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26 mai 2013

#Hollande au #SPD:”ich bin ein Schröder”.

Sur le blog AGPDV

24 Mai

imageLe journal “Les Echos” du jour, dans sa version électronique, n’en revient pas:

Pourtant, lors de sa dernière conférence de presse du 16 mai, le président de la 5e république française l’a affirmé droit dans les yeux des journalistes: “je suis socialiste”. Il se défendait ainsi d’être un social démocrate, ce qui signifie dans le langage médiacrate social libéral. Il se défendait ainsi de suivre à la trace la politique économique et sociale du sortant Sarkozy pourtant battu le 5 mai 2012 en raison du rejet de la politique qu’il menait. Mais devant Angela et ses paires allemands du SPD, réunis à Leipzig pour commémorer les 150 ans du parti social démocrate d’outre Rhin ce jeudi 23 mai, il a enfin avoué la vérité. Il a enfin révélé qu’il avait un cap et qu’il entendait le suivre fermement. Il a donc cessé de mentir pour la première fois depuis son élection pour nous indiquer sa destination finale, le libéralisme financier. Car les “réformes” de Schröder en Allemagne n’avaient nullement pour objectif d’améliorer les conditions d’existence des salariés allemands. Elles avaient pour objectif premier de transférer vers le secteur privé et donc le marché et ses places boursières ce qui restait encore à la puissance publique. Angela Merkel ne s’y trompe d’ailleurs pas et rend un hommage révélateur au SPD en lui adressant toute sa reconnaissance pour les services qu’il a rendu à son pays. Et quels services! La validation en tous points de la théorie économique libérale de l’offre avec son principal levier d’action, le désarmement de la puissance publique au profit de privatisations tout azimuts.

L’un des transferts vers le secteur privé et les bourses mondiales les plus emblématiques opéré par Schröder aura été celui des retraites. Depuis, les libéraux du monde entier ne cessent de célébrer le social démocrate allemand comme leur véritable héros chaque fois qu’ils cherchent à imposer à un état et ses dirigeants une privatisation de son système de retraite. Barroso, le libéral en chef de la commission européenne a été extrêmement clair, la France est le prochain état sur la liste, Hollande le prochain dirigeant à devoir s’exécuter. C’est donc en réponse à la bergère “commission européenne” que le berger Hollande défend, en Allemagne, le bilan libéral de Schröder en matière de retraite. En son temps, Schröder diminue le niveau de pension des futurs retraités allemands tout en allongeant significativement leurs durées de cotisation. imageSe faisant, il jettera sur le marché de l’assurance privée les salariés effrayés à l’idée de toucher une si maigre pension que leurs vieux jours ne seraient plus du tout heureux. D’autant que la peur est très largement entretenue par un vieillissement réelle de la population allemande qui vit non seulement de plus en plus longtemps mais qui ne se “reproduit plus”. En langage clair, les couples d’Allemagne donnent naissance à peine à 1,4 enfants, ce qui est très insuffisant pour assurer le renouvellement des générations et donc une retraite par répartition. La capitalisation devient alors le principal moteur du système de retraite allemand. Les sociétés de financements privés des retraites investissent en masse dans les fonds de pensions qui ont besoin de taux de rendement largement supérieurs à ce que l’économie réelle peut produire. La financiarisation extravagante de l’économie est en route. Elle aura pour conséquence de détruire l’économie réelle en raison d’une recherche obsessionnelle de rentabilité du capital au détriment de la rémunération du travail. Les “dégraissages” deviennent légions, le chômage explose, les déficits des régimes de retraites par répartition se creusent.

Ce mouvement généralisé de privatisations des retraites reposent pourtant sur deux énormes arnaques:

1/ il n’est pas necéssaire d’avoir autant d’actifs en activité que de retraités pour assurer le financement du système par répartition,
2/ le principal contributeur financier du système par répartition est le travail, son principal ennemi le chômage de masse.

  1. En effet, la richesse produite en 2013 par un salarié allemand ou français est largement supérieure à la richesse produite par son père ou sa mère. La pension est, quant à elle, calculée sur les revenus gagnés par le retraité et non sur le niveau de revenu de ses enfants. Les économistes spécialisés en gain de productivité estiment, dans leur immense majorité, qu’un salarié du 21e siècle produira 2 fois plus de richesses que ses parents. En étant très simpliste nous pourrions affirmer qu’un seul salarié pourrait financer la retraite de 2 retraités. Mais les choses sont un peu plus complexes car, fort heureusement, les pensions sont majorées en fonction de l’élévation du niveau de vie d’une part, et de la prise en compte des meilleures années de rémunération dans le calcul de la pension. Toutes ces variables prises en compte, un salarié est en capacité de financer 1,5 retraites. Voilà donc l’argument démographique sérieusement mis à mal du seul point de vue de la richesse créée par un salarié en activité.
  2. Le travail est la principale ressource du système par répartition. Si bien que le chômage induit mécaniquement une baisse des cotisations, donc une baisse des revenues à redistribuer. La diminution du chômage et donc l’augmentation du volume des cotisations rempliraient les caisses. Cette situation s’est déjà produite en France, il y a une dizaine d’années, sous un gouvernement de gauche. imageEntre 1998 et 2001, la France crée 2 millions d’emplois et n’en détruit que 1. Le nombre de demandeurs d’emploi diminue donc de 1 million. L’assurance chômage devient excédentaire, l’assurance maladie est à l’équilibre, le système de retraite par répartition assuré. C’est la période de la fameuse “cagnotte fiscale”. En ce temps là, plutôt que de chercher à contracter l’activité économique par une politique de l’offre exclusive et une rigueur budgétaire aveugle, le gouvernement de gauche plurielle fait les 35 heures, les emplois jeunes par centaines de milliers par exemple. Il décide donc de soutenir aussi la demande et pas uniquement l’offre.

En révélant son désir d’être le Schröder français, Hollande donne tout son sens à la politique qu’il mène depuis son élection. Il entend épouser le modèle allemand de désarmement de la puissance publique au profit de l’offre et de la finance, comme avant lui Nicolas Sarkozy. Comme Nicolas Sarkozy, il commet au moins deux erreurs d’analyse majeures. L’une est strictement démographique, mais elle est de taille. L’autre est sociologique et elle est majeure.

  1. La France est le pays de la zone euro qui connaît la démographie la plus dynamique. Le taux de fécondité est de 2,05 enfants par femme, ce qui, compte tenue de notre très faible mortalité infantile, assure largement le renouvellement des générations. imageSi bien que l’augmentation de l’espérance de vie directement corrélée aux progrès alimentaires, sanitaires et…SALARIAUX est largement compensée par les gains de productivité d’une part, le nombre important et constant de nos actifs d’autre part. Les difficultés de financement de nos retraites s’expliquent d’abord par un fort taux de chômage et ensuite par un pic de départ en retraite lié à la génération du baby boom de l’après guerre. Ce pic va s’estomper progressivement à horizon 2025. Les prévisions alarmistes du COR sur l’effet néfaste de l’allongement de l’espérance de vie sont donc largement surévaluées dans le but de servir un point de vue idéologique: la défense d’une retraite par capitalisation.
  2. La France est une république qui privilégie l’égalité et la cohésion sociétale. L’Allemagne est une fédération qui privilégie l’individu et la méritocratie. En clair, la France n’est pas une Allemagne protestante de culture. Comme l’a parfaitement démontré Max Weber dans “l’éthique protestante et l’esprit du capitalisme”(1), la pensée protestante génère la philosophie économique du self made man, le capitalisme et “la religion” du libéralisme entrepreneurial. Cet éclairage permet, sans aucun doute, de mieux comprendre la scission de l’Europe en 2, celle du nord et celle du sud. Mais cette scission n’a rien de géographique, elle a tout du sociologique.

Plutôt que de suivre une Allemagne calviniste, la France devrait prendre la tête des pays méditerranéens qui privilégient la pensée et l’action collectives à la pensée et l’action individuelles. Car les peuples des rives de la méditerranée n’adhéreront jamais à une éthique qui leur est sociologiquement étrangère. Pour cela il ne faut pas craindre le conflit avec une Allemagne qui pense son éthique comme prévalent et nécessairement imposable au reste de l’Europe. Le temps du prosélytisme, même économique, est totalement révolu. Il faut en revanche, penser le conflit non comme un affrontement, mais comme une émulation qui contraint au compromis. Mais un compromis juste et respectueux des cultures, des histoires et des sociologies différentes, un compromis qui ne soit plus une compromission et encore moins une soumission.

Sydne93

(1) “L’éthique protestante et l’esprit du capitalisme”, Max Weber, 1904. Ed Plon 1964.

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