient leurs économies dans les deux plus grandes institutions financières de Chypre, tout le monde dans la finance trouve son compte, à commencer par les oligarques russes, qui, jusqu’à hier, étaient l’excuse de l’intransigeance européenne. L’accord colonial, que dis-je, d’occupant cynique imposé à ce pays n’a pas de précédent. L’économie et la société de Chypre feront un bon en arrière de plusieurs décennies. Le seul exemple qui nous vient à l’esprit c’est la crise de la viande survenue en Uruguay et en Argentine juste après la guerre de Corée et qui a permis aux Etats-Unis d’imposer les dictatures à la place de la démocratie, la pauvreté à la place du développement et dont l’ensemble de l’Amérique latine a mis un demi siècle à s’en sortir. Il n’y a pas de rationalité dans ces mesures imposées à Chypre. Juste la volonté de se venger d’un pays récalcitrant, à en faire un exemple, et à enlever à tout jamais la possibilité à Nicosie d’avoir une politique un peu soit-il autonome. Le message envoyé par l’Allemagne est clair : la spécificité de chaque pays membre de l’Union Européenne est destiné aux poubelles ; qu’il soit social, économique, politique, financier ou culturel. On commence avec les misérables, et on crée la misère partout ailleurs où il y a encore un semblant de prospérité. Avis aux peuples italien, français, espagnol, portugais, s’ils veulent croire encore que des mots comme sécurité sociale, politique industrielle, santé publique ou école pour tous ont encore un sens. Tout ce qui ne génère pas de l’argent (à la manière que le conçoit Mr Schauble et Mme Lagarde), est désormais insignifiant. Et tant pis pour les citoyens européens… 

 


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Commentaires
P
L'Europe a montré son vrai visage ,tout simplement ...
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