SYRIE • Les trois messages de Bachar El-Assad
- Al-Quds al-Aarabi |
- Abdel Bari Atwan |
- 31 mai 2013
Le président syrien a voulu adresser trois messages lors de l'entretien qu'il a accordé [le 30 mai] à la chaîne de télévision libanaise du Hezbollah, Al-Manar.
Le premier s'adresse à Israël et consiste d'une part à faire savoir que Damas a reçu des missiles antiaériens russes S-300 [ce que Moscou dément] et, d'autre part, à rappeler aux Arabes que l'ennemi est toujours Israël.
Dans le deuxième, Assad annonce qu'il participera à la conférence de Genève 2, mais qu'il refusera de traduire automatiquement en actes d'éventuelles décisions qui pourraient y être prises. Car, a-t-il précisé, "toute décision sera soumise à référendum". Or les résultats des référendums en Syrie sont connus d'avance...
Le troisième a pour but d'apparaître dans les habits de président, sûr de lui et assurant la direction du pays conformément à la Constitution. Assad a également affirmé qu'il se battait afin de préserver l'unité du pays, refusant l'hypothèse d'un repli sur la bande côtière méditerranéenne avec l'intention de créer un Etat alaouite.
Du sarcasme et de la confiance
Le zèle du président apparaît clairement quand il fait preuve de sarcasme au sujet du prince Saoud Al-Fayçal, le ministre des Affaires étrangères saoudien, et quand il annonce qu'il se présentera à l'élection présidentielle de 2014. Cette confiance en lui s'explique par plusieurs facteurs, en particulier la progression notable de ses forces à Qousseir [ville située dans le nord de la Syrie, jadis aux mains des rebelles] et l'obtention de missiles russes qui non seulement annulent la suprématie aérienne israélienne mais, étant donné leur rayon d'action de cent kilomètres, imposent une zone d'exclusion aérienne au-dessus d'Israël.
En outre, Assad confirme le soutien politique et militaire sans limites des Russes, alors que les Américains et les Occidentaux hésitent toujours à intervenir militairement.
En revanche, il ne donne pas de réponses convaincantes à de nombreuses questions embarrassantes posées par la présentatrice : le fait que depuis quarante ans le front du Golan est resté calme ; l'absence de représailles après les raids aériens israéliens à répétition contre des cibles syriennes ; ou encore le fait que l'armée syrienne, forte [théoriquement] de 400 000 hommes, a dû avoir recours aux combattants du Hezbollah pour mener la bataille de Qousseir.
Assad déclare que la réponse aux frappes israéliennes sera stratégique et que la décision de la résistance appartient au peuple. Or, dans le même temps, il annonce qu'il répondra [désormais] à des frappes israéliennes par des frappes similaires, sans toutefois donner d'autres détails.
La véritable guerre n'a pas encore commencé
En résumé, cet entretien signifie la mort de l'initiative de Genève 2. Assad torpille tout ce qu'a déclaré son propre ministre des Affaires étrangères Walid Al-Moallem [il y a quelques jours], à savoir que le régime était prêt à se rendre à Genève sans condition préalable. Assad tient des propos qui sont difficiles, voire impossibles, à accepter aussi bien pour l'opposition que pour les pays organisateurs.
Il se moque de l'opposition en disant qu'à l'issue de la conférence de Genève elle regagnera ses hôtels cinq étoiles, tandis que les représentants du régime rentreront à Damas. Il dit également qu'il ne veut pas négocier avec des hommes de paille, mais directement avec les pays qui sont derrière et soutiennent l'opposition.
Après deux années de révolte, de guerre civile féroce et de dizaines de milliers de morts des deux côtés, le président de la Syrie n'a pas changé d'un iota et continue de se présenter comme si la Syrie était un havre de paix et de stabilité.
Depuis le début, nous pensions que la guerre allait durer en Syrie, que les jours de la présidence Assad n'étaient pas comptés. Après cet entretien, nous pouvons dire que les combats se poursuivront et que la guerre s'étendra aux quatre pays voisins (Jordanie, Irak, Turquie et Israël), tous alliés des Américains.
La véritable guerre de Syrie n'a pas encore commencé. Nous en verrons probablement les prémisses dans les jours et semaines à venir.