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7 mars 2014

UKRAINE - Aymeric Chauprade : entretien accordé à RIA Novosti

Sur REAPOLITIK

 

 

Aymeric Chauprade : entretien accordé à RIA Novosti

 

Publié par le 7 mars 2014 dans Articles
Aymeric Chauprade : entretien accordé à RIA Novosti
Entretien accordé par Aymeric Chauprade à l’agence de presse Ria Novosti (mars 2014).

 

 

RIA Novosti – Pourquoi les pays d’Occident considèrent-ils les autorités actuelles de Kiev comme légitimes alors que leur arrivée au pouvoir s’est faite par la voie de la violence, par les attaques contre les forces de l’ordre, par la capture de bâtiments administratifs ?

Aymeric Chauprade - Le nouveau pouvoir en place à Kiev est arrivé par un coup d’État contre un président élu démocratiquement. Cette élection démocratique n’avait pas été contestée à l’époque. Il est donc incontestable que le nouveau pouvoir à Kiev n’est pas légal. Si les gouvernements américain et européens reconnaissent le pouvoir de Maïdan, alors ils sont en contradiction flagrante avec les principes qu’ils prétendent défendre. Malheureusement, ils le sont et essaient donc de maquiller leur incohérence en faisant croire que c’est la Russie qui mène une politique de force.

Le gouvernement du Maïdan est le résultat d’un coup d’État planifié avec une ingérence caractérisée puisque des personnalités politiques américaines et européennes sont venues soutenir des milices armées qui s’attaquaient aux bâtiments publics et aux forces de l’ordre. Les premiers morts sont des forces de l’ordre. Les responsables sont des membres de mouvements soutenus par les États-Unis et certains pays de l’Union européenne, comme le parti néo-nazi Svoboda et son bras armé Pravy Sektor.

 

 

Pourquoi les autorités ukrainiennes ont-elles décidé d’abandonner les négociations avec les autorités légitimes et le président élu, et pourquoi n’ont-elles pas, après, rempli les conditions de l’accord négocié par les chefs des ministères des affaires étrangères de la France, de l’Allemagne et de la Pologne ?

Aymeric Chauprade – En effet un accord allait être signé entre le président légalement élu Ianoukovitch, le représentant russe et les autres ministres des Affaires étrangères. Dans cet accord, le président légal acceptait des élections anticipées et un retour à la Constitution de 2004. Mais des éléments extrémistes, clairement soutenus par les États-Unis, ont pensé qu’en plein Jeux de Sotchi, les Russes étaient concentrés ailleurs et qu’ils pouvaient alors pousser leur avantage plus loin et tenter un renversement du pouvoir par la force, dans le but d’éviter des élections qu’ils n’auraient pas gagné et surtout d’accélérer l’OTANISATION de l’Ukraine. Tiagnibok (Svoboda) et Iarosch (Pravy Sektor) ont vu dans l’affaiblissement de Ianoukovitch l’opportunité historique de mettre en place un gouvernement fasciste permettant de faire une épuration ethnique des Russes. De leur côté, les Américains ont pensé que s’ils les laissaient faire, cela provoquerait une réaction de la Russie qui permettrait de creuser le fossé entre Russes et Européens et d’aggraver la situation économique sur le continent. Je suis convaincu que les Américains savent que leur système financier est au bord de l’effondrement et qu’ils cherchent, une fois encore, à renflouer leurs caisses en provoquant une fuite des capitaux chez leurs adversaires. C’est la fameuse stratégie du chaos qu’ils mettent en oeuvre partout depuis que le nouveau monde multipolaire les empêche d’édifier un ordre mondial unipolaire américain.

 

 

Quel est votre pronostic quant à une résolution de la crise interne de l’Ukraine ?

Aymeric Chauprade – Je considère que la Russie a réagi de manière raisonnable et proportionnée à ce qui est une véritable agression stratégique de ses intérêts et une menace directe des populations-soeurs russes et russophones. Je rappelle qu’à ce jour les seuls morts en Ukraine viennent du Maïdan. Rien du côté russe. Pas un coup de feu, pas une exaction : sinon vous pensez bien que les médias occidentaux qui sont présents en Crimée et en Ukraine de l’Est l’auraient relevé immédiatement ! Qui plus est, la Russie défend la légalité du président élu, tout en reconnaissant, comme tout le monde, que Ianoukovitch, par sa corruption et sa faiblesse vis à vis des oligarques ukrainiens, porte une part de responsabilité dans la situation actuelle. C’est sans doute pour cela que Vladimir Poutine a déclaré que Ianoukovitch n’avait pas d’avenir politique.

Donc la première chose à faire, pour résoudre la crise interne de l’Ukraine, c’est de reconnaître que la Russie est un acteur majeur de la région et qu’elle a le droit, face à des menaces sur les populations de l’Est de l’Ukraine et de la Crimée autonome, d’activer des mécanismes de défense et de stabilisation. Ensuite, il convient de cesser les menaces inutiles contre la Russie. Nous ne sommes plus à l’époque de la Guerre froide et de l’URSS. La Russie est un acteur intégré dans l’économie mondiale, membre de l’OMC et qui veut commercer pacifiquement avec ses partenaires. La menacer est stupide et contre-productif ! Et comment obéir d’ailleurs à des leçons de morale venant de pays comme les États-Unis et la France qui pratiquent, depuis longtemps, des interventions armées hors de leur territoire sur les territoires d’autres pays souverains, au Moyen-Orient comme en Afrique? Les présidents occidentaux devraient cesser de se ridiculiser avec des gesticulations inutiles et discuter avec Moscou. Un peu de pragmatisme et de sérieux ferait beaucoup de bien au monde.

Le préalable c’est le retour à la légalité. Il y a un président légal, il faut revenir à cela. Tout le monde est d’accord sur le fait qu’il ne peut plus gouverner, mais il faut mettre en place des élections présidentielles. Je suis convaincu que la Russie n’a pas décidé d’envahir l’Ukraine, mais qu’elle veut un retour à la légalité à Kiev, un désarmement des milices fascistes et une protection de l’autonomie de la Crimée, de l’autonomie de Sébastopol à l’intérieur de l’autonomie de la Crimée, et de la protection des droits linguistiques des russophones.

 

 

Qui peut devenir un candidat crédible à la présidence lors des prochaines élections ?

Aymeric Chauprade – Dans une démocratie, tout le monde peut être candidat à la présidence. Mais le Maïdan pro-occidental qui ne représente qu’une partie de l’Ukraine de l’Ouest ne peut pas espérer représenter tout le monde. Je ne connais pas la personne qui a la légitimité suffisante pour créer un consensus entre l’Ouest et l’Est de l’Ukraine, mais ce que je sais c’est que cette personne ne peut pas représenter seulement l’une ou l’autre des composantes de l’Ukraine.

L’Ukraine est intégrée fortement à la Russie, non seulement par l’histoire (ce sont deux nations sœurs et le cœur de la Russie historique est à Kiev) mais aussi par l’économie. C’est de la folie pure que de vouloir, comme les extrémistes de l’Ouest du pays, vouloir se couper de la Russie. Si Ianoukovitch a été élu, lui qui venait du Parti des régions, c’est bien qu’une majorité des Ukrainiens a d’ailleurs reconnu que l’avenir de l’Ukraine passait par une association étroite avec la Russie.

Encore une fois il ne s’agit pas ici d’être pour la Russie contre l’Ukraine. Il s’agit d’être pour l’Ukraine et la Russie ensemble car elles ont vocation à cohabiter pacifiquement.

Il y a deux conceptions géopolitiques qui s’affrontent : celle, irréaliste et donc dangereuse, défendue par les États-Unis, qui voudrait faire de l’Ukraine une périphérie anti-russe du bloc transatlantique, et celle réaliste et donc raisonnable, qui est le véritable intérêt des peuples européens, et qui consiste à faire de l’Ukraine un trait d’union entre l’Union européenne et la Russie, un territoire d’équilibre (donc pas membre de l’OTAN évidemment).

 

 

Comment évaluez-vous la coopération des nouvelles autorités de l’Ukraine, qui ont organisé un coup d’État, en s’appuyant sur des militants armés du radical nationaliste “Secteur droit”?

Aymeric Chauprade – Il faudrait que les Occidentaux regardent de plus près les insignes de Secteur droit comme je l’ai fait moi-même, ou bien même leurs vidéos de propagande. Aucune ambiguïté n’est possible : il s’agit d’un mouvement néo-nazi dont les emblèmes sont la croix gammée stylisée et les symboliques runiques du paganisme européen.

La politique américano-européenne, de la Syrie jusqu’à l’Ukraine est en réalité la même. Pour faire avancer leurs pions géopolitiques, les atlantistes s’appuient sur des mouvements armés extrémistes, les islamistes radicaux au Moyen-Orient, les fascistes antisémites en Europe. C’est la même logique. L’histoire est toujours faite par les minorités fanatisées qui mettent en mouvement les majoritées endormies.

Bernard Henri Lévy, un pseudo philosophe de plateaux, au service de toutes les guerres américaines, et qui vient se faire photographier dans chaque fausse révolution, était, en 2011, auprès des islamistes de Benghazi en Libye, comme il était il y a vingt ans en Bosnie près des fanatiques musulmans financés par l’Arabie Saoudite, comme il est aujourd’hui auprès du Maïdan pour relativiser le caractère fasciste de Svoboda. Je suis certain qu’un grand nombre de Juifs en Europe et ailleurs sont indignés que quelqu’un comme lui qui revendique si souvent sa judaïté puisse faire fi, avec autant de mauvaise foi, de la réalité antisémite de ces mouvements ultra-nationalistes ukrainiens.

 

 

Comment évaluez-vous la participation au gouvernement les nationalistes de «Liberté», qui n’hésitent pas à faire des déclarations antisémites, anti-polonaises et anti-russes ?

Aymeric Chauprade – Pour moi, tout cela est la preuve que l’Union européenne ne contrôle rien mais subit. Elle encourage des mouvements qui sont contraires à ses propres intérêts. Quel est l’intérêt réel de la Pologne et de l’Allemagne? Etre des “caniches” de l’OTAN ou bien bâtir demain un partenariat stratégique fort avec la Russie, vers une grande Europe des peuples, de Brest à Vladivostok? Voilà la vraie clé de ce conflit! Les forces atlantistes veulent détruire tout ce qui est fait depuis des années en faveur du rapprochement entre l’Union européenne et la Russie : les nouvelles coopérations stratégiques, la complémentarité énergétique, l’avancée vers un monde multipolaire avec une multipolarité monétaire et non le dollar tout puissant.

 

 

Comment évaluez-vous l’impact de cette idéologie en Ukraine – un pays au centre d’Europe, qui a connu les horreurs de la guerre avec les nazis ? Pourquoi l’Occident soutient ces politiques ?

Aymeric Chauprade – On voit, dans les médias occidentaux dominés par les forces atlantistes, la volonté de diaboliser Poutine et, à travers lui, la Russie. L’objectif est de faire croire que Poutine serait un nouvel Hitler et que nous serions proche d’un nouveau Munich. J’espère ne pas être pessimiste, mais je crains que certaines forces atlantistes ne cherchent à créer une situation de conflit mondial pour sortir de leur banqueroute financière et économique. En vérité, pour empêcher la guerre, seule la lucidité et la fermeté peuvent payer. Les Européens et la France en particulier, mais aussi l’Allemagne, doivent se réveiller et sortir du piège américain. Ils doivent trouver une solution avec la Russie pour stabiliser l’Ukraine et y remettre un gouvernement qui travaillera pour tous les Ukrainiens, de l’Ouest comme de l’Est. Quant au peuple de Crimée, très majoritairement russe, s’il entend choisir de revenir à sa mère patrie, au nom de quel principe faudrait-il l’en empêcher ?

Crédit photo : © Renaud Kahn

 

 

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