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6 septembre 2013

Les «Femen» perdent leur gourou

Sur MARIANNE

Jeudi 5 Septembre 2013 à 16:00 | Lu 9694 fois I 26 commentaire(s)

 

Alexandre Coste
Journaliste à Marianne chargé de l'animation de la communauté des Mariannautes En savoir plus sur cet auteur

 

Un documentaire australien déshabille les Femen et révèle une intimité troublante : les militantes aux seins nus en lutte contre une société patriarcale auraient elles-mêmes été sous l’emprise d’un homme, qui semble avoir joué à l’intérieur du groupe un rôle similaire à celui d’un gourou dans une secte.

 

Les femen lors de la présentation du film Ukraine is not a Brothel à la Mostra de Venise - ADAMO DI LORETO/SIPAUSA/SIPA
Les femen lors de la présentation du film Ukraine is not a Brothel à la Mostra de Venise - ADAMO DI LORETO/SIPAUSA/SIPA
Ukraine is Not A Brothel est un documentaire australien présenté hier soir au festival de la Mostra de Venise. La réalisatrice Kitty Green a suivi les jeunes femmes pendant plus d’un an, filmant aussi bien leurs interventions mouvementées que leur quotidien dans un petit deux-pièces situé dans la capitale, Kiev.
 
Le film aurait pu passer relativement inaperçu si un trublion n’était pas venu se greffer au casting censé être exclusivement féminin. Viktor Svyatski, c’est son nom, tenait jusqu’ici un simple second rôle dans la grande fresque épique Femen, commencée en 2008. Présenté tour à tour comme un «idéologue» du groupe féministe ou un «consultant politique», on ne retenait guère de lui que son visage tuméfié, lui donnant un air curieusement cartoonesque, suite à un passage à tabac au mois de juillet dernier à proximité des locaux du groupe.
 
Dans une prise de parole relatée sur le site du Monde en février 2012, l’homme ne tarissait pas d’éloges envers ses camarades : «Ces filles sont comme la  Marianne de Delacroix». Aujourd’hui, toutefois, les militantes semblent avoir été rétrogradées par le même personnage au rang de «salopes». Qu’est-ce qui a bien pu motiver ce déclassement guère classieux ?

«Il est les Femen.»

«Ces filles sont faibles, confie Victor dans le documentaire. Elles n'ont aucune force de caractère. Elles n'ont même pas le désir d'être fortes. Elles sont soumises, elles manquent de ponctualité et de bien d'autres choses qui les empêchent de devenir des militantes politiques.»
 
Cet individu qui crache son fiel est présenté dans les colonnes de The Independant comme l’homme qui a crée les Femen. Victor Svyatski serait rien de moins que l’éminence grise du groupe. Un mâle se cacherait donc derrière les gesticulations hystériques des activistes topless ?
 
Non seulement la réponse est affirmative, mais en plus faut-il ajouter que l’homme est présenté comme «férocement intelligent» par la réalisatrice. Charismatique et manipulateur, Viktor ressemble à ces pervers narcissiques mis en avant par les hebdomadaires (notamment de la presse féminine) qui ont récemment trouvé chez ces égotiques pathologiques un nouveau marronnier.
 
La réalisatrice d'Ukraine is not a Brothel poursuit : «C'est son mouvement et il a choisi personnellement les filles. Il a choisi les plus jolies filles parce que les jolies filles vendent plus de papier. Les plus jolies filles font la couverture... C'est devenu leur image, la façon dont elles vendent leur marque.»
 
De là à rapprocher la gestion des Femen de celle d’un bar à champagne, il y a encore un fossé que nous ne franchirons pas. En revanche, la comparaison entre Viktor et le gourou d’une secte s'impose. De l’aveu même d’une Femen, les filles étaient victimes du syndrome de Stockholm, ce fameux syndrome où les otages ressentent de la sympathie pour leurs oppresseurs.
 
«Il leur criait dessus et les traitait de salopes», renchérit celle qui a eu une fenêtre d’observation privilégiée sur le groupe pendant de longs mois. Un comportement qui a fini par créer des dissensions au sein de l’organisation, que Viktor a fini par quitter. L’homme reconnaît aujourd’hui qu’il a crée les Femen pour «avoir des filles.» Il avoue dans le documentaire qu’elles lui «plaisaient sexuellement». Ce portrait au vitriol qu’il dresse aujourd’hui de ses ex partenaires aurait-il ainsi pour origine des avances refusées ? Les images d’Ukraine is not a Brothel n’en disent pas plus sur le sujet.

Quelques propos du «gourou» rapporté par KyivPost en 2010 laissent imaginer qu'au-delà des parties de jambes en l'air, l'homme avait également de manifestes ambitions politiques: «Les filles ne vont pas passer toute leur vie à courir autour de la place de l'Indépendance. Nous devons atteindre la sphère politique afin d'influencer les décisionnaires et les législateurs.» 
 

 

Viktor Svyatski
Viktor Svyatski
Les militantes, venues à l’avant-première du film, n’ont pas nié le rôle prépondérant qu’a pu tenir Viktor Svyatski au sein de l’organisation. Toutefois, les Femen se disent aujourd’hui affranchies de leur figure patriarcale. Que retiennent-elles de cette malheureuse expérience ? «Il nous a fait comprendre combien les hommes peuvent être des bâtards», a lâché la leader du groupe Inna Shevchenko dans un flow digne d’un rappeur du 9-3.
 
La virulente dirigeante affirme à Libération  que Viktor n’est pas à l’origine du mouvement féministe, mais qu’il était un ami de la fondatrice, ami qui a pris de plus en plus de place dans l’organisation. Et lorsqu’Inna accepte finalement de fendre l’armure dans un billet posté sur theguardian, elle se révèle touchante : «Nous venons d'Ukraine, un pays très patriarcal, nous ne savions pas comment lui résister, nous n'avions jamais appris.»
 
Y a-t-il un avenir pour les Femen aujourd’hui ? Après un été mouvementé qui a vu, entre autres, la fermeture de leurs locaux à Kiev et la défection de la tunisienne Amina, les militantes peuvent-elle perdurer sur la scène médiatique internationale ?

A la suite d'une adolescence tumultueuse, l’organisation, aujourd’hui totalement libre de sa destinée, pourrait entrer dans une phase de maturité qui s’avérerait nécessaire quant à sa pérennité. Les Femen opéreraient ainsi une mue salvatrice. Si l'ancien leader mentor est aujourd'hui écarté, son plan de pousser l'organisation à entrer sur le terrain politique peut lui subsister.

Dark Viktor est mort, que la Force soit avec les Femen !

 

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