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1 décembre 2013

Appel à une révolution fiscale rouge et verte

Sur MARIANNE

 

Samedi 30 Novembre 2013 à 12:00  

 

Corinne Morel Darleux et Pierre Lucot*

Le gouvernement Ayrault joue avec un cocktail explosif, celui de la double politique de l'offre et de l'austérité : plus d'argent pour produire n'importe quoi n'importe comment et au mépris de l'environnement, moins d'argent pour la justice sociale et les services publics nécessaires à une société du bien vivre. Le tout sous prétexte de réduction des déficits publics et sous les injonctions de la Commission européenne.

 


Appel à une révolution fiscale rouge et verte

Le modèle de croissance économique par dégradation du gouvernement.


Le gouvernement Ayrault joue avec un cocktail explosif, celui de la double politique de l'offre et de l'austérité : plus d'argent pour produire n'importe quoi n'importe comment et au mépris de l'environnement, moins d'argent pour la justice sociale et les services publics nécessaires à une société du bien vivre. Le tout sous prétexte de réduction des déficits publics et sous les injonctions de la Commission européenne.


Pourtant à y regarder de plus près, l'austérité est à géométrie variable. Le gouvernement n'hésite pas à investir des millions dans une politique catastrophique pour l'environnement : le projet insensé d'aéroport à Notre Dame des Landes, c'est 150 millions pour l’État ; la douteuse ligne à grande vitesse Lyon-Turin, tout comme l'EPR de Flamanville : 8,5 milliards ; le site d'enfouissement de déchets nucléaires à Bure : 35 milliards ; et selon l'IRSN un accident nucléaire coûterait à la France de 760 à 5800 milliards d’euros, soit trois années de PIB ! Cette logique productiviste, dépassée et à contre-sens des enjeux, notamment climatiques, nous coûte bien cher aujourd’hui… et nous coûtera de plus en plus cher demain !


Côté social, ce n'est pas plus brillant. Après avoir refusé de sauver Florange comme il s'y était engagé et avoir fait passer en force l'Accord National Interprofessionnel (ANI), le résultat sur le front du chômage et des licenciements est désastreux : 43 981 entreprises ont été liquidées en un an, 62 431 sont en procédure de sauvegarde. Avec 17.000 emplois supprimés en France au troisième trimestre 2013, le taux de chômage, qui était de 9,8% en 2012, devrait passer selon l'OCDE à 10,6 % en 2013 et à 10,8% en 2014. 


Réhabiliter l'impôt citoyen 


Loin d'en tirer les enseignements en matière de budget, de réorientation des investissements publics ou de réduction du temps de travail, le gouvernement Ayrault s'enferre dans une logique mortifère. On savait déjà qu'il avait abandonné toute volonté de bifurcation écologique, voilà qu'il se prépare à réitérer sur la fiscalité en annonçant notamment une hausse de la TVA ou en faisant des déclarations d'intention qui ne suffiront sans doute pas à calmer le mouvement de colère provoqué par la bien mal nommée « écotaxe » et sur lequel surfent à plaisir la droite et le patronat.


Les citoyens ne comprennent plus à quoi sert l'impôt. Le « ras le bol fiscal » ne vient pas du fait que les français auraient abandonné l'idée de répartition solidaire « de chacun selon ses moyens, à chacun selon ses besoins », celle-ci reste une utopie vivace. Il vient du fait que l'impôt ne joue plus sa fonction de justice sociale. Entre les mains de Nicolas Sarkozy puis de François Hollande il est devenu un moyen de mieux financer le Medef et le Cac40. Comment s'y plier de bonne grâce quand cette hausse de la TVA, l'impôt le plus injuste qui soit, va aller directement financer le « crédit impôt compétitivité » de 20 milliards offert par le gouvernement au patronat, sans aucune contrepartie sociale ni environnementale ? Comment accepter de verser au pot commun, quand on voit chaque jour les services publics disparaître des zones rurales car sabrés par l'austérité? Comment donner une part de ses revenus sans sourciller lorsque s'étalent en Une des magazines les yachts et jets privés d'une oligarchie dorée principale arme du lobbying qui supervise les forces destructrices de la planète ?


Les richesses existent et les riches polluent.


En tête des entreprises les plus inégalitaires, on retrouve la publicité et le luxe : le PDG de Publicis a gagné 1091 années de Smic en 2012. Chez LVMH, ce sont 9,5 millions d’euros que Bernard Arnault a perçu en 2012. La publicité a pour seul objectif de créer des besoins artificiels pour permettre au marché d'écouler sa surproduction au-delà des besoins réels des citoyens. Elle agit comme une véritable matraque visuelle dans l'espace public pour jouer sur la pulsion d'achat, et comme un redoutable pousse-au-crime vers le crédit à la consommation et le surendettement. L'illusion du bonheur par la surconsommation matérielle et la promotion d’un idéal dans le luxe génère en outre une ponction sur les ressources naturelles et un dumping social délétères.


Ce modèle de vie porté par la publicité et véhiculé par le luxe, outre le fait de pousser chacun à désirer une abondance bien éloignée de la sobriété et du bien vivre, n’est pas sans incidence pour le monde: ce sont bien, comme l'écrit Hervé Kempf, les riches qui détruisent la planète ! D'après un rapport de l'Insee en 2010, les 20 % des ménages les plus aisés émettent 2,7 fois plus d'émissions de GES que les 20 % des ménages les plus démunis ! 


Des propositions concrètes pour une révolution fiscale


Pour réhabiliter l'impôt comme outil de solidarité et faire de la fiscalité un outil de justice sociale et de bifurcation écologique, il est urgent d'engager une véritable révolution fiscale sur la base de ces constats :

     − pour répondre aux inégalités, il convient d'augmenter le nombre de tranches d'impôt sur le revenu afin de le rendre plus progressif, avec une dernière tranche à 100% permettant d'instaurer un revenu maximum autorisé ;
    − pour stopper l'impunité des actionnaires et grands dirigeants, et œuvrer à la mise en place d’une autre forme d’organisation du travail, il est urgent de limiter les écarts de salaire au sein d'une même entreprise, de lutter contre la fraude fiscale et de taxer davantage le capital et les transactions financières ;    
    − pour dégager des recettes supplémentaires afin de financer les services publics essentiels au bien vivre et investir massivement dans la transition écologique, il est nécessaire d’augmenter la TVA sur les produits de grand luxe et sur la publicité, de supprimer les niches fiscales socialement inutiles et nuisibles d'un point de vue environnemental ;
    − enfin, pour sortir les besoins fondamentaux de la précarité et décourager le mésusage, il faut prioritairement mettre en place une véritable tarification progressive de l'eau et de l'énergie, et assurer la gratuité des premiers m² et kWh afin d'en garantir l'accès universel.
 

La fiscalité est au cœur de l'écologie politique. Redevenue outil de redistribution des richesses, elle permettrait de démontrer que les biens communs tout comme l'argent existent et qu'il n'est nul besoin d'attendre un hypothétique retour de la croissance pour que la sobriété partagée assure le bien être de tous. Car comme l'indiquent de nombreuses études, notamment celles de l'économiste Jany Catrice comparant les indicateurs de santé sociale et de PIB en France, la croissance n'est pas synonyme de bien être. Elle ne résout plus les inégalités au-delà d'un certain seuil du PIB, et prospère sur un extractivisme qui met en péril la biosphère. Il est temps de changer de modèle, une révolution fiscale en serait le premier pas décisif.


*Corinne MOREL DARLEUX, Secrétaire nationale à l'écosocialisme du Parti de Gauche (PG)
Pierre LUCOT, Conseiller Fédéral Europe-Écologie les Verts (EELV), mandataire de la motion Objectif Terre

 

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