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11 novembre 2013

L'accord transatlantique est une attaque frontale en règle contre la démocratie

Sur DESOBEISSANCE CIVILE

lundi 11 novembre 2013

 

Coups de poignard dans le dos de la démocratie

 

L'accord transatlantique est une attaque frontale en règle contre la démocratie

Par George Monbiot
 
The Guardian, le 7 novembre 2013
article original : This transatlantic trade deal is a full-frontal assault on democracy

 

Bruxelles n'a rien dit à propos d'un traité qui permettra aux entreprises rapacesde subvertir nos lois, nos droits et notre souveraineté nationale
Vous souvenez-vous de ce référendum pour décider si nous devions créer un marché unique avec les Etats-Unis ? Vous savez, celui qui demandait si les grandes entreprises devaient obtenir le pouvoir de terrasser nos lois ! Personnellement, je ne m'en souviens pas. [.] Car il aurait dû y en avoir un, n'est-ce pas ?

[À ce jour, aucun pays de l'Union Européenne n'a prévu de consulter ses citoyens sur l'accord de libre échange transatlantique. En France, seul le Front de Gauche demande la tenue d'un référendum - NdT.][1]

Après tout ce tourment pour savoir si nous [les Britanniques] devions ou non rester dans l'Union Européenne, le gouvernement [britannique] ne cèderait pas notre souveraineté à quelque institution obscure et non démocratique sans nous consulter. Le ferait-il ?

[Les Français, eux, qui avaient voté massivement contre le Traité constitutionnel, se sont fait avoir par le précédent gouvernement sous mandat sarkosyste - avec l'évidente complicité des socialistes, en particulier hollandistes - et n'ont quasiment pas bronché. Mais où va la France ? - NdT]

L'objectif de l'accord de libre-échange transatlantique [le « Partenariat transatlantique sur le commerce et l'investissement »] est de supprimer les différences de régulation entre les Etats-Unis et les nations européennes. J'en avais déjà parlé, il y a quelques semaines, mais j'avais omis la question la plus importante : la remarquable capacité qu'il accorderait aux grandes entreprises de poursuivre en justice et sans ménagement les gouvernements qui essayent de protéger leurs citoyens. Il permettrait à un groupe d'experts secret constitué de juristes des grandes entreprises d'annuler la volonté des parlements et de détruire nos protections légales. Pourtant, les défenseurs de notre souveraineté restent étrangement muets.

Le mécanisme au moyen duquel ce sera réalisé est connu sous le nom de « règlement des différends entre les investisseurs et les Etats ». Il est déjà utilisé dans de nombreuses parties du monde pour tuer les réglementations qui protègent les gens et la planète vivante. Le gouvernement australien, après des débats très étendus à l'intérieur et à l'extérieur du parlement, a décidé que les cigarettes devraient être vendues dans des paquets anonymes, marqués seulement de mises en garde sanitaires effrayantes. Cette décision a été validée par la cour suprême d'Australie. Mais en se servant d'un accord commercial que l'Australie avait passé avec Hong Kong, la compagnie de tabac Philip Morris a demandé à un tribunal offshore de lui accorder une vaste somme d'argent en compensation de la perte de ce que cette société appelle « sa propriété intellectuelle ».

Durant sa crise financière, et en réponse à la colère du public sur les charges qui montaient en flèche, l'Argentine a imposé le gel des factures d'eau et d'électricité des Argentins (cela vous rappelle-t-il quelque chose ?). Ce pays a été poursuivi par les entreprises de services internationales dont les lourdes factures avaient poussé le gouvernement à agir. Pour ce crime et d'autres, l'Argentine a été forcée de verser plus d'un milliard de dollars d'indemnités. Au Salvador, des communautés locales sont parvenues, à un coup très élevé (trois militants ont été assassinés), à persuader le gouvernement de refuser l'exploitation d'une vaste mine d'or qui menaçait de contaminer leur eau. Une victoire pour la démocratie ? Visiblement pas pour très longtemps. L'entreprise canadienne qui cherchait à creuser cette mine poursuit à présent le Salvador et réclame la somme de 315 millions de dollars - pour la perte des profits futurs anticipés.

Au Canada, les tribunaux ont révoqué deux brevets possédés par la firme pharmaceutique américaine Eli Lilly, au motif que cette société n'avait pas apporté suffisamment de preuves que ses médicaments avaient eu les effets bénéfiques qu'elle revendiquait. Eli Lilly poursuit à présent le gouvernement canadien pour la somme de 500 millions de dollars, et exige que les lois canadiennes sur les brevets soient modifiées.

Ces entreprises (en compagnie de centaines d'autres) se servent des règlements sur les différends entre investisseurs et Etats, qui sont insérées dans les traités commerciaux signés par les pays qu'elles poursuivent. Ce sont des groupes d'experts qui ne sont pas dotés des garde-fous que l'on attend de nos propres tribunaux qui font appliquer ces règlements. Les audiences se tiennent à huis clos. Les juges sont des juristes de grandes entreprises, dont beaucoup travaillent pour des sociétés évoluant dans le même secteur d'activité que celles dont ils jugent les affaires. Les citoyens et les communautés affectés par leurs décisions n'ont aucune situation légale. Il n'y a pas de droit d'appel sur le fond de l'affaire. Pourtant, ces règlements peuvent renverser la souveraineté des parlements et les décisions des cours suprêmes.

Vous n'y croyez pas ? Voici ce qu'un des juges de ces tribunaux dit de son travail. « Lorsque je me réveille la nuit et que je pense à l'arbitrage, je ne cesse d'être étonné que les Etats souverains aient accepté en premier lieu l'arbitrage sur les investissements [.] Trois personnes individuelles sont investies du pouvoir de révision, sans aucune restriction ou procédure d'appel, de toutes les actions du gouvernement, de toutes les décisions des tribunaux, et de toutes les lois et régulations émanant du parlement. »

Il n'y a aucun droit correspondant pour les citoyens. Nous ne pouvons utiliser ces tribunaux pour exiger de meilleures protections contre la rapacité des entreprises. Voici ce que dit le Democracy Centre : c'est « un système judiciaire privatisé pour les grandes entreprises mondiales ».

Même si ces procès ne sont pas couronnés de succès, ils peuvent exercer un puissant effet de refroidissement sur les législations. Un responsable du gouvernement canadien, s'exprimant à propos des règles introduites par l'ALENA [Accord de Libre Echange Nord-Américain], fait la remarque suivante : « Au cours des cinq dernières années, j'ai vu arriver les lettres des firmes d'avocats de New York et de Washington, adressées au gouvernement canadien sur quasiment toutes les nouvelles régulations et propositions en matière d'environnement. Elles impliquent des produits chimiques pour le nettoyage à sec, des produits pharmaceutiques, des pesticides, la loi sur les brevets. Pratiquement toutes les nouvelles initiatives étaient visées et la plupart d'entre elles n'ont jamais vu le jour ». La démocratie, en tant que proposition constructive, est impossible dans ces circonstances.

C'est le système auquel nous serons soumis si le traité transatlantique progresse. Les Etats-Unis et la Commission Européenne, ces deux entités qui ont été prises en otage par les grandes entreprises qu'elles sont censées réguler, font pression pour que la résolution des différends entre les investisseurs et les Etats soit incluse dans cet accord.

La commission justifie cette politique en prétendant que les tribunaux nationaux n'offrent pas aux grandes entreprises une protection suffisante parce qu'ils « pourraient être partiaux ou manquer d'indépendance ». De quels tribunaux s'agit-il ? Des tribunaux américains ? De ceux des Etats membres de l'Union européenne ? Elle n'en parle pas. En fait, elle ne produit aucun exemple concret démontrant le besoin d'un nouveau système extrajudiciaire. C'est précisément parce que nos tribunaux sont généralement impartiaux ou qu'il sont plutôt indépendants que les grandes entreprises veulent les contourner. La Commission européenne cherche à remplacer les tribunaux souverains, ouverts et responsables, par un système corrompu et fermé, où règnent les conflits d'intérêt et les pouvoirs arbitraires.

Les règlements des différends investisseurs/Etats pourraient être utilisés pour détruire toute tentative de sauver les services nationaux de santé du contrôle des grandes entreprises, de réguler les banques, de contenir l'avidité des compagnies d'énergie, de re-nationaliser les chemins de fer, de laisser les combustibles fossiles dans le sol. Ces règles ferment la porte à toutes les alternatives démocratiques. Elles proscrivent les politiques de gauche.

C'est la raison pour laquelle il n'y a eu aucune tentative du gouvernement britannique [et des autres gouvernements européens] d'informer ses citoyens à propos de cette attaque monstrueuse contre la démocratie, et encore moins de nous consulter. [En Grande-Bretagne] c'est la raison pour laquelle les Conservateurs qui font toute une histoire sur la souveraineté sont muets. Réveillez-vous ! Le peuple être en train de se faire baiser.

Traduit de l'anglais par [JFG-QuestionsCritiques]

note:
______________

[1] Voici la position des principaux partis politiques en France à propos du Traité transatlantique :

Front National : résolument contre, n'appelle pas à un référendum, mais leurs députés européens ont voté POUR la consultation de la société civile.
Front de Gauche : résolument contre, appelle à un référendum, a voté au parlement européen POUR la consultation de la société civile.
Parti Socialiste : enfumage du gouvernement. et aucune position précise du PS, a voté au parlement européen POUR la consultation de la société civile.
UMP : généralement très favorable, à quelques rares exceptions (par ex. Jacques Myard), a voté au parlement européen CONTRE la consultation de la société civile.
UDI + MODEM : soutien inconditionnel, a voté au parlement européen CONTRE la consultation de la société civile, à l'exception notable de Jean-Luc Benhamias (qui s'est abstenu).
EELV : généralement contre, a voté au parlement européen POUR la consultation de la société civile.
Cap21 : contre, a voté au parlement européen POUR la consultation de la société civile.

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