En pleine crise financière, une nouvelle niche fiscale. En faveur de l’émirat du Qatar… Hier, le Sénat a définitivement ratifié la convention franco-qatarie, signée en janvier 2008 entre Nicolas Sarkozy et l’émir Hamad Ben Khalifa Al-Thani, lors d’un périple présidentiel à Doha. Sous prétexte de toilettage d’un ancien traité fiscal, elle exonère d’impôt sur les plus-values tous les investissements immobiliers réalisés dans l’Hexagone par «l’Etat du Qatar ou ses entités publiques», y compris la famille de l’émir.

Accords. Cette nouvelle convention tombe à pic, les Qataris multipliant ces derniers temps les investissements à Paris. Après le rachat de l’hôtel d’Evreux, place Vendôme, par l’émir, de l’hôtel Lambert, île Saint-Louis, par son frère (1), du centre de conférences Kléber par le fonds souverain du Qatar (QIA), il était temps de soulager fiscalement ces éminences. La nouvelle convention est exorbitante du droit commun. Dans les années 90, la France avait signé toute une série d’accords avec les pays du Golfe, sur ce noble objectif : «Eviter les doubles impositions et prévenir l’évasion fiscale.» La convention-type doit être conforme au modèle établi par l’OCDE. En conséquence, les hiérarques pétroliers, notamment saoudiens, sont soumis à l’impôt français sur les plus-values immobilières de leurs nombreuses villégiatures hexagonales.

Mais le Qatar a demandé la même dérogation que le Koweït, obtenue en 1994 quand Nicolas Sarkozy était ministre du Budget. A sa décharge, la renégociation de la convention franco-qatari a été initiée sous Jacques Chirac, lequel s’était rendu à neuf reprises au Qatar durant son mandat présidentiel.

Infirmières bulgares. Pourquoi un tel régime de faveur ? Lors de sa ratification à l’Assemblée nationale, en octobre, Marie-Louise Fort, rapporteure de la commission des finances, évoquait sans barguigner la libération des infirmières bulgares retenues en Libye : «Le Qatar a joué un rôle discret mais sans doute décisif.» En clair, l’émir a payé la rançon - pardon, a financé une fondation pour les enfants libyens présidée par le fils Khadafi. Au Sénat, le rapporteur Adrien Gouteyron va droit au but : «80% des équipements de l’armée qatari sont d’origine française.» Et de rappeler les contrats signés par EDF, Suez, Total et Areva lors de la visite de Sarkozy à Doha.

Son rapport résume noir sur blanc : «L’Etat du Qatar ou les entités qu’il contrôle seront exonérés de plus-values immobilières.» Ce régime de faveur, bien qu’aligné sur celui du Koweït, est «non conforme au modèle OCDE». Pas de quoi susciter la moindre polémique parlementaire, le texte étant adopté par la procédure simplifiée : sans débat public, après un «bref échange» en commission.

 

(1) Joyau architectural du XVIIe siècle, vendu en 2007 par le baron Guy de Rothschild au prince Hamad Al-Thani. Sa restauration fait polémique car le frère de l’émir veut y inclure ascenseurs et parking.

 

Renaud LECADRE