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1 mai 2013

Alain Badorc, co-découvreur du Plavix, héros de l'entreprise de Mélenchon

 Sur @SI

chronique le 01/05/2013 par Anne-Sophie Jacques
Alain Badorc, co-découvreur du Plavix, héros de l'entreprise de Mélenchon

1er mai : et si on fêtait le travail bien fait ?

 

Non, la cupidité n’est pas le seul moteur d’une entreprise. Hier, au micro de France Inter, Jean-Luc Mélenchon défendait l’amour du travail bien fait, le produit intelligent, la belle découverte. Et de citer l’exemple d’un chercheur de Sanofi, inventeur d’une molécule devenue star et qui toute sa vie se contenta de son salaire. Mais qui est donc ce héros ?

 

Quand on parle d'entreprise, on n’est pas obligé de parler actions, dividendes, plus-values, capital-risque, entrée en bourse, marges, bénéfices, impôts-les-plus-élévés-d’Europe-bon-sang-on-va-tous-mourir-dans-ce-carcan-de-la-fiscalité (même si l’assiette est tellement percée que l'impôt sur les sociétés rapporte peu). On peut aussi parler de l’homme. Et qui est cet homme, chercheur de Sanofi, héros du jour de Mélenchon ?


FranceInter_Melenchon_Sanofi par asi

 

Forcément, Sanofi, ça me parle. J’avais pisté cet hiver le documentaire réalisé par des salariés du laboratoire pharmaceutique à l’occasion d’une rencontre fortuite avec leur patron, Christian Lajoux, un film censuré par la direction. Toute l’histoire est ici. On se posait alors la question de cette censure. Les raisons juridiques, économiques voire politiques ne tenaient pas. Restait une hypothèse : la raison humaine. Il fallait interdire ce spectacle du corps du patron face à la détresse des employés, cette violence du rapport de forces qui rend les chiffres indigents. La lutte était incarnée. Et cette incarnation était difficile à regarder. Mieux valait la cacher.

Mélenchon me donne l’occasion de reprendre contact avec les chercheurs du site de Toulouse. Aux dernières nouvelles, ils ont remporté une manche avec la décision de la Cour d’appel de Paris, le 11 mars dernier, qui somme la direction de revoir son plan de restructuration. Ils me tracent les prochaines échéances du combat, dont la prochaine, à savoir une manifestation vendredi à Paris lors de la réunion du conseil d’administration. Histoire de faire le foin me dit-on. Un foin qui sera suivi par Daniel Mermet et l’Humanité.

"Je n'ai pas eu le choix, mais je trouve ça normal"

Et mon héros du jour ? Le connaissent-ils ? Pas d’hésitation : Mélenchon fait référence à la carrière d’un chercheur aujourd’hui à la retraite, Alain Badorc. Il est l’inventeur de la molécule commercialisée sous le nom de Plavix qui soigne la thrombose artérielle – et non pas l’arthrose des artères comme le dit Mélenchon. Il n’a jamais touché un centime sur les ventes de ce produit qui fit les choux gras de Sanofi – le médicament représente le deuxième plus gros chiffres d’affaires au monde – et, en effet, il s’est contenté de son salaire. "C’est parce que je n’ai pas eu le choix !" rigole Badorc au téléphone. Et de m’expliquer, au cours d’une joyeuse conversation du 1er mai, qu’en France, les inventeurs cèdent leurs droits à l’entreprise lors du dépôt de brevet, contrairement aux Etats-Unis ou encore en Allemagne. Mais Badorc trouve ça normal : "je ne me suis jamais battu pour exiger un pourcentage sur le chiffre d’affaires. C’est avant tout un travail d’équipe. Certes nous sommes deux à avoir trouvé cette molécule mais sans les biologistes ou les chimistes, elle n’aurait pu être concrétisée".

plavix

La molécule est découverte en 1986 par Alain Badorc et Daniel Frehel. Le brevet est déposé l’année suivante et il faudra attendre dix ans pour la commercialisation du produit, d’abord sur le marché américain, puis en Europe, puis en France, où la mise sur le marché nécessite des négociations sur le prix avec l’État. Pendant dix ans également, le chercheur est appelé à témoigner lors des nombreux procès intentés par ce qu'il appelle les "génériqueurs" ou "les requins du médicament" : "les concurrents avaient intérêt à casser le brevet s'ils voulaient commercialiser la molécule avant qu'elle ne tombe dans le domaine public en 2012. J'ai passé beaucoup de temps à ça, de la Cour de justice à Manhattan à l'Australie, au Portugal, au Canada... On a gagné tous nos procès."

Le prix, parlons-en : en France, c’est le médicament qui coûte le plus cher à la sécurité sociale, d’où les remises en cause par la revue Prescrire qui estime que, dans certains cas, l’aspirine est tout aussi efficace pour un coût vingt-sept fois moins cher. Le directeur de la revue, reçu lors d’une émission chez nous, s’en était ému dans le documentaire les Médicamenteurs. Mais l’inventeur trouve que le procès est mal venu : "s’il n’y avait pas la question du prix on n’aurait pas ce débat. Evidemment que le Plavix est beaucoup plus efficace que l’aspirine". Il admet sans difficulté que ce médicament a fait le beurre de Sanofi : il engrange près de 6 milliards de dollars par an dont 4 pour les seuls Etats-Unis. "Ça rapporte plus qu’un Airbus n’est-ce pas ?" On sent le Toulousain qui parle. D'ailleurs, cette manne est sûrement à l’origine du rachat spectaculaire d’Aventis par Sanofi, alors petite société qui absorba le concurrent géant.

Sanofi Melenchon

Mais revenons à Mélenchon. Comment le chef du Parti de gauche a-t-il eu vent de la carrière de cet inventeur ? Alain Badorc raconte : "Mélenchon était en visite sur le site de Sanofi à Toulouse le 27 septembre dernier, j’étais présent. Les journalistes et les photographes se pressaient autour de lui, du coup il s’est mis à reculer et il a fini par me bousculer. Il m’a tout de suite demandé si je faisais partie de l’entreprise, je lui ai dit que j’étais un ancien, licencié à l’occasion du premier plan de restructuration de 2010. Vous avez été viré pour avoir fait une connerie ? me demande-t-il avec ce langage qui est le sien. Je lui ai répondu que non, au contraire, je peux être fier de ma carrière. Et c’est ainsi que je lui ai raconté la découverte de la molécule qui a aidé au développement de l’entreprise. Il était visiblement conquis et m’a demandé s’il pouvait raconter mon histoire lors de son discours qui devait se tenir un peu plus tard. Bien sûr, j’ai dit oui." .... Lire la suite

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