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10 février 2014

EUROPE- CHEVENEMENT, historien de la 1ère guerre mondiale

Sur le blog  GAULLISTE LIBRE

 

lundi 10 février 2014

Chevènement, historien de la première guerre mondiale

 

« 1914-2014, l’Europe sortie de l’histoire » est un livre majeur, absolument remarquable. Dans un premier temps, l’auteur démonte de manière implacable la fausse interprétation qui domine au sujet des causes de la première guerre mondiale, tout en expliquant les raisons de cette interprétation.
Aux sources de la première guerre mondiale
La cause communément admise est le nationalisme des nations européennes, mais, pour Chevènement « ses causes profondes sont plutôt à rechercher dans les contradictions de la première mondialisation ». Il cite Tony Judt pour qui le XXème siècle glisse « dans l’obscurité de la mémoire approximative (pour devenir) un palais de la mémoire morale, un musée des horreurs historiques pédagogiquement utiles (…) Le problème de cette représentation lapidaire du siècle dernier comme un temps d’horreurs uniques (…) est le message qu’elle charrie : que tout cela est désormais derrière nous, que le sens en est clair et que nous pourrons maintenant avancer, délestés des erreurs passées, dans une époque meilleure et différente ».
Pour l’auteur, il y a une question de l’hegemon de la mondialisation. L’Angleterre déclassa les Pays-Bas au XVIIème siècle, puis fut contestée par l’Espagne et la France. Début du 20ème siècle, l’Allemagne contestait cette position comme la Chine conteste aujourd’hui celle des Etats-Unis, dans un même contexte de « retour à une forme de capitalisme dur, essentiellement financier ». Il cite Suzanne Berger, qui parle de la période avant 1914 comme de « la première mondialisation », sous l’égide de la Grande-Bretagne, alors talonnée, voir dépassée par l’Allemagne, pendant que la France décroche. De 1871 à 1914, la France est restée stable, à 40 millions d’habitants, alors que l’Allemagne est passée de 40 à 65 millions. Mais notre pays garde une forte puissance financière. Le partage colonial était achevé.
L’Allemagne, responsable du déclenchement de la guerre

Pour lui, l’Allemagne est responsable du déclenchement de la guerre, comme l’a montré l’historien allemand Fritz Fischer, au grand dam de l’inconscient politique du pays et même des manuels d’histoire français, qui ne veulent incriminer qu’Hitler. Il soutient que cette occultation « légitime a posteriori la bonne conscience cultivée en Allemagne après 1919 ». Selon Chevènement, « le développement de l’économie peut en fait créer des tensions si insupportables que seul le déchainement de la guerre paraît, aux yeux des esprits simples, pouvoir y porter remède ». Et après un siècle de domination britannique, les tensions sont fortes : Londres appuie Paris contre Berlin dans la crise de Tanger en 1905 et s’inquiète du projet d’union douanière allemande, qui s’oppose aux Etats-Unis, les anglo-saxons ne voulant pas d’un bloc tarifaire continental. Selon Lénine « la guerre de 1914-1918 a été, des deux côtés, une guerre impérialiste, une guerre pour le partage du monde, la distribution et la redistribution des colonies et des zones d’influence du capital financier », faisant de « l’impérialisme, (le) stade suprême du capitalisme ».

L’Allemagne pariait sur l’irrésolution de ses adversaires, ne pensant qu’ils répliqueraient dans les Balkans, au risque de déclencher une guerre continentale. Il note que l’Allemagne a mis en place ses alliances bien avant la France, Berlin s’alliant avec Vienne en 1879 et Rome en 1882, quand Paris se lie à Moscou en 1890 et Londres en 1903. Il y voit une dimension préventive, du fait du sentiment d’encerclement de Berlin et d’une volonté d’étendre sa sphère d’influence. Il souligne, à partir des travaux de Frtz Fischer, qu’une partie des élites allemandes avait des visées purement impéralistes, même si certains habillaient cela sous le nom d’une union douanière qui irait de la France à la Pologne… Il note avec ironie que l’Allemagne aurait sans doute gagné la paix mais qu’elle a pris le risque de perdre la guerre.
Une interprétation idéologique de la guerre
Jean-Pierre Chevènement dénonce la lecture actuelle de la première guerre mondiale. Il souligne que l’on a oublié l’offensive russe, stoppée à Tanneberg fin août 1914, mais qui a imposé à l’Allemagne de dégarnir le front français et a sans doute permis de sauver Paris, imposant deux fronts à l’Allemagne pour lui éviter de gagner. « Sera de la sorte grossièrement sous-estimé, par rapport au soutien tardif des Etats-Unis, le rôle de l’alliance russe dans la résistance du front français ». Il rappelle également que Washington conclura une paix séparée avec l’Allemagne et sera plus dure financièrement avec ses anciens alliés qu’avec l’Allemagne vaincue, qu’elle soutiendra dans sa demande de réduction des dédommagements.
Il souligne que s’il est juste de réhabiliter la mémoire des « fusillés pour l’exemple », il ne faudrait pas oublier de magnifier tous ceux qui se sont battus pour notre pays. Il dénonce la confusion entre le patriotisme républicain et le nationalisme chauvin. Il ironise sur les cabris de l’Europe « comme si c’était l’Europe et non l’équilibre stratégique – et bien vite nucléaire – entre les Etats-Unis et la Russie qui avait assuré la paix, après 1945, sur un continent détruit et recru de guerres », ridiculisant une fois de plus ceux qui ont cru bon de décerner à l’Union Européenne le prix Nobel de la paix. Il dénonce également l’interprétation d’une guerre civile européenne imputable à des nationalismes extrêmes.
Pour Jean-Pierre Chevènement, « c’est une reconstruction a posteriori et une grossière facilité d’imputer aux nationalismes en général la responsabilité de la première guerre mondiale. C’est une manière d’exonérer les élites dirigeants de leurs responsabilités Dans leur majorité, les opinions publiques n’étaient nullement bellicistes, bien au contraire, en Allemagne pas plus qu’ailleurs ». Pour lui « la mise en accusation des peuples et des nations est aujourd’hui un alibi pour déligitimer la démocratie ».
Après ce remarquable exposé historique, riche de très nombreuses références et anecdotes, notamment sur l’état d’esprit des élites allemandes avant-guerre, Jean-Pierre Chevènement tire les conséquences de l’histoire passée pour guider notre futur.
Source : Jean-Pierre Chevènement, « 1914-2014, l’Europe sortie de l’histoire », Fayard
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