Elle a un côté «bonne copine». Quand on la retrouve pour un café, en terrasse près de l’Hôtel de Ville - elle siège depuis 2008 au conseil de Paris -, ses manières spontanées et ses éclats de rire lui donnent presque l’air d’être toujours une syndicaliste étudiante. Pour ce qu’elle aurait gardé du goût de refaire le monde. Elue depuis un bail du XXe arrondissement, où elle s’efforce de «repenser le rôle de l’élu local», Danielle Simonnet a participé à la création du Parti de gauche, où elle était en charge de «repenser les pratiques militantes», après être passée par le cabinet de Jean-Luc Mélenchon à l’Enseignement professionnel. Pas franchement une débutante donc, mais une obsédée des mots qui commencent en «re». Le réformisme du PS, elle y a goûté un moment, de l’époque manifeste contre le Front national jusqu’en 2008, avant de lui préférer, en quelques sortes, la révolution socialiste. A Paris, elle veut la conduire par les urnes, à la tête d’une liste autonome, à laquelle les communistes ne se sont pas, encore, officiellement raliés. Mais Danielle Simmonet a confiance. 

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La candidate «anti-austérité», c’est elle : Danielle Simonnet le martèle, à longueur de conférences de presse et d’actions militantes. De la question de la défense des services publics comme les urgences de l’Hôtel-Dieu, à celle de la spéculation immobilière ou du foncier des Halles, l’élue du XXe estime que l’équipe municipale socialiste a dépossédé les Parisiens de Paris. «C’est l’évolution de la social-démocratie en Europe. En Grèce, au Portugal, en Espagne, [les socialistes] se sont mis à préférer gouverner avec la droite plutôt qu’avec «l’autre gauche», dit-elle. «L’UMP et le PS incarnent la précarité. L’action municipale ne peut être une politique d’accompagnement de l’austérité», dit encore celle qui, avec son camarade Alexis Corbière (élu du XIIe), a refusé de voter le dernier budget au Conseil de Paris.

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Là, la «bonne copine» a laissé la place au tribun. Sur l’appel d’Anne Hidalgo à une alliance large dès le premier tour, elle dit encore : «C’était prévisible, quand on défend une politique d’accompagnement libéral de l’austérité, proposer au Modem de la rejoindre (...) montre qu’elle est prête à gouverner Paris avec la droite.» En 2012, c’est déjà en meneuse de «l’autre gauche» que Danielle Simonnet avait obtenu aux législatives le meilleur score du Parti de gauche à Paris (16,3%). En 2014, elle sera aussi «la troisième femme».

C’est avec la loi sur la parité, en 2001, que cette conseillère d’orientation-psychologue de profession est remontée sur la liste du parti socialiste dans le XXe. «Jusqu’à 2001, où je suis devenue adjointe à la jeunesse, j’étais comme beaucoup de femmes, dans une construction en politique qui se faisait dans le "nous". C’est-à-dire que je ne me mettais pas en avant dans la représentation politique, mais je m’intéressais à la mise en mouvement du collectif. (...) Spontanément, je pensais que d'autres, souvent des hommes, étaient plus compétents et je crois que c’est vraiment quelque chose qui est ancré dans le parcours des femmes : cette reproduction des rôles sexués dans le rapport au pouvoir (...) qui fait qu’on a un complexe d’illégitimité, que nous devons combattre.»

Clémentine Autain, qui la connait depuis 2001, confirme : «Nous nous sommes entendues remarquablement bien, elle est dans un bon état d’esprit collectif, de bonne humeur, source de propositions. Elle joue collectif.» Danielle Simonnet reprend : «Je me rends compte par le vécu à quel point la parité est importante. Les femmes doivent transgresser les rôles dans lesquels la domination masculine veut les contenir, et c’est d’abord un travail sur soi. La parité, ça a forcé les hommes à faire de la place et les femmes à assumer ce qu’elles peuvent apporter.»

«Elue militante»

Dans le XXe, elle qui a commencé à militer au collège, en vendant les badges SOS Racisme dans son «bled» de Seine-et-Marne, puis en engrainant tout «le bahut» contre la loi Devaquet, s’attache à garder les deux pieds dans les rues. «Je vois mes collègues, y compris ceux qui débutent, se paniquer pour maîtriser une technicité - c’est une obsession qu’a l’administration. Cela les amène à ne pas oser bousculer l’administration. Moi, je souhaite rester une élue militante.» Avec toujours cette idée d’un élu dont le rôle serait d’assurer la «mise en mouvement populaire».

Dans son arrondissement, elle monte notamment le premier «conseil de la citoyenneté des habitants non communautaires» : «Il fallait créer une dynamique dans les quartiers populaires, pour faire en sorte qu’il y ai une implication de celles et ceux qui n’ont pas le droit de vote», estime-t-elle. A nouveau, se pose la question de l’implication des femmes en politique. «Celles que je rencontrais me disaient toutes : "c’est passionnant, je vais en parler à mon mari, il pourra y aller"», raconte Simonnet, dans un rire. Le conseil sera paritaire ou ne sera pas créé, décide alors l’adjointe. Qui y parvient.

Viennent ensuite 2002, le thème de l’immigration qui prend une place «nauséabonde», une campagne de Lionel Jospin qu’elle «n’arrive pas à faire, dans son cadre imposé pas assez à gauche», la «grande rupture» de 2005 avec le traité européen «où on veut constitutionnaliser une politique libérale monétariste qui va encourager la marchandisation de l’ensemble des activités humaines», et, en 2008, la rupture avec le PS. Elle rejoint les troupes de Jean-Luc Mélenchon, dont elle a partagé au ministère de l’Enseignement professionnel, le ressentiment du «discours très hierarchique, très élitiste et très méprisant» du cabinet du ministre de l’Education nationale, Jack Lang. Et devient secrétaire nationale du Parti de gauche, en charge des migrations et des pratiques militantes.

«Ecosocialisme»

Pour Paris - «pour les Parisiens», préfère-t-elle - Simonnet veut une politique «d’écosocialisme», où l’exode social, les «guettos de riches et les grandes poches de précarité», seraient enrayés. Elle a apporté son soutien aux salariés de Virgin à Barbès et sur les Champs Elysées : «C’est aussi la spéculation immobilière qui fait perdre des emplois à Paris, et pousse les artisans et les petites PME à fermer boutique», s’agace-t-elle. Sur l’emploi, d’ailleurs, «il y a aujourd’hui une politique de novlangue néolibérale : start up, etc. On ne se pose pas la question de l’utilité sociale et écologique.» Elle voudrait y conditionner les aides publiques, favoriser les coopératives : «Il faut qu’on arrête de reléguer ça au petit pourcentage qu’on met dans le budget pour faire bien.»

Logiques coopératives, logiques de proximité aussi : «On a laissé se faire l’étalement urbain, avec des pôles d’excellence comme La Défense et des gens relegués en grande périphérie. Résultat, on essaye d’allonger les lignes de transport, mais le temps n’est pas réduit. Certaines lignes sont saturées, cela aggrave les tensions». Des chevaux de bataille, elle en a plein d’autres, comme la préservation la laïcité en refusant, notamment, le financement public des crèches confessionnelles, la gratuité des cantines scolaires, ou la gratuité des premiers mètre cubes d’eau.

«C’est une vraie militante, dans ce que ça signifie de bon. Elle a à la fois une énergie incroyable, et c’est une élue accessible, soucieuse de réalisation concrète (...) elle ne reste pas dans le monde éthéré des idées», dit encore d’elle Clémentine Autain. Pour son programme, Simonnet veut mettre en place des ateliers de cocréation - mais pas dans le genre «Oser Paris» d’Anne Hidalgo, initiative qu’elle juge «lisse» - afin de «redonner aux élections leur rôle de «moment d’éducation et d'implication populaire».»

Kim HULLOT-GUIOT