Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Vu au MACROSCOPE
Visiteurs
Depuis la création 1 378 952
Newsletter
20 janvier 2014

Les enseignements de "l’affaire Dieudonné", par Vincent Gouysse (Organisation des Communistes de France)

Sur le blog de Nicolas BOURGOIN

Les enseignements de "l’affaire Dieudonné", par Vincent Gouysse (Organisation des Communistes de France)

Nous publions ci-dessous l’analyse faite par un camarade marxiste-léniniste de "l’affaire Dieudonné". Elle sort des sentiers battus et met en lumière les enjeux de classe de la cabale menée par l’oligarchie et ses valets politico-médiatiques à l’encontre de l’humoriste. Dieudonné représente une menace sérieuse pour le pouvoir bourgeois si l’on en croit la débauche de moyens de toute nature – notamment judiciaires et policiers – mis en oeuvre pour le faire taire. Cette analyse fait suite à celles déjà publiées sur ce blog, auxquelles le lecteur pourra utilement se référer. 

977335_10151504845219006_1521692268_o

Après une quinzaine d’années passées loin de la scène médiatique d’où il a été brutalement excommunié après avoir commencé à dénoncer le passé colonial de l’Occident ainsi que l’influence du sionisme dans le monde politique et des affaires, l’humoriste Dieudonné M’bala M’bala est aujourd’hui de nouveau projeté sur le devant de la scène politico-médiatique.

Il faut dire qu’en dépit du long et assourdissant silence des médias officiels à son sujet, l’humoriste engagé s’est en effet lentement mais sûrement reconstitué un public fidèle, malgré l’image-épouvantail "d’antisémite" que lui a forgé la presse bourgeoise.

Au cours de ces années, le discours de l’artiste s’est radicalisé et il a à plusieurs reprises pris le contre-pieds des intérêts fondamentaux des USA, de la France, de l’Angleterre, etc., en dénonçant par exemple les crimes commis quotidiennement dans la plus totale impunité par l’Etat israélien à l’égard d’un peuple palestinien martyr, mais aussi en exprimant son soutien aux ennemis déclarés des puissances impérialistes en déclin, à l’instar de l’Iran d’Ahmadinejad entre autre.1

Parallèlement, l’humoriste a poursuivi ses spectacles, et en dépit du dénigrement systématique dont il a fait l’objet, a vu ses salles continuer à se remplir. Aujourd’hui, chaque vidéo postée par Dieudonné sur sa chaîne Youtube est visionnée au bas mot un million de fois, chose de plus en plus inadmissible pour l’ordre bourgeois.

En effet, Dieudonné véhicule la plus totale insoumission vis-à-vis des médias officiels et des politiciens au pouvoir. Ainsi, il contribue à faire naître la défiance des larges masses exploitées à leur égard. A une époque où le fossé ne cesse de s’approfondir entre les élus de la "démocratie représentative" et le peuple qu’ils sont censés représenter, le discours de Dieudonné contribue à semer les graines de la fronde sociale.

La cible de Dieudonné ne se cantonne en effet pas à la dénonciation de la politique agressive des puissances impérialistes dominantes, mais prend de plus en plus la forme d’une ébauche de critique radicale du système. Nous en citerons un exemple concret dans sa vidéo intitulée Dieudonné répond à François Hollande datée du 21 décembre 2013 et vue pas moins de deux millions de fois en une quinzaine de jours.

Dans cette vidéo, l’humoriste donne tout de suite le ton en rappelant l’exercice d’allégeance et d’humiliation concédée par "notre" président au lobby sioniste à l’occasion de son discours au diner annuel du CRIJF (Conseil représentatif des institutions juives de France) du 16 décembre dernier.

« C’est toujours un grand moment, déclarait François Hollande, où l’opposition rêve d’être à la table centrale et où la majorité sait que c’est forcément pour un temps précaire, alors que vous vous êtes permanents dans l’institution ».

Pour achever "notre" président, l’humoriste entonne ensuite une petite chanson de sa composition sur l’air d’un chant de la résistance :

« François,
la sens-tu,
qui se glisse
dans ton cul ,…
la quenelle !? »

Et d’ajouter pour enfoncer le clou :

« Alors apparemment, il la sent, il la sent François. Là je crois que si tu la sens pas, c’est que tu as perdu tout sens commun. Il faut que tu te fasses opérer ».

Mais surtout, un peu plus loin, ce sont les fondements même du capitalisme, à savoir l’esclavage salarié, que dénonce Dieudonné.

« Alors évidemment, le maître esclavagiste, le maître banquier, c’est lui qui dirige tout dans nos vies (…) C’est lui qui te réveille le matin avec le réveil : "Allez, faut aller bosser !" "Non, je veux pas." "Oui mais t’es obligé, faut rembourser le crédit, connard !" (…) Alors t’arrives au boulot : "Allez, bosse, bosse, bosse ! (…) T’as fini, t’es fatigué, allez rentre chez toi, allez, vas-y, allumes ta TV, baise ta femme, mange, consomme." Et si tu ne veux pas, tu es un mauvais esclave. Et le maître esclavagiste, il est même capable de dire (…) que t’es un raciste. (…) Un mauvais esclave devient très vite un raciste, c’est ça que j’ai remarqué… »2

Dans sa dernière vidéo datée du 31 décembre, elle aussi déjà visionnée plus de deux millions de fois, l’humoriste n’a pas manqué de récidiver, après avoir naturellement dénoncé les appels ─ très largement relayés ─, du sioniste notoire Arno Klarsfeld, à manifester contre la tenue de ses spectacles afin de susciter des "troubles à l’ordre public" qui serviront… de prétexte aux préfets à l’interdiction "légale" de ses spectacles !3 Maniant avec dextérité l’arme acérée de la dérision dans une ambiance "zen" dédiée à "l’apaisement" ─ une atmosphère pour le moins loufoque au vu des circonstances et du costume singulier endossé par l’humoriste ─, Dieudonné conseilla à celui qui a servi dans les rangs de Tsahal de ne pas céder « à la haine et à la violence » et de cesser de vouloir « jouer les gros bras » et faire le « casseur ».

« On n’est pas en Israël, t’es plus en train de faire ton service militaire. Là t’es revenu en France, là faut quand même que tu te conformes à certaines règles : on ne peut pas demander aux gens d’aller se bastonner. A jouer au con, à menacer tout le monde, à provoquer tout le monde, tu vas finir par te faire défoncer ta p’tite gueule de p’tite chatte d’appartement ».

Un peu plus loin, après avoir dénoncé la manipulation médiatique de ses propos à l’égard de Patrick Cohen, l’humoriste ciblait un ministre de l’Intérieur enclin à « mettre de l’huile sur le feu ». Finalement, pour montrer qu’il n’en a pas qu’après les sionistes, Dieudonné dénonçait habillement la politique du "deux poids, deux mesures" dont est coutumier le lobby politico-médiatique bourgeois à l’égard de l’histoire, en l’occurrence ici celle de l’esclavage.

« Vous vous rendez compte qu’en Martinique, aujourd’hui, au moment où on parle, vous savez que les Békés, (…) ils représentent 1 % de la population et ils ont 90 % des terres agricoles, encore aujourd’hui. (…) Les mecs ils ont fait toute leur fortune sur le commerce des noirs et ils s’en font encore plein les poches, et ils ont passé la Révolution française, tout, tout, tout… (…) Et c’est moi le raciste ! En plus ils ne se mélangent pas, parce qu’ils sont pour la pureté de la race, eux ils sont complètement dingues… (…) [Aujourd'hui], l’esclave, il n’est pas noir, et puis cette libération (…), elle concerne tout le monde, c’est pas seulement une histoire de négros. (…) Parce qu’on est tous esclaves de ce système, il faut qu’on se libère. (…) Libérons-nous des Békés et des banquiers, ce sont les mêmes ».4

La présentation du dernier spectacle de Dieudonné intitulé Le mur ─ dont la tournée est aujourd’hui menacée d’interdiction par la circulaire ministérielle du 6 janvier ─, permet de comprendre les motivations réelles de ceux qui cherchent à réduire au silence l’humoriste et qui vont jusqu’à brandir la menace de la fermeture de son théâtre.5

« On y va droit dedans et pourtant on est dos à lui, alors plutôt que de se taper la tête contre, faisons le mur ! Tirons-nous le temps d’un spectacle de ce monde de mensonge ! Rions ensemble, amis moutons, de notre misérable condition d’esclave… »6

Pour ne rien "arranger", l’humoriste ne se contente pas de dénoncer ces faits et de parler assez "crûment" le langage de la lutte des classes, mais appelle quotidiennement à la résistance et à la désobéissance civiles : « on s’est libéré dans nos têtes », en popularisant notamment le geste de la "quenelle". Ce dernier est bien loin du "salut nazi inversé" que mettent en avant les exploiteurs pour diaboliser l’humoriste ! Il consiste tout simplement à signifier au système ─ de façon certes aussi peu "élégante" que "diplomatique" ─, qu’on "l’encule" bien profondément, lui qui nous le rend quotidiennement si bien…

La photographie qui suit, représentant une des "quenelles" qui a mis le feu aux poudres, est des plus équivoques. On y voit le ministre de l’Intérieur "quenellisé" à son insu par un groupe de jeunes lors d’un déplacement à Millau le 21 septembre 2013.7

La critique sociale de Dieudonné ainsi que ses appels à témoigner d’une forme de résistance sont évidemment inacceptables pour l’ordre bourgeois, car elles constituent les prémices d’une critique radicale des fondements du capitalisme : qu’il s’agisse de l’Etat et des médias non représentatifs des intérêts du peuple, ou bien de l’esclavage salarié.

Or l’humoriste a une audience de plus en plus large, en dépit du black-out et de la vindicte médiatique dont il est l’objet depuis plusieurs années. C’est ainsi que les exploiteurs, excédés de voir se propager ce discours et ces pratiques bien peu respectueuses à leur égard, somment aujourd’hui l’attelage gouvernemental au pouvoir de faire taire par n’importe quel moyen l’artiste, tous les moyens précédents, à l’instar des menaces et des amendes ayant lamentablement échoué.

C’est ainsi que notre sinistre de l’Intérieur a dernièrement proposé rien de moins que d’étudier les recours juridiques et législatifs pour interdire les spectacles de l’humoriste et le réduire au silence. Chose à priori ardue de l’avis des juristes. Ne reste donc plus aux "élus" qu’a tenter de saboter localement, aussi discrètement qu’officieusement la tenue des spectacles de l’humoriste, à l’instar des mairies de Nancy et de Metz…8 En effet, les déclarations de Manuel Valls ont à l’évidence été contre-productives en offrant à l’humoriste une campagne de publicité gratuite, et il faudra donc opérer plus souplement, "dans la coulisse" et au cas par cas…

Il est important de noter que sur les médias internet et la chaîne vidéo de l’humoriste, les votes et messages de soutien dépassent de très loin ceux de ses détracteurs : les votes de soutien à l’humoriste représentent ainsi 85 % des 50 000 votes d’évaluation aujourd’hui laissés sur ses vidéos Youtube des 21 et 31 décembre.

Comme on le voit, dès qu’il se sent menacé, l’ordre bourgeois foule au pied les règles les plus élémentaires de sa "démocratie modèle" ! Ceci illustre le mépris réel du démocratisme bourgeois pour ses propres mots d’ordre de "liberté d’expression" en période de crise économique et de contestation sociale croissante larvée.9

S’il est une chose à retenir de "l’affaire Dieudonné" en cours, c’est que la tentation croissante du recours aux méthodes réactionnaires héritées du fascisme se fait de plus en plus sensible à mesure que la défiance des masses populaires s’accroit à l’égard du lobby politico-médiatique.

« Le maître esclavagiste, soulignait Dieudonné dans sa vidéo du 21 décembre, il est en panique, vous le voyez, et donc, il veut nous terroriser, et de manière complètement illégale, vous vous souvenez du discours de Valls ».

Mais, avertit Dieudonné dans sa vidéo datée de la veille du nouvel an, l’interdiction de ses spectacles elle-même risque bien de se révéler être une arme à double tranchant pour ceux qui s’efforcent par tous les moyens de le réduire au silence :

« Il ne faut surtout pas enlever le rire, parce que c’est la soupape dans une société qui est en crise. Laissez les gens rire ! »

Pour les communistes, la critique et l’audience de Dieudonné sont évidemment les bienvenues, car elles constituent une accroche potentielle à la critique marxiste du capitalisme. La critique sociale de Dieudonné a quelque chose de sain quand elle replace au centre de la problématique la question de l’esclavage salarié, constituant ainsi un embryon de la désaliénation des masses populaires. Cette dernière représente en effet le premier pas fait en direction du combat pour leur émancipation économique, sociale et politique du joug du Capital.

C’est évidemment une abomination pour l’ordre bourgeois qui l’a bien compris et qui par conséquent cherche à abattre par tous les moyens ce dangereux artiste (bien) engagé.

Vincent Gouysse, pour l’OCF, le 03/01/201410

Notes :

•  1 Cf. Vincent Gouysse, Impérialisme et anti-impérialisme, p. 403 et Le Réveil du dragon, pp. 312-313

2 Ces citations sont extraites de cette vidéo

3 Dieudonné : Arno Klarsfeld appelle à manifester contre ses spectacles, RTL.fr, 02/01/2014

4 Ces citations sont extraites d’ici

5 Dieudonné : Filippetti n’exclut pas de fermer son théâtre, Le Parisien.fr, 06/01/2013

6 Fiche du spectacle "Le mur"

• 7 Source de la photo : « Quenelle » de Dieudonné : Manuel Valls piégé lors d’un déplacement, Le Figaro.fr, 30/12/2013

8 Dieudonné : Nancy et Metz demandent l’interdiction de ses spectacles, Huffingtonpost.fr, 02/01/2014 

• 9 Cf. Vincent Gouysse, Les classes sociales sous l’impérialisme, pp. 49 et 83.

10 Texte amendé le 06/01/2014, en particulier avec des éléments de la vidéo du 31/12/2013.

Publié le 12 janvier 2014. Cette entrée a été publiée dans Articles. Bookmarquez ce permalien.

 

 

Navigation des articles

  1. Chronique de la lâcheté ordinaire : à propos de l’affaire Dieudonné. – Nicolas Bourgoin

  2. Chronique de la lâcheté ordinaire : les humoristes et l’affaire Dieudonné | LA PILULE ROUGE

Publicité
Publicité
Commentaires
Publicité
Vu au MACROSCOPE
Derniers commentaires
Archives
Publicité