Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Vu au MACROSCOPE
Visiteurs
Depuis la création 1 378 945
Newsletter
31 mars 2013

L’Éditocratie Contre Mélenchon, 1: Jacques Julliard Prend De La Hauteur

Sur BAKCHICH

 

Samedi, 30. Mars 2013 - 10:30

 

Jacques Julliard (2J), éditorialiste chez Marianne, est ce gars, tu sais, qui a posément écrit l’an dernier, avant l’élection présidentielle, quand de gros pans de la gauche française adhéraient au projet que portait Jean-Luc Mélenchon, qu'il se défiait, quant à lui, des «enthousiasmes collectifs, tels qu’on les pratiquait dans l’Allemagne nazie et la Russie soviétique».

Et ce matin, derechef, dans un nouveau billet qui devrait, lui aussi, marquer durablement l’histoire de la retenue journalistique: Jacques Julliard prend de la hauteur – pour se percher, (très) loin au dessus de la mêlée vulgaire où s’exprime le tout-venant du commentaire d(e l)’actualité, au promontoire où dignitas et gravitas peuvent librement s’épanouir.

Son intention, qu’il ne cèle point (car il est d’une délicatesse partageuse), est d’«oublier l’émotionnel» pour mieux «dégager» de réfléchies «conclusions politiques», après que «deux événements» se sont selon lui «télescopés dimanche» dernier: la «montée du Front national au second tour de l’élection  législative partielle dans l’Oise», et «la montée de l’invective au congrès des Mélenchoniens (Parti de gauche) ».

Dès l’abord, donc, et par un procédé dont l’éditocratie ne cesse depuis des années d’abuser, mais qu’il protège quant à lui – c’est vachement rusé - sous le couvert d’une distanciation proclamée (où son lectorat doit, s’il vous plaît, mesurer son détachement, gage de vérisme): 2J amalgame, dans une même proposition, le Front national et le Parti de gauche (PG).

Fort de quoi, il déplore ensuite que Mélenchon passe «la moitié de son temps à insulter la Terre entière» (et qu’il se montre si  «populacier»), car, explique-t-il: «Les questions de vocabulaire ne sont jamais neutres».

Contre ces mauvaises manières, 2J préconise un retour à «l’honneur» de «la gauche» qu’il aime - «celle de Jean Jaurès, de Léon Blum, de Pierre Mendès-France» (1)  -, et qui a, explique-t-il, «toujours respecté les personnes» (contrairement à ce pénible sagouin de Jean-Luc Mélenchon).

Fort de quoi, 2J (qui sait, lui, le sens des mots) fustige, depuis son élevé perchoir (et dans le respect, il va de soi, des personnes), les graves «dérives intellectuelles» de l’élève Mélenchon: «Germanophobie, mise au pilori des journalistes, exaltation de la France seule face à la finance internationale, idéologie du coup de balai».

Vu depuis 2J: «Tout cela est plus proche de Maurras et de Daudet, parfois même des “néos“ à la Déat, que de la tradition humaniste et même (2) marxiste».

C’est donc énoncé assez nettement, sous le sceau d’une pondération revendiquée où le lecteur est prié de trouver un antidote aux inacceptables outrances de «l’émotionnel»: Mélenchon le «populacier» a quelque chose en lui de Maurras et de Daudet – et de Marcel Déat, aussi, tiens, maintenant que j’y pense.

Mais bien sûr, il serait tout à fait déplacé de regarder cette insinuation comme injurieuse, puisque, rappelons-nous: c’est Jean-Luc Mélenchon, qui insulte la Terre entière - pendant que 2J, lui, continue de son côté de s’astreindre, nonobstant la difficulté d’un si noble exercice, à la défense d’une exquise urbanité.

Et d’ailleurs, après avoir ainsi proféré que Marcel Mélenchon lui rappelait Jean-Luc Déat: le raffinéditocrate précise – utilement – qu’il «ne doute pas un instant des sentiments républicains» du chef du PG, et qu’il «ne croit pas un instant» qu’icelui «soit antisémite» (3).

 

Mais juste après, 2J recopie, pour faire (en même temps que bonne mesure) une «conclusion» à son imprécation samedique, cette longue citation, datée du mois de juillet 1933, d’«un illustre éditorialiste» du nom de Léon Blum (4): « Je redoutais qu’en transformant ainsi le socialisme, parti de classe, en parti de déclassés, je redoutais qu’en procédant comme le fascisme par un rassemblement de masses confuses, en faisant appel comme lui à toutes les catégories d’impatiences, de souffrances, d’avidités, on ne noyât l’action de classe du Parti socialiste sous ce flot d’“aventuriers“ – aventuriers bien souvent par misère et par désespérance – qui a porté tour à tour toutes les dictatures de l’histoire» (5).

 

Et donc, si nous résumons: 2J ne doute pas un instant des sentiments républicains de Jean-Luc Mélenchon.

Mais tout de même: il voudrait bien que Jean-Luc Mélenchon cesse (un peu vitement) de procéder «comme le fascisme».

Alors maintenant que tu sais comment on fait: voudrais-tu pas essayer, toi aussi, d’oublier l’émotionnel?

 

 

 

(1) Dans la vraie vie, bien sûr : Jaurès n’était pas (du tout) le retenu prosateur que prétend 2J. Mais il est vrai aussi qu’il doit être difficile, pour un ex-propagandiste de la «deuxième gauche», de se confronter au souvenir de ce que fut réellement la première.

(2) Hi, hi, hi.

(3) Si tu répètes un certain nombre de fois que tu ne crois pas du tout que Jean-Luc Mélenchon soit antisémite: tes interlocuteurs vont logiquement finir par se demander si Jean-Luc Mélenchon ne serait pas un peu antisémite – parce que bon, c’est pas un peu bizarre, qu’on doive passer tout ce temps à préciser qu’il ne l’est pas?

(4) On aura compris, à cette invocation, que l’illustre éditorialiste 2J œuvre sous l’ombre tutélaire de prestigieux devanciers.

(5) «Breaking news: l’éditocrate français Jacques Julliard, revenu de plusieurs décennies de prédications capitalisto-compatibles, a considéré ce matin que le socialisme était un “parti de classe“» (CNN, 30 mars 2013).

Publicité
Publicité
Commentaires
Publicité
Vu au MACROSCOPE
Derniers commentaires
Archives
Publicité