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2 décembre 2013

HONGRIE - Interview de Gábor Vona, président du Jobbik hongrois

 Sur PRORUSSIA

 

 

Durée : 33min 20sec | Postée : Il y a 3 mois | Chaîne : Contre-enquête interdite


 
1. Vous êtes le président du Jobbik, la 3ème force politique en Hongrie. Pourriez-vous vous présenter en quelques mots ?
 
En tant que personne ?
 
Oui, et en tant que président du Jobbik.
 
J’ai 34 ans, je suis professeur d’histoire, père d’un enfant. Je suis le président d’un parti radical célèbre ou mal famé en Hongrie, qui se situe tantôt en deuxième ou en troisième position sur l’échiquier politique. Et peut-être, ce qui est le plus important concernant le parti, ce qui montre sa force et ses réserves pour l’avenir : le Jobbik est en 1ère place en Hongrie au sein de la jeunesse, ouvrière aussi bien qu’intellectuelle. Dans la jeune génération montante, nous ne sommes plus en deuxième, mais explicitement en première position. Cela me démontre que nous possédons et nous représentons quelque chose qui, à long terme, déterminera les événements et la vie publique de la Hongrie.
 
2. Il y a 10 ans, en 2003, le Jobbik a été créé. Qu’est-ce qui vous a poussé, vous personnellement et vos amis, pour créer un nouveau mouvement politique ?
 
En 2002 ont eu lieu des élections au cours desquelles sont revenus au pouvoir les partis de la gauche socialiste, qui n’auraient jamais dû avoir la possibilité d’exister en tant que partis politiques après le changement de régime. Et pourtant, ils sont revenus. Ce fut une sorte de choc pour nous. À cette époque, nous étions étudiants en fin d’études.
Moi et mes compagnons, qui avions créé cette organisation [le Jobbik a d’abord été fondé en 1999 comme mouvement étudiant], avons décidé d’essayer de transformer en parti politique nos réseaux qui fonctionnaient déjà comme une organisation et un mouvement de jeunesse, et de faire apparaître dans la vie publique hongroise une force politique, nouvelle et plus fraîche, issue de notre génération, libre de tous les crimes et saletés du régime précédent. Les premières étapes ont été très difficiles. Beaucoup de gens voyaient là une tentative sans lendemain parmi d’autres, mais nous croyions très fort être capables de créer un nouveau mouvement politique d’envergure.
 
Notre foi a été finalement couronnée de succès. Aux élections européennes de 2009 – alors que les sondages avaient donné 1 % pour notre parti – nous avons obtenu un résultat entre 14 et 15 % et avons fait entrer trois députés au Parlement Européen. L’année suivante, en 2010, en doublant le nombre de nos suffrages exprimés, avec 17 %, nous sommes entrés au Parlement, comme une force nouvelle et fraîche. Pendant ces trois années écoulées, non seulement nous avons stabilisé notre place dans la vie publique hongroise, mais je crois que nous avons également pu augmenter notre influence auprès des Hongrois, et que nous allons continuer de progresser. À mon avis, nos résultats seront encore meilleurs aux élections de 2014 qu'ils ne l'étaient à celles de 2010.
 
3. Cela fera bientôt un quart de siècle que le régime communiste s’est écroulé en Europe et en Hongrie. Quel est votre avis sur les 25 années écoulées, y compris sur le régime démocratique et sur l’entrée dans l’Union Européenne réalisée en 2004 en Hongrie ?
 
Je considère ces 23 années passées comme une sombre période. Le pays peut être nommé postsocialiste, non seulement dans des analyses de sciences politiques, mais aussi dans son fonctionnement, puisque le pays est dirigé par les mêmes hommes, qu’ils soient de droite ou de gauche. Ce sont les mêmes personnes qui étaient déjà les profiteurs de l’ancien régime. J’ai l’habitude de dire que si le changement de régime n’avait pas eu lieu en Hongrie, ce seraient les mêmes au gouvernement, qui y étaient déjà sous le régime communiste. Bien que la Hongrie soit transformée dans ses institutions, et soit devenue en apparence un pays démocratique, en réalité, ce pays est toujours dirigé par les mêmes personnes qu’avant, donc cette transformation n’a donné aucune garantie, aucun changement de régime. Tout cela est exaspérant, et a marqué de son empreinte les 23 dernières années.
 
Il faut parler aussi de notre entrée dans l’Union Européenne, car cette dernière a prêté son assistance au processus qui a permis, après la chute de la dictature, que le socialisme puisse capter l’héritage et conserver le pouvoir politique et économique en Hongrie. L’UE elle-même a fraternisé avec ces milieux, leur accordant légitimité et possibilité d’agir.
Toute cette entrée dans l’Union Européenne a mis en marche un processus dont nous payons aujourd’hui les pots cassés. En Hongrie, beaucoup de gens croyaient que l’Union Européenne allait réunir tous ses membres autour d’une grande table pour décider d’un commun accord : quel pays est bon en ceci ou en cela ? Que peut-on ajouter à la collaboration européenne ? En résumé, les gens pensaient que nous allions essayer de former une coopération profitable à tous.
Contrairement à cela, voilà ce qui se passe : les gros poissons avalent désormais les petits. Autrement dit : les Occidentaux avalent les Orientaux. Je vois ainsi, hélas, que l’Europe occidentale, et surtout le tandem germano-français, considèrent la Hongrie comme une sorte de base de recrutement de travailleurs à bas prix, un débouché facile pour leurs produits et leurs dépôts d’ordures.
 
Je pense que notre rattachement à l’Union Européenne est un échec. C’est un échec flagrant pour le pays et ne parlons pas de toute cette Union Européenne que je vois comme une communauté qui avance en chancelant vers sa chute. Voici comment je vois les choses : la Hongrie ne fera plus partie de l’Union Européenne, pour la simple raison que cette Union Européenne va sous peu cesser d’exister.
 
4. Il y a 3 ans, le Fidesz a repris le pouvoir qu’il avait déjà eu une fois depuis le changement de régime. Pendant ces trois années, le gouvernement Fidesz-Démocrate-chrétien fut la cible de nombreuses attaques venant de l’étranger, aussi bien de la part des médias que de certaines institutions européennes. Vous, en tant que dirigeant d’un parti d’opposition, comment voyez-vous l’activité du gouvernement Fidesz pendant ces trois dernières années ?
 
Selon moi, tout à fait indépendamment de leur propagande, le gouvernement du Fidesz n’a pas achevé ces 20 ans – comme il prétend avoir clôturé la période postsocialiste provisoire et avoir apporté une ère nouvelle – mais en réalité, ces trois ans sont le couronnement de ce même processus. Donc, dans un certain sens, Viktor Orbán est devenu le plus grand profiteur des mensonges de ces vingt dernières années. Moi, je pense que le présent gouvernement appartient encore au passé et nullement à l’avenir.
 
Concernant les disputes de ce gouvernement avec l’Union Européenne, je pense qu’il faut bien évaluer ce processus. Il ne s’agit pas d’une discorde entre l’Union Européenne et Viktor Orbán, mais d’une lutte entre le Fidesz – faisant partie du Parti Populaire Européen – et les socialistes et libéraux européens pour obtenir le pouvoir politique en Hongrie.
 
En effet, si nous examinons soit les vraies questions stratégiques, soit l’exploitation économique de la Hongrie, soit encore l’avenir lointain de l’Union Européenne, nous n’y voyons aucune différence ; Viktor Orbán veut se faire passer en Hongrie pour un combattant de la Liberté, mais en même temps, pendant les sessions de l’Union Européenne, il signe sans cesse les décisions, les documents, les décrets qui œuvrent tous vers la création des États-Unis d’Europe. Tout cela est inadmissible pour le Jobbik.
 
Notre raisonnement est fondé sur l’idée d’une Europe des Nations. Par exemple, lorsque je critique l’Union Européenne – je veux éviter tout malentendu – je ne critique pas l’Europe. Je crois que je suis cent fois plus européen que tous ceux qui parlent sans cesse de leur Europe. Moi, je voudrais une vraie Europe, qui reste fidèle à ses propres racines chrétiennes, antiques, grecques, romaines, une Europe qui se construit sur la base de ses valeurs, qui les protège et les défend contre toutes sortes d’ingérences. Mais je ne peux pas appuyer ni une Europe américanisée qui renie sa propre culture, qui prend faits et causes avec toutes les déviances, ni une Europe à l’âme malade et qui a une économie stagnante. Je pense qu’amarrer la Hongrie à ce bateau qui est en train de couler est un crime historique du présent gouvernement hongrois.
 
5. Est-ce que la Nation hongroise vivra encore à la fin de notre siècle ? Je pose cette question, car d’après des statistiques officielles, il y a plus de 300.000 Hongrois qui vivent et travaillent à l’étranger, tandis que les paramètres démographiques de la Hongrie sont de plus en plus négatifs. Aussi la question est : à la fin de ce siècle, existera-t-il encore une nation hongroise ?
 
En ce qui concerne les statistiques officielles, nous devons les corriger. À mon avis, ce chiffre est encore beaucoup plus grand. J’entends parler d’un demi-million.
Dans un pays de 10 millions d’habitants, à l’heure actuelle, il y a un demi-million d’hommes qui ont quitté le pays pour des raisons existentielles et sociales. Ce ne sont pas des jeunes qui veulent profiter de la possibilité de la libre circulation existant dans l’Union ou qui tentent leur chance, mais ils sont vraiment des émigrés économiques, sociaux.
Ils ne trouvent pas d’avenir dans leur patrie et ils s’enfuient vers l’Occident, essentiellement en Allemagne et en Angleterre, où on les attend d’ailleurs à bras ouverts, puisque ce sont des hommes blancs qui arrivent d’un environnement culturel chrétien, ils sont travailleurs et ne viennent pas pour perturber la vie de la population autochtone. Qui plus est, ils représentent un bon complément pour la démographie du pays accueillant. Ce qui est une perte pour nous peut devenir pour l’Europe occidentale à moyen terme un profit.
 
En fait, c’est le problème le plus grave, car si d’un pays de 10 millions d’habitants, un demi-million s’en va pour travailler, donc il ne part pas pour profiter des aides sociales, mais il veut travailler comme il le voudrait dans son propre pays. Dans un pays de 10 millions d’habitants, un demi-million, cela équivaut à la perte subie dans une guerre mondiale. C’est un processus tragique. Je pense que pour renverser la tendance, pour faire revenir ces jeunes, – dont la plupart sont des sympathisants de Jobbik, j’en suis convaincu – il faudrait des changements sérieux d’ordre politique, économique et social dans notre pays. Mais opérer dans ce pays de tels changements, ni le Fidesz, ni le MSZP (le parti socialiste), donc les précédents gouvernements, n’en sont capables.
 
6. L’année prochaine, il y aura en Hongrie des élections pour les Parlements européen et hongrois, ainsi que pour les autorités communales. D’après vous, le Fidesz pourra-il continuer à gouverner seul en 2014 ? Quels sont les objectifs pour votre parti aux élections de l’année prochaine ? Pensez-vous probable qu’à l’avenir, il y ait davantage de communes dirigée par le Jobbik, comme c’est le cas à Gyöngyöspata, Tiszavasvári et actuellement presque dans une douzaine d’autres ?
 
2014 est vraiment une année décisive, puisqu’il y aura trois élections : au Parlement, aux autorités locales en Hongrie, et au Parlement européen. Le Fidesz et le gouvernement actuel tentent tout pour que la compétition ne soit pas égale pour tous. Ils ont crée une nouvelle loi électorale, modifié les circonscriptions et les règles de campagne électorale qui renforcent toutes leurs possibilités. Mais malgré cela, en tant que président du deuxième ou troisième plus grand parti de la Hongrie, je ne peux fixer d’autre objectif que la victoire.
 
De toute évidence, je connais les réalités, je sais que selon les sondages d’opinion, c’est le Fidesz qui a la plus grande chance de vaincre, mais je n’aime pas être deuxième ou troisième. Je ne crois pas non plus que ceux qui ont confiance en nous voudraient se contenter de la troisième place. De toute façon, en 2014, c’est avec l’espoir d’une victoire que nous devons nous rendre sur le champ de bataille électorale. Ce qui est sûr, c’est qu’à à moyen ou long terme, le temps travaille pour nous. Comme je l’ai déjà dit, dans le milieu des jeunes notre popularité est grande, tandis que la base électorale de Fidesz et de MSZP vieillit de plus en plus et disparait en partie. Je pense qu’après un certain temps, tôt ou tard, la victoire du Jobbik arrivera. Pour moi, ce n’est qu’une question de temps, et je suis sûr de ceci : en 2014, quoi qu’il en soit, nous allons représenter une telle force que nous serons incontournables en Hongrie ! Donc, l’objectif minimal : représenter au Parlement hongrois, aux élections locales en Hongrie, mais je pourrais ajouter en Europe aussi, une force si importante qu’on ne pourra plus ne pas nous prendre en considération. C’est l’objectif minimal et je pense que nous l’atteindrons.
 
7. Pour beaucoup de gens, la politique étrangère du Jobbik peut être quelquefois surprenante. Bien que les expériences historiques du peuple hongrois avec les Russes soient passablement mauvaises, vous les citez bien souvent comme futurs partenaires stratégiques de la Hongrie. Vous avez effectué les années précédentes plusieurs voyages en Russie. Pourquoi tenez-vous pour si importante la relation avec la Russie, et comment les Russes considèrent-ils le Jobbik ?
 
C’est une question très difficile, car les relations russo-hongroises sont influencées, jusqu’à nos jours, par des sentiments affectifs. Je pourrais même citer l’exemple de ma propre famille, puisque mon grand-père, dont je porte le prénom, est mort, pendant la Deuxième Guerre mondiale, justement en luttant contre les Russes. Néanmoins, je pense qu’il faut bien apprendre l’enseignement de l’histoire. Si nous regardons bien, ce n’est pas un hasard si les Russes et les Hongrois ont tant lutté entre eux. Cela veut dire que dans beaucoup de domaines, leurs intérêts, leurs conceptions géostratégiques, leurs possibilités sont identiques aux nôtres. La question est de savoir, si à l’avenir ces domaines resteront toujours des sources de conflit, ou si nous pouvons trouver des solutions pour les résoudre, si des solutions « main dans la main » sont possibles.
De toute évidence, mon but est que cette dernière option se produise. C’est une des raisons pour laquelle j’ai accepté de diriger dans le Parlement hongrois la section amicale russo-hongroise. C’est un grand honneur pour moi que de pouvoir diriger dans le Parlement la section amicale d’un si important et puissant pays. C’est avec de grands espoirs que j’ai saisi l’occasion, et je pense que le Jobbik doit poursuivre une politique russe logique, qui doit avoir pour but de rompre avec une politique extérieure antirusse due à cette obligation « américano-conforme », pour enfin créer une relation de partenariat avec Moscou. Cette idée gagne de plus en plus de terrain dans la vie publique et le Jobbik joue le rôle de précurseur. Il y a énormément de jeunes Hongrois qui – sous l’effet des idées du Jobbik – ont repensé les relations russo-hongroises.
 
Je suis fier et heureux de constater – aussi bien dans la diplomatie russe chez nous que lors de mes rencontres avec les Russes chez eux – que la Russie suit avec attention le Jobbik et nous considère comme un parti légitimement élu. Ils ne nous diabolisent pas, comme la presse occidentale le fait malheureusement très souvent, mais plutôt essaient de nous comprendre, de nous considérer comme un partenaire, et regardent ce que notre parti représente dans les relations russo-hongroises. Du moment qu’ils nous regardent, ils doivent constater que nous comptons avec la Russie au niveau stratégique. Je pense que la Hongrie ne pourra pas être forte à l’avenir si elle n’est pas capable de créer une bonne et forte relation de partenariat avec la Russie, dont nous avons besoin.
 
8. Les partis et organisations de l’Europe occidentale partenaires du Jobbik ont l’habitude de mentionner un deuxième sujet surprenant dans la politique extérieure de Jobbik : l’attitude du parti envers la Turquie. Le Jobbik considère la Turquie comme une amie et essaie de créer une coopération avec les Turcs. Que peut-on savoir à ce sujet ?
 
On peut trouver beaucoup d’analogie dans nos relations avec la Turquie et la Russie et dans notre politique vis-à-vis d’elles. J’ai dit dans l’un de mes écrits que l’euro-atlantisme en Hongrie est terminé et qu’il doit être remplacé par une politique eurasienne, ce qui sera une rupture avec l’adéquation de notre stratégie avec la politique extérieure américaine. Si nous examinons l’eurasisme, il y a deux puissances qui le représentent le mieux : l’une est la Russie qui est en même temps asiatique et européenne, de même que la Turquie. Pour la Hongrie qui se trouve au centre de l’Europe, à mi-chemin entre l’Est et l’Ouest, il est d’une importance capitale qu’elle cultive de bonnes relations avec ces deux puissances. Cet intérêt est tellement évident dans notre politique extérieure que celui qui le méconnaît, ne connaît rien en politique. À ce titre, je considère la Turquie et la Russie comme des pays très importants. C’est vrai, il y a beaucoup de faits négatifs historiques qui alourdissent nos relations. Je me contente de répéter : il faut apprendre les enseignements de l’histoire.
Ce n’est pas non plus un hasard si nous avons eu beaucoup de conflits avec les Turcs. Pour les Turcs aussi, l’Europe et l’Europe Centrale sont importantes. Là aussi, il faut trouver la possibilité de coopérer, ce qui sera bon pour nos deux peuples. Ceci facilitera peut-être l’approfondissement des relations : il existe une relation affective ce qui continue à gagner du terrain dans la société hongroise, c’est l’idée du touranisme. Le renforcement, la renaissance de l’idée que l’origine des Turcs et des Hongrois est commune, peuvent faciliter évidemment l’établissement des relations politiques. Je constate que ces possibilités n’ont pas encore été reconnues, ni par le MSZP ni par le Fidesz. Donc, là aussi, comme dans la révision de nos relations avec les Russes, c’est le Jobbik qui doit et devra jouer le rôle de précurseur.
 
9. Dans votre stratégie de politique extérieure, vous avez mentionné « l’axe de la mer à la mer » ce qui annoncerait une alliance entre la Pologne, la Hongrie et la Croatie. Selon vous, quel serait le but exact de cette alliance entre ces pays d’Europe Centrale ?
 
Je considère qu’en Europe Centrale, deux pays existent pour la Hongrie avec lesquels nous n’avons aucun conflit et notre identité d’intérêts est totale. La Hongrie est capable de conclure avec eux une alliance sur le fond et même une alliance étroite. Dans un sens, cela pourrait être l’alternative de l’Union Européenne. Je la nomme « l’axe polono-hungaro-croate », ou bien « l’axe de la mer à la mer ». D’une part, tous les trois pays appartiennent historiquement à la civilisation catholique romaine, donc au christianisme occidental. Tous les trois pays ont un passé historique entre l’Est et l’Ouest, où il fallait survivre entre les moulins destructeurs de l’Est et de l’Ouest, ce qui n’a pas été simple, ni aux Croates, ni aux Hongrois, ni aux Polonais. Nous possédons une conscience de communauté historique identique, sans oublier qu’au cours de l’histoire, nos peuples formaient souvent une seule entité, s’appartenant souvent, soit par un roi commun, soit par une frontière d’État commune. Nous pourrions même penser à notre héritage socialiste, ce qui soulève beaucoup de problèmes communs. Si nous examinons la situation de ces trois pays, nous constatons que nos problèmes sont communs, notre position géostratégique est la même, notre image d’avenir peut être par conséquent également identique.
Un tel bloc de pays entre l’Est et l’Ouest s’étendant sur un axe Nord-Sud, ayant sortie sur mer, aussi bien au Nord qu’au Sud, se trouvant au point d’intersection de voies de communication économico-commerciales très importantes, peut devenir une force économique et politique capable, même vis-à-vis de l’Union Européenne, de faire valoir ses intérêts et peut-être même de créer les conditions économiques sociales et politiques pour notre survie entre l’Est et l’Ouest. Je considère donc que ceci est très important.
 
Je pense que dans la politique internationale, la Hongrie doit établir de bonnes relations avec l’Allemagne, la Turquie et la Russie : elle doit s’installer dans ce triangle. Ceci pour notre relation est-ouest. Par contre, si nous examinons nos relations sur l’axe vertical, alors c’est obligatoirement la coopération polono-hungaro-croate. Ceci est nouveau dans la politique extérieure régionale hongroise suivie jusqu’ici.
 
Je constate que la coopération avec les États tchèque et slovaque est très laborieuse et aléatoire, donc je ne la forcerai pas pour le moment. Je vois que la République tchèque et la Slovaquie sur leur passé historique, concernant notamment les décrets de Beneš, ont un très sérieux règlement de compte à faire avec la Hongrie. Par contre, avec les Polonais et les Croates, nous n’avons aucun conflit historique, nous pourrions donc calmement et amicalement faire coïncider nos intérêts.
 
10. Dans sa politique extérieure, le Jobbik regarde surtout vers l’Est. Quel est l’avis du Jobbik sur le monde occidental euro-atlantique, y compris l’Europe occidentale et les Etats-Unis ?
 
Mon avis concernant les États-Unis est très négatif. Quand je parle des États-Unis, je ne parle par des citoyens américains qui y vivent : je pense que la majorité des Américains est trompée, et, qu’à leur façon, ce sont d’honnêtes hommes. En parlant avec les Hongrois vivant là-bas, j’entends, je vois, j’observe que les Américains sont comme n’importe qui dans le monde : il y en a des bons et des mauvais. Nous ne jugeons donc pas l’homme américain.
 
Par contre, il faut voir que la direction politique des États-Unis – indépendamment qu’elle soit républicaine ou démocrate – s’érige en gendarme du monde et garde son pouvoir économique en manipulant le monde, de telle sorte que la Hongrie en souffre beaucoup, qu’elle en est lésée. Je pense que l’Amérique devrait renoncer à son rôle de puissance hégémonique et unipolaire, et devrait enfin accepter que le monde devienne multipolaire et que c’est très bien ainsi pour le reste du monde. Il n’est pas bon pour ce globe d’être dominé par un seul pays et j’ajouterai personnellement que cela est mauvais, surtout avec l’ordre de valeurs par lequel l’Amérique tente de faire fonctionner les autres pays.
 
En ce qui concerne l’Europe occidentale, je vois sa situation très difficile, ses problèmes causés par l’immigration, je vois aussi l’agonie économique de l’Union Européenne et je le dis franchement, mon cœur saigne. Pour moi, l’Europe occidentale, que ce soit la France, l’Allemagne, l’Angleterre ou ses autres pays, pour des raisons diverses, sont dans un coin de mon cœur. Comme professeur d’Histoire, je me sens absolument européen ; évidemment, je connais assez bien l’histoire de l’Europe et du fond de mon cœur, j’espère que dans les dizaines d’années qui viennent, s’élèvera dans toute l’Europe une génération qui sera capable d’éviter le précipice et fera tourner l’Europe vers la bonne direction dont elle a grand besoin. Comme j’en ai déjà parlé, retourner à nos racines, ce n’est pas une idée vieillotte ni archaïque, car il n’existe pas d’avenir qui ne soit pas construit sur ses propres racines.
J’ai confiance dans le fait qu’il y aura des mouvements, des partis, des organisations politiques avec qui nous pourrons construire une Europe commune, et à une telle coopération européenne le Jobbik participera avec plaisir.
Donc, si la coopération européenne a pour but de sauver l’Europe, sauver notre propre continent pour qu’il redevienne une Europe européenne, sauver la culture à laquelle nous appartenons, alors oui, nous serions prêts à verser notre sang, car c’est notre cause sacrée, puisque nous autres Hongrois, nous sommes Européens. Mais pour une Europe qui se vautre dans la fange, je le dis franchement, je ne verse pas de larmes. Je pense que cette Europe-là doit disparaître pour donner la place à une Europe meilleure et plus pure.
 
11. Vous avez évidemment entendu parler des événements récents en France, où la protestation contre le mariage des homosexuels a mis dans les rues des millions d’hommes, et on a vu en quelques endroits, de grandes brutalités policières. Malgré cela, l’Assemblée Nationale française a adopté cette loi. Quelle est votre opinion là-dessus ?
 
Tout cela a comme une odeur de fin de partie, de « game over », pour l’Europe occidentale. À vrai dire, le libéralisme qui ne peut plus rien représenter dans l’Histoire, puisqu’il n’y a plus rien à libérer en Europe, s’est fait le porte-parole de toutes sortes de déviances pour qu’il puisse justifier sa propre raison d’être. Ce qui fut ou put être une valeur dans le libéralisme, ce sont la liberté de presse, la liberté d’opinion et la liberté de réunion : le libéralisme a obtenu tous ces droits. Nous vivons tous sur la base de ces droits de liberté. Dans ce sens, le libéralisme est devenu sans objet, mais étant donné que le libéralisme est devenu pour beaucoup de personnes jusqu’à nos jours une source de subsistance et une possibilité de domination, il a trouvé toutes sortes de raisons et de motivations de se rendre indispensable, comme par exemple sur la question de l’homosexualité. Je pense que c’est l’acte final d’une Europe malade et décadente et je ferai tout pour qu’elle ne puisse pas s’infiltrer en Hongrie.
 
Depuis quelques années, il existe aussi en Hongrie de tels défilés (gay pride) et l’on parle même à ce sujet de projets pour les encadrer par voie légale. Ce qui est sûr : si le Jobbik arrive au pouvoir, il va non seulement barrer la route à ces élucubrations légales, mais il n’y aura plus jamais de « gay pride ». Je ne voudrais pas vivre dans un pays, et je n’aimerais pas non plus que mes enfants grandissent dans un pays, où le maladif est le sain, le sans-valeur est la valeur et la laideur est la beauté. Je voudrais que l’on retrouve les choses dans leur signification d’origine.
 
12. À long terme, le Jobbik pourrait-il gouverner le pays ? Serait-il capable de diriger le pays, est-ce que le Jobbik a les experts nécessaires ? Comment imaginez-vous la situation internationale au cas où le Jobbik arrive au pouvoir ?
 
De toute façon, je peux dire que le Jobbik est prêt à gouverner. C’est évident, nos adversaires politiques, le Fidesz et le MSZP, dans tous les domaines, ont pour objectif de nous en empêcher, et ils présentent le Jobbik comme incapable de gouverner. Nous avons déjà vécu cela : ils ont déjà dit la même chose pour notre entrée au Parlement. Ils ont dit ceci : « Ce parti ne pourra jamais entrer au Parlement ». Puis, nous y sommes entrés avec 17 % des voix. Maintenant, ils disent : « Ce parti est incapable de gouverner ». Mais cela nous y parviendrons aussi, car nous nous y sommes préparés, nous avons les spécialistes qualifiés et notre programme aussi, donc je n’ai pas peur. C’est vrai, nos experts ne sont pas visibles. Beaucoup de gens les réclament et demandent : « Pourquoi ne voit-on pas les conseillers du Jobbik ? » C’est clair : parce que ces hommes ont peur. Si aujourd’hui, par exemple, un professeur d’université se présente comme spécialiste compétent et déclare être d’accord avec le Jobbik, il est immédiatement viré de son lieu de travail. Mais laissez-moi vous dire qu’il y a beaucoup de spécialistes compétents qui attendent, même dans l’administration actuelle, comme « des membres dormants », que le Jobbik sauve ce pays et puisse le rendre aux Hongrois. Je n’ai donc pas peur de ne pas pouvoir gouverner.
 
Mais il existe une question autrement plus sérieuse et c’est un dilemme lourd : comment le Jobbik pourra-t-il faire face à la série d’attaques internationales qui se déclenchera contre la Hongrie qui suivra notre arrivée au pouvoir ? C’est pour cela que la politique extérieure est extrêmement importante. Il faut que la Hongrie dispose de plusieurs partenaires et alliés dans le monde qui oseraient intervenir dans une telle situation pour la liberté des Hongrois, ce qui sera en même temps une lutte pour la justice du monde entier.
 
Les forces contre lesquelles nous voulons défendre la Hongrie, l’Europe, et toute la région eurasienne, sont des forces ennemies contre tous les autres pays, des forces ennemies ayant une volonté colonisatrice. Si je peux le dire, le combat du Jobbik peut être aisément placé dans un système de coordination internationale et je suis très confiant sur notre capacité à trouver des partenaires, soit à l’Est, soit à l’Ouest, qui nous soutiendront, si la Hongrie est attaquée quand le Jobbik sera au gouvernement. Le moment viendra, quand enfin la Hongrie et d’autres pays de l’Europe pourront transformer l’ordre mondial actuel dominé par l’Amérique qui est un ordre erroné, en un autre ordre beaucoup plus juste, qui puisse donner plus de paix, de bien-être, de développement économique à notre monde.
 
De toute évidence, je ne suis pas d’un naturel rêveur. Je ne crois pas qu’un jour un ordre mondial pourrait se construire qui serait bon pour tous les habitants du mondes sans avoir d’aspect négatif. Par contre, je crois qu’on peut créer un bien meilleur ordre que l’actuel, non seulement pour la Hongrie, mais pour le monde entier. Nous, ici, dans notre pays, nous luttons pour cela et croyons que d’autres voudront également lutter dans le même but.
 

Interview réalisée en juillet 2013 par Philippe Derricks pour ProRussia.tv 
Traduit par Lajos Marton

 

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