Laurent Mauduit et le vaisseau fantôme hollandais.

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31 octobre 2013 |  Par Igor Benadev

Réponse à Laurent Mauduit concernant son article : "Le sursaut ou la catastrophe"

Laurent Mauduit et le vaisseau fantôme hollandais.

Avertissement : pour apprécier toute la profondeur abyssale de ce billet il est conseillé de se reporter à l'article de Wikipédia (signalé en lien) concernant le vaisseau fantôme.

L'article de Laurent Mauduit "le sursaut ou la catastrophe"

est intéressant à plusieurs titres.

D'abord dans son aspect descriptif : renoncements multiples du gouvernement H2 (Hollande –Hérault), application d'une politique économique et sociale droitière, silence dans les rangs du PS avec néanmoins certains remous de plus en plus turbulents chez quelques parlementaires socialistes.

Le vaisseau fantôme hollandais (volant)  du gouvernement H2 navigue à vue et sans grande visibilité. L'homme de barre, Bartelonne, doit faire face a des vents d'Élysée de directions fort variables. Alors, sur ce vaisseau maudit ?, Mauduit voit apparaître une figure de proue :Pouria Amirshahi. S'agit-il ici d'un dieu hindou ? Non point ! Simplement d'un parlementaire des Terres lointaines mais qui, néanmoins, pourrait être une réincarnation de Marcel Pivert ! Mais sa voix sera-t-elle suffisamment forte pour couvrir celle de l'homme de barre ? Sa voie suffisamment claire pour que les galériens du vaisseau fantôme hollandais puissent le suivre ?

Mais tout compte fait, cette description fabuleusement réaliste et fraîchement naïve n'est pas trop surprenante pour un esprit averti et pour qui cette capitulation n'a rien d'étrange.

(Je fais référence au livre de Laurent Mauiduit paru en 2013 : l'étrange capitulation)

Mais Mauduit est un esprit averti qui se laisse divertir par les artifices vaporeux de la média sphère.

L'imaginaire politique de Mauduit est aussi intéressant : que dit-il ?  "…des dirigeants de la gauche de la gauche, trop souvent claquemurés dans des postures de dénonciation ou d’invective, sinon même d’injure, la mollesse ou les compromissions des uns confortant trop souvent le sectarisme des autres…"

Et par ces propos on a compris : que voit-il à l'horizon ? Un vaisseau pirate !

À bâbord que reconnaît-t-il  ? Le grand timonier Mélenchon vociférant, invectivant, injuriant :  incarnation de Mao Zé Doung, Fidel Castro, Chavez tout à la fois, assisté du petit timonier Lapierre  résurrection de Deng Xiaoping et de Robespierre ! Tout lecteur qui a lu l'interprétation des rêves selon Freud aura compris qu'il s'agit ici d'un phénomène onirique de condensation qui s'est développé dans le bocal médiatique.

Le vaisseau s'approche dangereusement du Hollandais et les voix se deviennent clairement distinctes : on peut maintenant entendre : fourbe, salopards, traîtres, solférequins,… !Mais certains galériens, ceux qui rament à bâbord, entendent autre chose : « l 'humain à bâbord, l'humain à tribord, l'humain d'abord ! »

Las ! Mauduit n'entend pas ces appels, ne semble pas les comprendre.

Et en effet, si l'on cherche dans les premières et dans les cabines et même les soutes bloguées de l'hydro croiseur Mediapart sur lequel vogue notre valeureux journaliste, on ne trouve rien de consistant sur "l'humain d'abord", ni la moindre interview de quelque promoteur de ce programme prometteur.

(Boîte noire : Que le lecteur tape dans le moteur de recherche de Mediapart : « l'humain d'abord », il ne trouvera pas grand-chose rendant compte d'une manière ne serait-ce que abrégé, du programme du Front de Gauche. En revanche, il trouvera dans un blog : " l'humain d'abord, c'est du pipeau"
http://blogs.mediapart.fr/blog/alain-chauvet/250513/lhumain-dabord-cest-du-pipeau sans aucune critique vraiment argumentée. Seul l'article du blog de Samy Joshua http://blogs.mediapart.fr/blog/samy-johsua/030912/quelle-strategie-au-front-de-gauche-approches-comparees-de-deux-program donne quelques éléments précis mais néanmoins très fragmentaires.)

Le troisième intérêt de cet article, et de la vidéo qui l'accompagne, est de faire apparaître l'étroitesse du champ de vision de Mauduit et de  Pouria Amirshahi.  

En réalité, tous les reproches, toutes les mises en garde figurant dans l'article de Mauduit et dans la vidéo ont déjà été formulées  avec force par Jean-Luc Mélenchon et par d'autres représentants du Front de Gauche. En fait, le Marcel Pivert que Mauduit appelle de ses vœux est déjà apparu avec Jean-Luc Mélenchon.

Mais voilà : cela transparaît dans leurs propos, le Front de Gauche n'existe quasiment pas et encore moins le Parti de Gauche. Ils n'ont pas pris acte que le Parti de Gauche est le résultat d'une scission historique du Parti Socialiste. La création du PG n'a  pas été analysée véritablement comme une scission au sein de la mouvance socialiste de notre pays. On présente le PG comme un groupuscule constitué d'une poignée de gauchistes ou des grognards mécontents de l'orientation libérale de la direction du PS , sans remarquer que ce parti est porteur d'un programme politique précis qui s'est élargi en partenariat avec le PCF et 7 autres partis de ce que l'on a coutume d'appeler l'Autre gauche.

Quand je dis : « cela transparait dans leurs propos », j'observe que lorsqu'il s'agit de critiquer le PS (à juste titre d'ailleurs), l'expression utilisée est toujours : "la gauche" devrait faire ceci, "la gauche" n'a pas fait cela, etc. Or, "la gauche" ne se réduit pas au PS

Un autre exemple tout à fait significatif de cette manière de dire est le discours de Gérard Filoche "Pourquoi la gauche fait elle ça et pas une politique de gauche, favorable à ses électeurs ?"

Gérard Filoche, membre du secrétariat national du PS, affiche ici une attaque en règle contre la politique de Michel Sapin qui consiste en une "casse" totale de l'inspection du travail en France, attaque d'une tonalité au moins aussi violente que celle de Jean-Luc Mélenchon. Évidemment celui-ci parlerait plutôt des "fourberies de Sapin" !

Cependant ce qui est en cause dans les propos de Filoche, ce n'est pas le PS mais "la gauche" (je me place bien sûr ici au niveau lexical). Là encore il y a réduction de "la gauche" au PS plus exactement extension du PS à toute la gauche.

Ainsi, même parmi les éléments les plus progressistes des socialistes, on retrouve une pensée hégémonique. Des anthropologues pourraient dire : des attitudes claniques.

Il n'y aurait donc pas d'autre alternative critique au PS que la gauche du PS. Une sorte de système TINA (There Is No Alternative) social – démocratisé à destination de l'électorat de gauche.

La gauche c'est le PS rien que le PS, tout le PS et l'Autre gauche est soit ignorée, soit considérée comme vociférante, irréaliste pour les uns, extrémiste pour les autres. Que les analyses économiques du FdG s'appuient sur les travaux d'un très grand nombre d'économistes dont notamment ceux de Jacques Généreux, qu'importe !

Et on comprend pourquoi Jean-Luc Mélenchon ne peut être Marcel Pivert : il n'appartient pas au PS qui est le seul parti qui compte à gauche ! Au fait, le PG serait-il socialiste ? Non, il est plus que socialiste : il est écosocialiste !

Mauduit pense ou espère que Pouria Amirshah pourrait réorienter le cap du vaisseau fantôme hollandais et éviter ainsi une issue explosive  de la politique H2 (chacun sait que l'hydrogène est particulièrement explosif). Mais l'atmosphère se fait de plus en plus tendue et les nuages s'amoncellent

Les galériens perçoivent de plus en nettement les voix marines menaçantes portées par les courants de la mer brune : « vous serez bientôt éjectés de vos sièges et passés par-dessus bord ! ».

À leur gauche, ils entrevoient au loin, s'éloignant du vaisseau pirate, non pas une chaloupe, mais une arche à la dérive : la mer rit de Paris ! C'est l'arche Delanoé ! Au travers la brume, on arrive à  deviner la silhouette de Pierre Laurent, le dos courbé, comme emprisonné par les tentacules de l'hydre Algo.

À bâbord, Mauduit finit par entendre, ou croit-il entendre, une voix rauque portée par un front de gauche cyclonique :

«Venez avec nous, crétins ! ». Encore un hurlement du Grand timonier…

Alors, l'homme de proue est là pour les mettre les galériens en garde : « êtes-vous sûrs d'avoir un siège dans ce vaisseau pirate ? Utilisons plutôt le même courant qui le pousse ! »

Mauduit renchérit : "…Il a dit, clair et net, sur Mediapart, ce qui pourrait rassembler une bonne partie des électeurs du Parti socialiste mais aussi ceux du Front de gauche : il faut changer de cap !"

Malheureusement ni l'amiral  Amirshah, ni le Médiapartien (dans la droite lignée de l'Homo erectus) Mauduit n'ont compris que le vaisseau fantôme hollandais ne pouvait changer de cap malgré les sinuosités de sa trajectoire, puisque l'homme de barre est assisté par un pilotage automatique qui conduit le vaisseau tout droit vers le continent perdu de l'Atlantide. D'ailleurs, l'état-major H2, toujours dans la ligne du traité de l'Atlantide Nord, va bientôt suivre la feuille de route de l'accord transatlantide.

Dans ce monde virtuel où, sur les 5300 milliards de dollars échangés journellement sur les marchés des changes, seulement 9 % alimentent l'économie réelle (voir la revue Alternatives économiques octobre 2013, p. 20), il est clair que le vaisseau fantôme hollandais navigue hors flots et que ses occupants marchent hors-sol (ferreux) mais avancent en tibutant sur le sol ferinien de ce monde irréel auquel ils adhèrent.

Igor Benadev