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12 septembre 2013

Delphine Batho dit sa vérité sur l’Elysée, Fessenheim et Notre Dame des Landes

Sur REPORTERRE

 

Reporterre

mercredi 11 septembre 2013

Si l’Elysée a transmis des informations au patron de Vallourec, "il y a eu conflit d’intérêt". Oui, sur le gaz de schiste, "il y a une campagne de communication bien orchestrée". Alerte à la privatisation d’EDF. L’Etat ne peut pas fermer seul Fessenheim, "il y a une énorme lacune législative". Notre Dame des Landes : si on suit la commission scientifique, il ne peut pas y avoir d’aéroport.

Delphine Batho, à mots mesurés mais précis, dit sa vérité face à la caméra de Reporterre.


Delphine Batho, limogée de son poste de ministre de l’Ecologie en juillet, revient en politique en tant que députée. Reporterre l’a rencontrée à l’Assemblée nationale.

L’essentiel de ses propos :

- Si la directrice de cabinet du président de la République a communiqué des informations à son époux, le patron de l’entreprise Vallourec, "il y a évidemment eu conflit d’intérêt".

- Mme Batho n’a pas subi de pression sur le gaz de schiste. Mais il y a eu du "lobbying" et une "campagne de communication bien orchestrée".

- La députée est inquiète du projet d’ouvrir encore davantage le capital d’EDF aux actionnaires privés.

- L’Etat ne peut pas décider lui-même de fermer les centrales nucléaires. Il y a là "une énorme lacune législative".

- Sur l’énergie, la position du Medef "est extrêmement conservatrice".

- Sur Notre Dame des Landes, "on est obligé" de suivre les conclusions de la commission scientifique, et donc, on ne peut pas faire l’aéroport, "cela semble la conclusion".

 

 

 

 

Ci-dessous, la vidéo et la transcription de l’essentiel de l’entretien.

(vidéo sur le site ICI)

Reporterre - Lors de votre limogeage, vous avez souligné que Philippe Crouzet, le patron de l’entreprise Vallourec, est très favorable au gaz de schiste aux Etats-Unis, avait pesé pour votre départ. L’épouse de M. Crouzet est Sylvie Hubac, directrice du cabinet du président de la République. Y a-t-il conflit d’intérêt au plus haut sommet de l’Etat ? (1’00)

Delphine Batho - Je n’ai pas la réponse. Ce qui m’a paru troublant, c’est que le patron de cette entreprise s’est prévalu publiquement d’informations selon lesquelles j’allais être marginalisée au sein du gouvernement, et ce quinze jours avant que je sois limogée du gouvernement. Ca me paraît une question à la quelle il faudra avoir une réponse. Moi, je n’ai pas les éléments de la réponse.

(2’17’’) Si Mme Sylvie Hubac avait pu parler à son époux de votre cas, s’il avait pu avoir des informations par ce biais, y aurait-il conflit d’intérêt sur Mme Hubac à l’Elysée ?

Oui, évidemment qu’il y aurait eu conflit d’intérêt. (2’38’’)

Est-ce que dans le Débat national sur la transition énergétique, les industriels français favorables l’exploitation du gaz de schiste ont-ils fait pression sur vous ?

Je ne dirais pas ça comme ça. Il y a eu beaucoup de lobbying autour de l’idée qu’on allait chercher de nouvelles techniques. J’ai eu des explications franches, mais pas sous forme de pression, en tout cas pas vis-à-vis de moi, sans doute parce que ma position était claire, ferme et connue.

Lobbying ça veut dire quoi, concrètement ?

Qu’on voit un certain nombre de décideurs et de relais médiatiques publier le même genre d’argumentaires – par exemple pour dire qu’il y aurait des techniques propres d’exploitation. On sent un argumentaire qui est repris par un certain nombre de décideurs.

Une campagne de communication avec un discours bien calibré ?

Oui, et qui est bien orchestrée.

Un autre aspect joue sur la politique énergétique française est la question du nucléaire. Nombreux sont ceux qui se sont étonnés qu’en 2012, Henri Proglio, dirigeant d’EDF, proche de Nicolas Sarkozy, est resté en place alors que le nouveau gouvernement avait des orientations très différentes. Avez-vous trouvé cela normal et comment cela s’est-il passé ?

Ce n’est pas un sujet sur lequel je souhaite encore m’exprimer. Il y a eu une décision qui a été prise par le Président de la République et le premier ministre. Ce que l’Etat peut attendre d’une entreprise comme EDF, c’est qu’elle porte les orientations de la transition énergétique.

Aujourd’hui, un sujet qui me préoccupe est l’idée qu’on pourrait ouvrir davantage au secteur privé le capital d’EDF. C’est une décision qui relève du gouvernement et avec laquelle je ne suis pas d’accord.

Pourquoi M. Proglio a-t-il été maintenu à la tête de cette entreprise ?

Je ne souhaite pas m’étendre sur cette question. Aujourd’hui, le combat le plus important est que l’autorité de l’Etat sur EDF ne soit pas affaiblie.

Comment expliquez-vous que M. Proglio, qui dirige une entreprise controlée par l’Etat à 84,5 %, puisse s’opposer publiquement au choix du gouvernement de fermer la centrale nucléaire de Fessenheim ?

Il ne s’y est pas opposé publiquement depuis la victoire de François Hollande à l’élection présidentielle. Mais c’est vrai qu’on ne peut réussir la fermeture pour la première fois en France une centrale qu’avec le plein et entier engagement de l’opérateur EDF. D’ailleurs, une des grandes questions du Débat sur la transition est que l’Etat reprenne la main sur les décisions de politique énergétique qui sont aujourd’hui celles des opérateurs. Il n’y a pas aujourd’hui, par exemple, d’autorité de l’Etat pour décider du nombre de centrales nucléaires. L’Etat en tant que tel n’a pas la main, c’est un enjeu extrêmement important qu’il puisse la reprendre.

Il y a une énorme lacune législative.

Le patron de cette entreprise ne s’appuie-t-il pas sur ces actionnaires pour trainer les pieds par rapport à son actionnaire principal ?

A partir du moment où vous avez des actionnaires même minoritaires, cela leur donne un certain nombre de facultés juridiques. Mais ce n’est pas l’élément principal. Fermer une centrale nucléaire, c’est aussi un changement de culture pour l’entreprise EDF ».

Y a-t-il une alliance entre la CGT et le Medef sur cette question du nucléaire ?

Ce changement de culture concerne aussi les salariés d’EDF. (11’50’’)

La position du Medef dans le DNTE n’est pas forcément à l’image de l’ensemble des entreprises et des acteurs économiques, qui pour une partie d’entre eux, ont envie de s’engager dans la transition énergétique, où ils seront gagnants. Il a un conservatisme très fort d’un certain nombre d’acteurs économiques qui ne veulent pas que ça change.

Les entreprises nucléaires en France, EDF, Areva, RTE, représentaient plus de 50 % des délégués du Medef. N’ont-elles pas pesé lourdement dans le débat ?

Ils ont pesé, mais je pense que dans un pays où 75 % de l’énergie [sic] est d’origine nucléaire, on ne peut pas faire un débat sans eux. Pour arriver à changer les choses, il faut que tous les acteurs soient autour de la table. Mais c’est vrai que les positions portées par le Medef étaient extrêmement conservatrices. Ne pas regarder en face le problème de la fin de vie des centrales n’est tout simplement pas responsable ni vis-à-vis des générations futures, ni du point de vue des intérêts de l’industrie nucléaire.

A propos de Notre Dame des Landes, vous aviez dit en 2012 que c’était une infrastructure « dont nous avions besoin ». Le pensiez-vous vraiment ou était-ce par solidarité gouvernementale ?

J’ai assumé la position gouvernementale sur ce dossier. Elle était clairement connue dans le programme [de M. Hollande]. Ce à quoi j’ai veillé, c’est au respect scrupuleux de la loi sur l’eau. J’ai engagé le travail de la commission scientifique, qui a établi que la méthode de compensation environnementale n’était pas valable et pas recevable.

Aujourd’hui, est-ce qu’il faut réaliser ou pas cet aéroport ?

Sur aucun dossier sur lequel j’ai été en responsabilité, je me permettrai de dire différemment comme député aujourd’hui que ce que j’ai dit ou fait en tant que ministre.

Je pense que les conclusions de la commission scientifique sont assez claires. La législation sur la zone humides fait que la méthode envisagée pour la compensation environnementale n’est pas possible. Si on suit la conclusion de la commission scientifique, en l’état, le projet d’aéroport ne peut pas être conforme à la loi sur l’eau.

S’il faut suivre l’avis de la commission scientifique…

…On est obligé…

… et donc, on ne peut, dans les conditions actuelles, pas faire cet aéroport...

… cela semble la conclusion.

(20’ 43’’) Etes-vous toujours obsédée, comme la majorité des responsables par l’idée qu’il faut toujours plus de croissance, ou pensez-vous qu’on peut objecter à la croissance ?

Je suis pour dépasser ce débat entre croissance et décroissance. Notamment la question de l’économie circulaire, inventer un nouveau modèle économe en ressource naturelles, mais intensif en emplois, c’est ça la question essentielle.

Propos recueillis par Eduardo Febbro (prise de vue et montage) et Hervé Kempf.


Source : Eduardo Febbro et Hervé Kempf pour Reporterre

Vidéo : Reporterre.

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