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10 mai 2013

H&M PRATIQUE L’EVASION FISCALE AU BANGLADESH: 2 MILLIARDS D’EUROS DE PROFIT, 55 EUROS DE TAXES

 Sur PEUPLES SOLIDAIRES

 

La population du Bangladesh compte parmi les plus pauvres du monde

H&M : 55 euros par an de contribution au développement de l’économie du Bangladesh

 

28/06/10 Chaque année les pays du Sud constatent avec impuissance le transfert à l’étranger de considérables sommes d’argent pourtant générées grâce à l’exploitation de leur force de travail. L’évasion fiscale pratiquée par la plupart des multinationales implantées sur leur territoire est responsable de la situation paradoxale dans laquelle ils se trouvent : tandis que les entreprises étrangères maximisent leurs profits en s’appuyant sur des coûts salariaux extrêmement bas, les pays hôtes se démènent avec une économie qui ne leur permet pas de satisfaire aux besoins fondamentaux de leur population. Les pratiques de la multinationale suédoise H&M au Bangladesh, un de ses premiers pays fournisseurs en textile, ne dérogent pas à la règle.




Selon ActionAid Suède, forte de ses 2 milliards d’euros de chiffre d’affaire[1], l’entreprise a déclaré n’avoir payé que 55 euros de taxe au gouvernement du Bangladesh en 2008[2]. Or, le total des taxes annuelles payées par H&M est évalué entre 10 540 euros et 420 000 euros, selon la méthode de calcul employée. Le seul chiffre d’affaire d’H&M est supérieur au budget annuel total du gouvernement bangladais. Tous les ans, un montant supérieur à la totalité de l’Aide Publique au Développement mondiale est ainsi perdu par les pays en développement en raison de l’évasion fiscale pratiquée par les multinationales.

L’ampleur du bénéfice produit par H&M résulte des marges colossales dégagées grâce à la différence de coûts entre le prix de fabrication du textile au Bangladesh et le prix de vente des vêtements dans nos pays. Ces marges sont en outre valorisées par la structure de la multinationale qui implique que les profits réalisés au sein des pays producteurs soient transférés auprès des pays consommateurs, notamment parce que l’achat des produits fabriqués au Bangladesh n’est pas officiellement facturé dans ce pays.

Malgré le fait que ces relations inégales et la logique d’exploitation qu’elles peuvent entrainer caractérisent souvent le fonctionnement d’une multinationale, certaines choisissent de promouvoir des codes de conduite qui ont vocation à responsabiliser leurs agissements. Ces codes de conduites, parfois très rigoureux sur certains aspects sociaux,  ne sont que très rarement appliqués.  Quant au risque d’évasion fiscale, il n’est quasiment jamais pris en considération au sein des différentes Chartes de Responsabilité Sociale des Entreprises (RSE) existantes.

Action légale ou action morale ?

Le groupe H&M rassemble des centaines de sociétés enregistrées dans plus de 40 pays. Ces antennes sont responsables de différentes activités liées à la vente de prêt à porter, notamment en Europe. Sur les 2 milliards d’euros de bénéfices de H&M, les profits réalisés grâce à la vente de vêtements fabriqués au Bangladesh ne sont pas officiellement enregistrés et ne peuvent donc pas être taxés dans ce pays. Un tel fonctionnement est rendu possible car le bureau de liaison de H&M à Dhaka n’est pas officiellement responsable des achats des produits fabriqués sur le territoire et ne réalise par conséquent aucun profit. Ce bureau – qui rempli pourtant concrètement les fonctions d’une centrale d’achat – n’enregistre des dépenses qu’exclusivement liées aux salaires, au loyer et à l’embauche de consultants.

La production de vêtements et d’autres textiles constituent la majorité des exportations du Bangladesh. Cependant, cette industrie bénéficie d’incitations fiscales extrêmement généreuses et de coût de production très bas. Par conséquent, si ce secteur est largement créateur d’emploi, seul un très faible pourcentage du capital investi profite finalement au pays.

En effet, les entreprises multinationales font pression sur les pays producteurs  afin qu’ils réduisent toujours plus leurs coûts de production, les laissant alors entrer en concurrence les uns avec les autres afin de pouvoir choisir,  souvent à la dernière minute, la localisation de leur production. Les opportunités d’embauches de la main d’œuvre locale liées à la production d’une multinationale sont considérées comme trop importantes pour ne pas être saisies. La course aux exonérations fiscales bat ainsi sont plein parmi les pays en développement. Or, outre ces exonérations, l’argent perdu par le gouvernement bangladais qui ne peut taxer les activités du bureau d’H&M à Dhaka constitue un manque à gagner dans le budget du pays et entrave ainsi la lutte contre la pauvreté au Bangladesh

Le Bangladesh est le septième pays le plus peuplé du monde, avec plus de 150 millions d’habitants. La population du Bangladesh compte parmi les plus pauvres et souffre régulièrement de malnutrition. Lors d’interviews effectuées par ActionAid au Bangladesh, de nombreuses personnes ont raconté ne pas avoir accès aux services publics essentiels. Cette absence de service public pénalise en priorité les femmes et les filles, qui sont les plus vulnérables et les premières marginalisées. De nombreux enfants ne sont pas scolarisés ou quittent l’école prématurément pour travailler. Les services de santé sont exclusivement financés par des dons privés. Enfin, les salaires des fonctionnaires ne suffisent pas pour vivre.

Pourtant, l’absence de taxation des revenus des multinationales dans ce pays est légale et il est donc impossible, à l’heure actuelle,  pour le gouvernement  et les autres acteurs nationaux ou internationaux engagés dans la lutte contre la pauvreté au Bangladesh, de réclamer une part des profits réalisés sur ce territoire. Or, comme le souligne Muhammad Faruk Khan, Ministre bangladais du Commerce, « Ce qu’ils [H&M] font est légal mais demeure tout à fait immoral ».



Lutter contre l’évasion fiscale des multinationales

Au sein de l’Organisation de Coopération et de Développement Economique (OCDE), du G20 et de l’Union Européenne, des discussions sont en cours visant à interdire et empêcher l’évasion fiscale pratiquée par les multinationales. Un des projets, nommé « rapport de pays à pays », propose que toutes les dépenses et recettes réalisées par une multinationale dans un pays soient systématiquement déclarées aux autorités dudit pays. La deuxième proposition soumet l’idée que soient automatiquement échangées les informations relatives au régime fiscal des multinationales entre les différentes autorités compétentes au niveau international. La mise en œuvre de ces deux propositions rendraient plus difficiles les mouvements de capitaux liés aux profits des multinationales entre deux pays.



Peuples Solidaires soutien les demandes d’ActionAid Suède qui exhorte :

  • H&M à prendre ses responsabilités en s’engageant à ce qu’une part proportionnelle des profits qu’elle réalise dans les pays où sont fabriqués et achetés ses produits soit taxée dans ces pays
  • Le gouvernement suédois à soutenir activement ces deux propositions débattues au sein de l’Organisation de Coopération et de Développement Economique (OCDE), du G20 et de l’Union Européenne.

Le Bangladesh est un pays en développement qui fait face à de nombreux défis, dont la lutte contre la pauvreté constitue un investissement quotidien. La possibilité de compter sur les revenus fiscaux liés aux activités des multinationales sur son territoire pourrait largement contribuer à donner les moyens au Bangladesh de relever ces défis et d’investir dans l’économie de son pays.

Particulièrement active quand il s’agit de communiquer sur sa politique de RSE, H&M a encore de nombreux progrès à faire dans ce domaine afin que ces engagements ne restent pas lettre morte. Sa réaction à l’égard du récent incendie meurtrier chez un de ses fournisseurs au Bangladesh est révélatrice du chemin qu’il reste à parcourir.

La responsabilité sociale d’H&M toujours en cause dans l’incendie meurtrier de Garib&Garib

 

Usine Garib&Garib après l'incendie meurtrier du 25 février 2010

Le 25 février 2010, vingt-et-un travailleurs, dont quinze femmes, ont perdu la vie dans l’incendie de l’usine Garib & Garib, à Gazipur au Bangladesh. Une cinquantaine d’autres ont été blessés, dont six grièvement, victimes de brûlures ou d’intoxications suite à l’inhalation de fumée. Le 17 mars 2010, Peuples Solidaires et le Collectif Ethique sur l’étiquette lançaient un Appel Urgent (Appel Urgent n°334 : « Bangladesh : Nouvel incendie meurtrier ») révélant ce tragique incident et appelant à soutenir les demandes des victimes et des syndicats auprès des entreprises clientes de l’usine, dont H&M faisait partie.

La multinationale suédoise a répondu à l’ensemble des participants à notre Appel Urgent les informant des mesures prises suite à l’incendie, notamment dans le but d’indemniser les victimes et leurs familles. Si Peuples Solidaires et le Collectif Éthique sur l’étiquette se sont réjouis de l’implication de H&M, le modèle d’indemnisation retenu par l’entreprise fait l’objet de nombreuses critiques de la part des syndicats et organisations de travailleurs et ne peut, par conséquent, être considéré comme satisfaisant.



Le manque de sécurité au sein des usines de confection du Bangladesh représente un problème récurrent et structurel. Afin d’empêcher d’autres catastrophes dans l’industrie de l’habillement au Bangladesh, Peuples Solidaires et le Collectif  Éthique sur l’étiquette[3] ont appelé l’ensemble des entreprises se fournissant en habillement au Bangladesh, dont H&M, à prendre mesures proactives, durables et coordonnées[4]pour mettre un terme à ces problèmes structurels.

Ces mesures devraient être discutées en septembre 2010 lors d’une rencontre organisée à Dhaka, capitale du Bangladesh, rassemblant plusieurs entreprises étrangères se fournissant en textile dans ce pays. D’autre part, cette rencontre vise à contraindre les entreprises clientes de Garib&Garib, au premier rang desquelles H&M, à répondre aux attentes des syndicats, des organisations de travailleurs et des familles des victimes de l’incendie du 25 février 2010.
Cette rencontre devrait être l’occasion pour H&M de mettre en œuvre une politique de responsabilité sociale réellement respectueuse de ses travailleurs et de ses propres engagements en la matière, et ainsi de contribuer au développement de l’économie du Bangladesh.

 

 




[1]Hors taxe.

[2] http://www.actionaid.se/press/pressmeddelanden-2010/100622

[3] Ainsi que leurs partenaires internationaux : la Clean Clothes Campaign, le Maquila Solidarity Network et l’International Labour Rights Forum.

[4] Cette liste de mesure a été établie en lien avec les syndicats bangladais et le Workers Rights Consortium (Etats-Unis), et sur la base de propositions formulées par la Fédération internationale des travailleurs du textile, de l’habillement et du cuir.

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