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9 juillet 2013

Visualiser ses métadonnées Gmail : amusant puis carrément effrayant

 

Sur RUE 89

Philippe Vion-Dury | Journaliste Rue89


Lorsque les premières révélations sur Prism, le programme de surveillance de la NSA, sont tombées, le gouvernement américain et les services de renseignement se sont retranchés derrière un terme peu connu du grand public : la métadonnée.

Une métadonnée, c’est en quelque sorte une donnée sur une donnée. On peut trouver dans ce tiroir sémantique :

  • numéros de téléphone sortants et entrants ;
  • heure, date et localisation des appels (pas leur contenu) ;
  • émetteur, destinataire et date des courriels (pas leur contenu, encore une fois) ;
  • titre de l’e-mail ;
  • recherches internet ;
  • transactions bancaires ;
  • carnets d’adresses sur les réseaux sociaux.

Selon les autorités américaines, collecter les métadonnées des internautes ne signifie pas les espionner.

Un appli pour y voir plus clair

Pour permettre au public de visualiser ce concept, une équipe du Massachusetts Institute of Technology (MIT) a développé une application qui permet à l’internaute de visualiser ses métadonnées Gmail, le service de messagerie de Google.


Les métadonnées du Gmail de Will Hunting : démo sur le site du MIT (Immersion.media.mit)

Le programme baptisé « Immersion » demande à l’utilisateur d’entrer son adresse et son mot de passe Gmail puis balaye l’ensemble des courriels échangés depuis la création du compte. En quelques secondes, l’application crée un graphique interactif et dynamique constitué de petites bulles pour chaque correspondant, plus ou moins grosses selon le volume d’échanges, et les liant entre elles.

Une expérience « émotionnelle »

Selon César Hidalgo, professeur au MIT Media Lab et créateur du projet, les metadonnées ont évolué ces dernières années pour concerner de plus en plus les individus et leurs habitudes. Il y voit une expérience « émotionnelle » plus que technique : à travers les métadonnées, c’est nous-mêmes que nous examinons.

Et il est vrai qu’on se surprend vite à jongler avec les outils et naviguer dans les sphères sociales à géométrie variable qui grossissent ou rapetissent au fil du temps, avec quelques surprises à la clef – comme réaliser qu’on a cessé de correspondre avec un ami il y a dix-huit mois, ou que la rédactrice en chef de Rue89 est en passe de détrôner sa propre mère du podium des échanges épistolaires.

L’appli « Immersion » en vidéo (en anglais)

Et si l’on ajoute Skype ? Et Facebook ?

Passé l’amusement et la musique d’ascenseur de la vidéo promotionnelle, reste un certain malaise face à la puissance d’un tel outil. On imagine tout ce qu’un œil étranger qui se poserait sur le graphique pourrait apprendre de la vie de la personne bien réelle qui se cache derrière ces bulles.

Poussons le concept plus loin : maintenant qu’on a vu ce que pouvait fournir comme informations les simples métadonnées de Gmail, imaginons que l’on y ajoute celles des conversations Skype et Facebook, des relations sur les réseaux sociaux, des correspondances téléphoniques, recherches sur le moteur Google, applis smartphones téléchargées, des journaux lus et privilégiés et de toutes les transactions passées en ligne...

Résultat : un profil de la vie numérique, sociale et intellectuelle de tout individu utilisant la Toile, avec en première ligne ceux dont l’activité est intense et insouciante.

L’or de la décennie

Se pose enfin la question de l’usage fait de ces métadonnées. Car comme le souligne César Hidalgo, « tout le monde les traque ». Les métadonnées sont l’or de cette décennie : elles sont collectées tout à fait légalement et revendues à des annonceurs qui calibrent leur publicité sur le profil ainsi établi.

Un commerce florissant dont les internautes, qui en sont l’origine et la cible, ne voient pas un dollar et ignorent totalement qui détient – et exploite – les fragments de leur vie numérique.

La métadonnée fait rapetisser la Toile

Autre problème : la métadonnée fait rapetisser la Toile. Le moteur de recherche Google ou les sites marchands vont orienter les recherches de l’internaute selon le profil qu’ils en auront dressé. Le but est de l’orienter vers ce qu’il est susceptible d’apprécier le plus, ce qui correspond le mieux à son cercle social ou son emplacement géographique.

Les résultats d’une recherche ne seront donc pas les mêmes selon les individus, chacun se heurtant à une bulle en verre bâtie par des algorithmes eux-mêmes bâtis sur les métadonnées. Un système assez éloigné des aspirations de liberté et d’universalité qui ont fondé Internet.

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