Un collectif d’avocats a annoncé jeudi avoir porté plainte contre le ministre des Affaires étrangères Laurent Fabius devant la Cour de justice de la République (CJR) pour «complicité» de crimes commis par la rébellion syrienne. L’entourage du ministre a indiqué ne pas être au courant de cette plainte.

Ces plaintes ont été déposées au nom de trois Syriens qui dénoncent des crimes commis à Damas et Lattaquié, a précisé à l’AFP Damien Viguier, un des membres de ce collectif qui comprend des avocats de différentes nationalités (mais pas syrienne).

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L’un des plaignants explique ainsi que le village près de Lattaquié dans lequel il s’était réfugié avec sa famille pour fuir des attentats ayant visé son quartier à Damas a été envahi «le 4 août 2013 à 4h30 du matin (par) des bandes djihadistes salafistes armées jusqu’aux dents». Pendant cette attaque «étaient mutilés et tués de la manière la plus ignoble» notamment son père et trois de ses frères, tandis que son épouse et ses quatre enfants «étaient kidnappés» et qu’il reste sans nouvelles depuis.

Une autre plaignante indique qu’après avoir participé à des manifestations pro-régime, elle a commencé à recevoir des menaces, par internet ou graffitées sur le mur de sa maison de Damas, et que sa famille a été plusieurs fois la cible d’attaques, dont une en juin 2012 dans laquelle deux de ses fils ont été tués.

Le dernier plaignant dénonce le «massacre» le 10 septembre dernier de sa mère, son frère et sa belle-soeur dans l’attaque de leur village par les «hordes de Jabat al-Nosra», groupe jihadiste affilié à al-Qaïda.

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Selon Me Viguier, l’accusation de complicité vise «l’instigation, la provocation» à commettre ces crimes (notamment assassinat et enlèvement dans les cas visés) que constituent selon lui une série de déclarations du chef de la diplomatie française. Ces dernières, prononcées par un ministre en exercice, aboutissent selon l’avocat à «encourager les exactions en les légitimant».

Les plaintes visent notamment une déclaration du 17 août 2012 de Laurent Fabius, après la visite d’un camp de réfugiés syriens en Turquie : «Après avoir entendu les témoignages bouleversants des personnes ici (...) quand on entend ça et je suis conscient de la force de ce que je suis en train de dire : M. Bachar al-Assad ne mériterait pas d’être sur la Terre».

Sont également visés l’appel le 14 mars «aux Européens, maintenant, de lever l’embargo (sur les armes ndlr) pour que les résistants aient la possibilité de se défendre», et celui du 22 août, après les premières informations faisant état de l’utilisation d’armes chimiques par le régime près de Damas, quand Laurent Fabius avait plaidé pour «une réaction de force».

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Le collectif d’avocats a rencontré les plaignants à l’occasion d’un voyage en Syrie en octobre «à l’invitation du bâtonnier du barreau de Damas», qui les leur a présentés, a indiqué Me Viguier.

La CJR a confirmé le dépôt de ces plaintes, dont la recevabilité devra maintenant être étudiée par sa commission des requêtes, composée de magistrats de la Cour de cassation de la Cour de comptes et du Conseil d’Etat, premier filtre avant un éventuel examen par la commission d’instruction.

AFP