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19 janvier 2014

Jean-Claude Killy : « Avec Poutine, on est devenu copains »

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Jean-Claude Killy : « Avec Poutine, on est devenu copains »

LE MONDE SPORT ET FORME | 16.01.2014 à 16h43 • Mis à jour le 18.01.2014 à 16h44 | Propos recueillis par

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Jean-Claude Killy dans son bureau à Genève le 14 janvier.

Entre deux voyages à Sotchi, où il a effectué une quarantaine de séjours en sept années de travail, Jean-Claude Killy, 70 ans, triple champion olympique en 1968 et président de la commission de coordination des Jeux olympiques, a pris le temps de répondre aux questions du Monde dans son bureau de Genève.

Les Jeux de Sotchi s’ouvrent le 7 février. Les organisateurs russes sont-ils prêts ?

Oui, ils sont prêts. Soixante-douze épreuves tests de Coupe du monde ou d’Europe se sont tenues ces deux dernières années dans les sept sports d’hiver phares à Sotchi, ainsi que les championnats du monde de hockey sur glace des moins de 20 ans. Nous sommes sereins. Et la formation des volontaires a été assurée par 28 grands centres universitaires russes.

Estimés à 36 milliards d’euros au lieu des 12 milliards initiaux, ces Jeux ont coûté beaucoup plus cher que prévu…

Les chiffres sont assez clairs. Ce qui était nécessaire pour les Jeux de Sotchi côté opérationnel, c’est 2 milliards de dollars [1,5 milliard d’euros], l’équivalent de ce qui a été investi pour les Jeux de Vancouver. Plus 7 milliards de dollars, dont la moitié vient des oligarques. Le reste est ce que Moscou avait décidé d’investir, estimant qu’il fallait dans cette plaine marécageuse le tout-à-l’égout, la création de trois centrales thermiques pour l’électricité, la réfection de 125 km de voies ferrées, etc. Cela semble des dépenses énormes, mais elles seront utiles durant cent ans car ce pays gigantesque va se développer sur le plan touristique. La station de Rosa Khutor dispose de 10 000 lits ; il faudra des décennies à Val-d’Isère pour en avoir autant.

N’est-il pas paradoxal d’organiser des Jeux d’hiver dans une région au climat subtropical ?

Il y a indéniablement un contraste entre les 9 000 palmiers qui ornent le parc olympique à Sotchi autour des patinoires et l’idée de Jeux d’hiver, mais Sotchi est comparable à Nice. On s’y baigne en octobre et, 40 kilomètres plus loin, on atteint Rosa Khutor en train ou en voiture. Les Russes y ont prévu de vastes réserves de neige dont on n’aura sûrement pas besoin vues les abondantes chutes cette année, y compris ces derniers jours.

On a beaucoup critiqué les organisateurs de ces Jeux sur les questions d’environnement.

Il n’existait pas au départ de législation sur l’écologie. Elle a été votée par la Douma grâce aux JO. Elle était indispensable par rapport notamment à la construction de routes de montagne, au percement de tunnels. Tout n’a pas été parfait, loin s’en faut, mais nous avons eu des échanges avec Greenpeace for Russia et WWF, qui gère notamment la réintégration locale du léopard des neiges. Il y a eu des transactions, un échange de 25 000 hectares contre 1 hectare dans les environs de Sotchi qui a satisfait tout le monde. On a conclu des marchés comme on l’avait fait pour les Mondiaux de ski à Val-d’Isère. Il y a eu des discussions tripartites entre ces organisations et le ministre des ressources naturelles et de l’écologie. Nous avons effectué pas mal de changements. Par exemple, la piste de bobsleigh et le village olympique d’altitude ont été redescendus de 8 à 10 km dans la vallée pour éviter une proximité avec un site protégé par l’Unesco, un paradis terrestre où les ours en quête de truites croisent les loups.

Comment avez-vous travaillé avec les Russes ?

L’essentiel, dans notre démarche olympique, était de relier le passé au présent, de tenter de les comprendre sans leur donner de leçons. L’enjeu était de taille. Il n’y avait pas d’infrastructure, ni de base ni sportive, pas d’histoire ni de culture des sports olympiques d’hiver, hormis le hockey sur glace, sport national. Cela a été un véritable partenariat d’égal à égal. Nos interlocuteurs ne sont pas des rustres mais des personnels remarquablement formés dans des écoles de commerce, militaires, au KGB ou aux affaires étrangères. Beaucoup sont passés par les universités anglo-saxonnes. Il ne s’agissait pas de les juger mais de comprendre, d’être efficaces et d’aller vite. Ainsi, nous avons joui d’un respect total. Il faut se souvenir qu’ils ne sont vraiment sortis de l’isolement qu’il y a quinze-vingt ans et qu’ils conservent une approche précautionneuse de l’extérieur.

Quels ont été vos rapports avec M. Poutine ?

On est devenus copains. On discute de tous les sujets, même si je ne peux en dire plus. Sa réputation internationale ne reflète pas ce que je vis quand je travaille avec lui. Je suis indépendant, je ne lui vends rien, je m’assure simplement que les JO seront réussis.

Votre « copain » n’est pas un champion des droits de l’homme…

Il ne le prétend d’ailleurs pas, mais il dit avec le sourire que la démocratie progresse à grands pas dans son pays. Et la charte olympique y a contribué. Pour preuve, les 40 000 invités accrédités pour les Jeux entreront en Russie sans visa. Il en sera de même pour le premier Grand Prix de F1, dont le circuit est construit autour des patinoires olympiques et qui aura lieu à l’automne 2014.

La libération de l’oligarque opposant Mikhaïl Khodorkovski et des deux Pussy Riot est arrivée in extremis…

C’est un gage de bonne volonté et d’ouverture parfaitement adéquat. L’importance actuelle de la religion en Russie explique en partie la dureté avec lesquelles les Pussy Riot ont été traitées.

La loi russe sur l’homosexualité a provoqué un tollé. Quelle est la position du Comité international olympique (CIO) sur ce sujet ?

Pour nous, cette question ne se posait même pas car la charte olympique est guidée par l’universalisme donc par la non-discrimination. C’est notre évangile. Cette loi dont nous ignorions jusqu’à la discussion est sortie comme un lapin du fourré, mais nous en avons étudié les termes et nous nous sommes aperçus que 72 pays membres du CIO en avaient une similaire, qui va parfois jusqu’à la peine de mort, et que nous avons des relations très chaleureuses avec certains de ces pays. Mais l’ingérence du CIO est limitée à l’exigence du respect de sa charte.

Il y a aussi les accusations de corruption…

Nous ne connaissons pas les détails de l’attribution des travaux par l’Etat russe car le choix des entreprises ne nous incombe pas. Sur les 7 milliards dépensés pour les infrastructures sportives, la moitié provient de la bourse des oligarques, à la demande pressante du Kremlin, donc il n’y a pas eu d’appel d’offres. Quant à la deuxième moitié, nous ignorons s’il y a eu appel d’offres ou non. Où qu’ils aient lieu, le véritable problème des JO a toujours été les délais de livraison : le pays organisateur a toujours tendance à choisir les meilleurs pour sauver sa peau.

Et l’exploitation des ouvriers sur les chantiers ?

Nous avons été au courant assez tard. Nous pensions que 70 000 personnes y travaillaient, or c’était plutôt 90 000 à 100 000. Il y a eu des excès. Certaines entreprises se sont mal tenues. D’autres ont fait faillite, laissant des gens sans ressources. On estime que 250 à 350 personnes ont été victimes de ces situations. J’espère que ça a été réglé, je le pense. Nous avons passé beaucoup de temps sur les chantiers des principaux blocs à livrer et avons fini par en connaître tous les chefs. Nous avons entendu des histoires de défauts de paiement, mais pas d’accidents ni d’horaires abusifs.

Même si ce n’est pas de notre responsabilité, nous avons des leviers. Le CIO intervient immédiatement auprès de l’Etat en cas de constat d’abus, car le fait que tout se passe bien fait partie de la beauté olympique. Mais avec trois ans de planification et trois ans de construction, on est forcément toujours sur le fil du rasoir.

N’êtes-vous pas inquiet par rapport à la sécurité de l’événement et aux menaces terroristes ?

Le CIO est tenu au courant des dispositifs de sécurité prévus, qui sont très raides, mais l’organisation des Jeux d’hiver de Salt Lake City aux Etats-Unis quelques mois avant le 11 septembre 2001 n’était pas rien non plus sur ce plan. Ce sera drastique mais pas tellement plus qu’ailleurs. Le Caucase n’est pas une région connue pour sa stabilité. Nous avons rencontré les responsables de la sécurité, qui nous ont dressé un décor de confiance et de rigueur, mais nous ignorons les dispositifs dans leurs détails car nous ne sommes pas chargés de la sécurité.

Barack Obama et François Hollande ont fait savoir qu’ils n’iraient pas aux Jeux…

Je le regrette, car cet événement est l’occasion d’un dialogue dans une atmosphère décontractée comme les chefs de l’Etat en ont peu. C’est l’endroit idéal pour discuter les affaires humaines, sociales ou économiques. Je déplore le double langage qui consiste à vendre des trains, des avions de chasse ou des bateaux de guerre à certains pays pour snober ensuite la cérémonie d’ouverture d’un événement sportif d’envergure mondiale qui y a lieu. Il faut être pragmatique si l’on veut exporter, garder nos usines ouvertes… Le président Sarkozy avait hésité à se rendre à l’ouverture des JO de Pékin, je lui avais expliqué que les Chinois mettraient cinquante ans à oublier qu’il n’était pas venu, alors que sa visite permettrait de faire avancer les droits de l’homme sur place. J’ai conseillé au président Hollande de venir à la cérémonie des Jeux paralympiques de Sotchi [en mars] ; il n’y a pas de raisonnement sophistiqué derrière cela, juste un message d’ouverture.

Lire le communiqué L'inter-LGBT réclame la suspension de Jean-Claude Killy

Lire la réaction de Jean-Marie Fardeau, directeur France de Human Rights Watch

Patricia Jolly
Journ

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