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3 novembre 2013

Dénouons les négociations avec l’Iran ! (Collectif de sept anciens ambassadeurs d’Etats européens en Iran)

Sur le blog de SYLVIA CATTORI

 

Collectif de sept anciens ambassadeurs d’Etats européens en Iran

En tant qu’anciens ambassadeurs, nous avons représenté nos pays respectifs à Téhéran pendant plusieurs années. Nous avons suivi de près la gestion du dossier nucléaire et ses effets sur la politique iranienne, comme sur le quotidien de la population. L’élection d’Hassan Rouhani à la présidence de la République ouvre à nos yeux une nouvelle donne. La négociation entre Téhéran et les cinq membres permanents du Conseil de sécurité, plus l’Allemagne, qui était enlisée depuis plusieurs années, a été relancée à la mi-octobre à Genève. Il s’est agi là d’une prise de contact, où les Iraniens ont exposé leurs positions d’une façon nouvelle. Une seconde session s’y tiendra les mercredi 6 et jeudi 7 novembre : c’est là que la négociation va vraiment se nouer.
2 novembre 2013

Selon la tournure qu’elle va prendre, il est clair pour nous qu’elle orientera l’Iran soit vers une dégradation de sa situation et un raidissement de sa posture, soit vers une amélioration des conditions de vie des Iraniens, sur le plan économique, mais aussi en termes de libertés politiques et de droits de l’homme. Et au-delà de l’Iran, elle aura un effet déterminant sur la non-prolifération et la stabilité au Proche et Moyen-Orient, donc à terme sur le bien-être des gens de la région.

Mais à ce jour, force est d’admettre que l’imbroglio noué au fil des ans sur ce dossier nucléaire est devenu un obstacle majeur sur le chemin de toute évolution positive. L’on a donné naissance à une sorte de noeud gordien. Aux premières rencontres de Genève, chacun a témoigné de sa bonne volonté et de ses espoirs d’en sortir. Mais le plus dur reste à faire. Il est vrai que le passé a creusé entre les parties un large fossé de méfiance mutuelle. Nous croyons le moment venu pour elles d’admettre que la confiance est rarement au point de départ d’une négociation. Elle est plutôt le produit d’accords clairs, vérifiables, et fidèlement respectés. Si les deux parties parviennent à de bons accords, veillent scrupuleusement à leur application, et s’attellent dans le même esprit au règlement de leurs autres différends, la confiance pourra refleurir.

Un accord durable doit être pleinement accepté par ses signataires. Il prend donc forcément la forme d’un compromis. Mais sur le fond des choses, il doit aussi préserver l’essentiel. Pour la communauté internationale, représentée par les six nations négociatrices avec l’Iran, l’essentiel est qu’il dresse un barrage infranchissable à la prolifération de l’arme nucléaire. Sans une tranquillité complète sur ce point, il ne peut y avoir de bon accord. Pour l’Iran, l’essentiel est que lui soit reconnu le droit de mettre en oeuvre les principales technologies d’un programme nucléaire civil d’ampleur. Pour ce pays longtemps soumis à des appétits coloniaux, et qui refuse d’être enfermé dans la catégorie réductrice des producteurs de pétrole, ce droit vaut statut de nation à part entière, ayant pleinement accès aux attributs de la modernité.

Ainsi définis, les objectifs de l’une et l’autre parties sont difficilement contestables. La tâche des négociateurs est de trouver un accord sur de telles bases. Ils disposent pour cela des instruments juridiques et techniques offerts par le traité de non-prolifération nucléaire et par l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA). Ces deux dispositifs soutenus l’un par l’autre, constamment renforcés et perfectionnés au cours de leur demi-siècle environ d’existence, ont joué un rôle majeur pour la paix du monde. Ils offrent les clés nécessaires à la solution de la crise nucléaire iranienne. Pour être fidèles à ceux qui les ont créés et développés, pour renforcer leur légitimité, pour leur donner un nouvel avenir, les négociateurs ont le devoir de réussir.

Et il leur faut aller vite, pour au moins trois raisons. Il serait d’abord de bonne politique de ne pas inutilement prolonger les épreuves infligées au peuple iranien par les sanctions unilatérales, venues s’ajouter aux sanctions du Conseil de sécurité. Ce sont ces sanctions-là, portant sur le pétrole et les flux financiers, qui font mal. L’histoire enseigne qu’il est beaucoup plus facile de voter des sanctions que de les supprimer. L’on entend dire que les sanctions américaines et européennes ont conduit l’Iran au seuil de la négociation. L’on aimerait aussi entendre qu’on ne fera pas obstacle à son débouché en traînant à les assouplir, puis à les lever.

Il serait de même bienvenu de dissiper dès que possible par un bon accord les inquiétudes sincères, parfois brûlantes, éprouvées par des populations voisines devant le développement sans garde-fous du programme nucléaire iranien. L’on pense ici au peuple d’Israël, l’on pense aux peuples de la péninsule Arabique. S’ajoutant à l’accord sur le démantèlement de l’arsenal chimique syrien, un accord rapide et complet sur le dossier nucléaire iranien créerait un vrai soulagement dans la région et marquerait un changement d’époque.

Il serait enfin de bonne tactique de prendre de vitesse ceux qui, pour des motifs disparates mais convergents, ont commencé à se mobiliser pour faire échec à tout accord avec l’Iran. Toute crise, lorsqu’elle se prolonge, crée de nouveaux équilibres où beaucoup finissent par trouver leur confort. Ceux-là ont toutes les bonnes raisons de se coaliser pour résister à de nouveaux changements. L’on est dans cette situation-là aujourd’hui. Il faut trouver le courage de s’y arracher, comme on arrache l’emplâtre qui avait fini par empêcher l’assainissement d’une plaie.

Aux Européens qui portent ce dossier depuis plus de dix ans, aux Américains qui manifestent enfin l’intention de le prendre en main, aux Iraniens qui s’engagent à nouveau fortement dans la négociation, nous demandons d’abandonner une fois pour toutes les fausses habiletés et les postures qui ont tant retardé le règlement de cette crise. Le moment est arrivé d’en sortir, en négociant sincèrement, concrètement, avec la ferme volonté d’aboutir. Les peuples du Proche et du Moyen-Orient, et même au-delà, attendent cela de vous. Vous ne pouvez les décevoir.

Les signataires : Richard Dalton (Royaume-Uni), Christofer Gyllenstierna (Suède), Paul von Maltzahn (Allemagne), Guillaume Metten (Belgique), François Nicoullaud (France), Leopoldo Stampa (Espagne), Roberto Toscano (Italie)

Collectif de sept anciens ambassadeurs d’Etats européens en Iran

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