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23 novembre 2013

"MÉLENCHON N'A PAS DE PROGRAMME ÉCONOMIQUE" : RÉPONSES À EMMANUEL TODD

 

Sur MEDIAPART

 

 

Il y a pour moi une énigme Emmanuel Todd. Très médiatique, c'est un intellectuel engagé n'hésitant  pas à sortir de la confortable "neutralité politique" du savant, ce qui est très précieux. Cependant, alors que ses positions hétérodoxes en économie aurait pu l'amener à soutenir (ou du moins à ne pas enfoncer) le Front de gauche, il n'a de cesse de ridiculiser cette formation politique. Sa dernière saillie dans Marianne dépasse les bornes.

 

 

 

 

Dans son livre "Après la démocratie" sorti juste après la présidentielle 2007, il effectue un démontage en règle du PS, surnommant les deux principaux protagonistes de "candidats du vide", démontrant l'incompétence des cadres de ce parti, leur effroi de la démocratie, en d'autres termes leur adhésion au néolibéralisme.

 

L'apparition du Parti de gauche en décembre 2008, qui faisait la même analyse en constatant l'impossibilité de modifier de l'intérieur l'orientation droitière de ce parti, puis celle du Front de gauche en 2009  aboutissant à la présence du candidat commun Jean-Luc Mélenchon à la présidentielle 2012, pouvait  laisser penser qu'Emmanuel Todd verrait cette rupture d'un bon œil.

 

En effet le Front de gauche balayant les thèses en faveur du libre-échange et revendiquant un protectionnisme européen (1), le soutien d'Emmanuel Todd dans cette aventure me semblait acquis. D'où mon étonnement lorsque je constatais durant la pré-campagne puis la campagne présidentielle que non seulement il ne soutenait pas le Front de gauche, mais qu'en plus il lui tapait dessus (2), pour soutenir le...Parti socialiste (3).

 

 

 

Je n'étais visiblement pas le seul à être étonné, puisque le site arrêt sur images organisa un débat entre les deux hommes pour tenter d'y voir plus clair peu de temps après, en avril 2011 (4). Malheureusement Emmanuel Todd utilisa des phrases toutes faites : "la planification écologique c'est l'île aux enfants", "Mélenchon ignore totalement l'industrie française", "Mélenchon se moquerait de la démocratie", "les sociétés coopératives ne marchent pas", sans aucune argumentation permettant de comprendre toutes ces réserves. L'émission me laissa un goût amer, dévoilant un Todd bien différent de l'intellectuel que je connaissais par ses livres, relativement méprisant et péremptoire. Il poursuivra sa "campagne" en prophétisant un "hollandisme révolutionnaire", après avoir soutenu Moutebourg pendant les primaires, diagnostiquant que Hollande serait le futur Roosevelt, sans autre argument que son autorité supposée (5).

 

 

 

*

 

 

 

Très récemment  Emmanuel Todd a été invité par Marianne pour débattre avec Frédéric Lordon (6). Ce dernier effectue un démontage implacable du Parti socialiste, ayant trouvé une dénomination que je trouve particulièrement pertinente pour le qualifier: la droite complexée (prolongements ici). Il appelle logiquement à modifier les catégories médiatiques actuelles de la frontière droite/gauche. Todd exprime immédiatement son accord, puis rajoute comme une évidence: "je ne perçois pas le Parti de gauche comme tellement plus à gauche que le PS. Mélenchon n'a pas de programme économique, il amuse les journalistes et ne convainc pas les électeurs."

 

Puis il poursuit "Il revient aux intellectuels de construire un projet politique [...]. Les intellectuels vont devoir parler au peuple directement."

 

Parmi les intellectuels admis, Todd en a cité quelques-uns au début de l'article: Gréau, Jorion, Giraud, Lordon, Sapir, Ramaux, et sous-entendu Todd lui-même.

 

Cette sentence qui, comme je l'ai montrée, n'est pas un coup de tête mais vient dans la continuité d'un discours depuis au moins deux ans, appelle deux réponses.

 

 

 

*

 

 

 

Premièrement, si nous pouvons parfaitement admettre qu'il soit en désaccord avec le programme économique du Front de gauche (FdG), même si cela reste incompréhensible pour moi au regard de ces propres prises de positions, dire que le FdG n'a pas de programme économique est non seulement faux, mais surtout parfaitement ridicule pour un intellectuel comme lui. Cela ne mène à rien de constructif, pire cela pourrait fausser le regard de citoyens qui ont confiance en lui et en son jugement. En tant qu'intellectuel médiatique ces positionnements sont écoutés, il a la responsabilité de ne pas dire n'importe quoi n'importe où, la notoriété a aussi son revers.

 

Notons d'abord que ne pas "avoir de programme économique" signifie accepter les structures économiques actuelles, donc de les laisser agir ce qui est bien en soit un programme économique: c'est le programme de la droite complexée et décomplexée.

 

Ensuite je pourrais facilement ressortir tous les textes du FdG et du Parti de gauche pour étayer mes dires, mais un autre argument me semble encore plus dévastateur: le site arrêt sur images a organisé un débat entre Mélenchon et Jacques Sapir sur l'euro le 5/7/2013 (7). C'est un débat de haut niveau économique qui dure 2h, il est passionnant. C'est à dire que l'un des économistes que Todd cite en exemple pour ses compétences afin de "parler au peuple", Jacques Sapir, n'a pas l'air du même avis. En effet il a débattu pendant 2h du programme économique de Mélenchon, supposé pourtant inexistant par Todd lui-même.

 

 

 

*

 

 

 

Laissons là cette saillie pour nous attaquer au deuxième point assez surprenant, et inquiétant pour un historien: cette volonté de parler directement au peuple pour résoudre la crise. En effet, toujours dans le débat avec Lordon, il explique que Mélenchon "amuse les journalistes et ne convainc pas les électeurs. La priorité pour la gauche française, c'est de construire un discours fort sur la nation, de réinventer une vision de gauche de la nation qui balaye la nation ratatinée du FN."

 

Encore une fois c'est très curieux puisque c'est l'un des thèmes de campagne du FdG en 2012!

Tout se passe comme si Todd évoquait des solutions pertinentes (protectionnisme européen, patriotisme, etc) et quand celles-ci sont proposées par une formation politique non seulement il ne la soutient pas, mais en plus il la dénigre.(... La suite sur Médiapart )

 

 

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