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25 octobre 2013

Fraude fiscale : les sénateurs veulent faire sauter le verrou de Bercy

Sur MEDIAPART

 

 

|  Par Martine Orange

La commission d’enquête sénatoriale sur la fraude fiscale a réalisé un deuxième rapport. Les banques ainsi que tous les intermédiaires sont particulièrement dans la ligne de mire. Les sénateurs souhaitent que la justice soit impliquée dans les dossiers de fraude, aux côtés de l’administration fiscale.

 

Ils ne lâcheront pas ! Un an après avoir remis un premier rapport sur l’évasion fiscale internationale, la commission d’enquête sénatoriale, animée par François Pillet (UMP) et Éric Bocquet (PC), vient d’achever le second tome de ses travaux. « Des progrès ont été réalisés dans la lutte contre l’évasion des capitaux. Mais les risques persistent. Nous sommes confrontés à de nouveaux défis face à la sophistication de la finance », a expliqué François Pillet.

Toute l’attention de la commission, cette fois-ci, s’est portée sur la finance. L’argent, ses acteurs et ses serviteurs, les mécanismes de fraude, ceux qui les imaginent et ceux qui tentent de combattre les évasions, ont été au cœur de leur étude. (Lire la présentation et leurs propositions dans l’onglet Prolonger.)

Sans surprise, les banques ont fait l’objet d’un examen soutenu. Car, même si elles s’en défendent, elles sont au centre de tout. Ce sont elles qui font vivre les centres offshore et les utilisent sans retenue. Ce sont elles qui permettent l’évasion fiscale, en facilitant le transfert d’argent en moins de deux minutes « de Suisse à Panama, en passant par Singapour, pour revenir en France avant d’atterrir à Chypre », comme l’a expliqué Maïté Grabet, directrice nationale des vérifications des situations fiscales.

Comme lors de la première commission, les banques françaises semblent s’être offusquées d’être mises ainsi à l’index. Entre temps, il y avait bien eu HSBC, UBS, l’affaire Cahuzac, Offshore Leaks. Mais il s’agissait de banques étrangères, font-elles valoir. Les banques françaises ne sont pas concernées…

« Les auditions de votre commission témoignent d’une sensibilité très inégale d’acteurs très importants de la finance française face à la réalité de l’offshore. (…) Lors des auditions de la commission d’enquête, cette résistance culturelle est apparue fréquemment. Aux yeux de certains, il n’est pas même question d’envisager que des centres offshore très développés puissent être critiqués. Leur importance financière suffit à leur conférer une légitimité sans faille », note le rapport. 

Il n’est pas possible de savoir ce que les banquiers ont dit aux membres de la commission d’enquête. Que ce soit Michel Pébereau, président d’honneur de BNP Paribas, François Pérol en tant que président de la BPCE ou Jean-Yves Hocher, directeur général délégué du Crédit agricole, tous ont demandé à être auditionnés à huis clos, sans retranscription de leurs propos.

Le rapport reprend parfois de façon indirecte et anonyme certaines de leurs interventions. À lire ce que la commission sénatoriale a retenu, il semble qu’ils aient énervé. Ainsi, l’un d’entre eux leur a justifié la présence de sa banque privée au Luxembourg « pas pour des raisons fiscales mais parce que la réglementation en matière de gestion d’actifs y est particulièrement souple ». « C’est la référence internationale pour les promoteurs de fonds – notamment les Américains, qui dominent le marché », leur a-t-il expliqué.

À défaut de parler ouvertement, ils ont laissé Christian Noyer, gouverneur de la Banque de France et président de l’Autorité de contrôle prudentiel (ACP) et Jean-Claude Trichet, ancien gouverneur de la Banque de France et ancien président de la Banque centrale européenne (BCE), s’exprimer au nom de toute la profession. Un consensus de place en quelque sorte.

Pour l’un comme pour l’autre, la crise ne vient pas des « trous noirs » que sont les paradis fiscaux, même s’il est légitime, précisa Christian Noyer, que « les États s’unissent pour éradiquer ces zones de sous-réglementation et de sous- fiscalité ». Quel contrôle exerce la Banque de France sur les filiales offshore des banques françaises ? « L’une des difficultés réside dans la comptabilisation précise des implantations offshore. Nous couvrons des pays économiquement  important pour l’Union européenne et ses exportateurs, tels que la Suisse, le Luxembourg ou l’Autriche. (…) La Suisse est ainsi un des plus grands pays d’exportation pour les industriels français. Il est donc normal que les banques accompagnent les entreprises françaises en Suisse. Il est vrai que ce pays peut servir de refuge fiscal à de grandes fortunes mais, dans ce cas, les résidents français ne font pas appel à des banques de leur propre pays », a soutenu le gouverneur de la Banque de France sans rire.

« Les pratiques des banques françaises sont tout aussi sidérantes », avait raconté, quelques jours auparavant, Pierre Condamin-Gerbier, un témoin clé de l’affaire Cahuzac, aux membres de la commission sénatoriale. « J’ai travaillé pour une famille britannique, les Hambros. Cette famille a vendu sa banque à la Société générale. J’ai vécu le changement de culture entre les deux. (…) La Société générale a présenté un cas d’école à ces conseillers et chacun est venu expliquer comment il aurait aidé le client, notamment à frauder », leur avait-il expliqué. Un témoignage qu’il avait déjà donné à Mediapart.

Pour les autres paradis fiscaux, les îles Vierges, Caïmans et autres, le gouverneur de la Banque de France a reconnu que la surveillance était un peu plus lâche : « Nous accordons assez peu d’importance aux pays des Antilles », a-t-il concédé. Dommage. Les banques françaises ont 18 filiales dans les seules Îles Caïmans, dont 12 pour BNP Paribas, recense le rapport. Les investissements transnationaux de la France vers ces mêmes îles ont représenté 35,5 milliards de dollars . Après le Luxembourg (144, 4 milliards de dollars),  c’est la deuxième destination offshore de la France, avant même la Suisse.

Interrogé sur le fait que BNP Paribas possède plus de 300 filiales dans des paradis fiscaux, Jean-Claude Trichet s’est efforcé de minimiser lui aussi la réalité. « Il faut savoir que beaucoup de pays souhaitent être maîtres chez eux, et ce, pas nécessairement dans le but de pratiquer des fraudes, une évasion fiscale ou des activités criminelles. Ces pays peuvent exiger alors des filiales afin que leur autorité prudentielle exerce le contrôle. » Sans contester ouvertement le bien fondé de la lutte contre l’évasion fiscale, Jean-Claude Trichet en nuance l’objet. Pour lui, l’existence de paradis fiscaux au sein même de la zone européenne et la concurrence fiscale entre les États et tous ceux qui profitent des trous pour échapper à l’impôt ne sont finalement que des contingences annexes par rapport aux vrais problèmes : les dépenses publiques. « J’insiste sur ce point : nous ne pouvons traiter l’harmonisation des recettes fiscales sans traiter l’harmonisation des dépenses », a-t-il expliqué avant de conclure : «  Je sais que ces propos sont impopulaires. »

 

 

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