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8 mars 2014

UKRAINE - Les racines de la crise ukrainienne : de la peur occidentale de l'Union eurasiatique

Sur CANEMPECHEPASNICOLAS

 

 

Les racines de la crise ukrainienne : de la peur occidentale de l'Union eurasiatique

Le Blog d'Olivier Berruyer

 

6
Mar
2014

 

Comme il y a des petits soucis sur la qualité de l’information dans les grands médias (comme pour la Syrie) , je crois nécessaire de commencer un petite série de contre propagande… On va revenir en arrière, pour comprendre cette crise, à travers des reprises d’articles divers.

21/11/2013 : L’Ukraine rejette le traité de libre-échange avec l’UE

La surprise a été de taille pour les diplomates européens. Dans la dernière ligne droite des négociations pour la signature d’un accord d’association avec l’UE, et l’accord de libre échange qui se cache derrière, l’Ukraine a fait volteface et arrêté unilatéralement les pourparlers.

Et ceci alors que l’accord devait être signé par le président Victor Ianoukovitch lors du sommet de Vilnius du 29 novembre prochain. L’UE et ses pays membres feraient bien de s’en inspirer pour suspendre les négociations avec Washington sur le « grand marché transatlantique (TTIP) » 

Le cabinet du Premier ministre Mykola Azarov a invoqué les « intérêts de sécurité nationale » du pays pour commander « une étude détaillée, ainsi que le développement d’une série de mesures devant permettre à l’Ukraine de restaurer ses capacités de production perdues et de relancer les domaines de coopération économique avec la Fédération russe et la Communauté des Etats indépendants (CEI), et de créer un marché domestique capable d’assurer que les relations entre l’Ukraine et les pays membres de l’Union européenne soient sur un pied d’égalité. »

Les négociations avec l’Union douanière comprenant la Russie, la Biélorussi et le Kazakhstan seront relancées. Le ministère des Affaires étrangères ukrainien, avec les ministères à vocation économique et industrielle du pays, ont reçu l’ordre de proposer à l’UE et à la Russie la formation d’un commission conjointe pour explorer les perspectives de reprises de la production et du commerce. D’autres ministères ont reçu l’instruction de développer les relations avec la CEI, « afin de préserver l’emploi et de répondre aux autres problèmes sociaux par une amélioration de la stabilité économique ».

La partie centrale du projet d’association économique de 1200 pages, aujourd’hui abandonné, était leDeep and Comprehensive Free Trade Agreement (DCFTA). Il s’agit d’un accord de libre-échange étendu qui aurait éliminé les protections pour ce qui reste de l’industrie ukrainienne, déjà sauvagement sacrifiée dans le processus de privatisation engagé au cours des années 1990, puis par les termes d’admission à l’Organisation mondiale du commerce (OMC) en 2008. Ce traité de libre échange est qualifié par l’UE du « plus ambitieux accord bilatéral » jamais signé par elle, dont l’effet aurait été rapidement dévastateur pour les deux signataires. Le chapitre 1 annonce, en effet, que « la vaste majorité de tarifs douaniers seront éliminés aussitôt l’accord entré en application ». « Globalement, l’Ukraine et l’Union européenne élimineront respectivement 99,1% et 98,1 % des tarifs ».

La Russie avait prévenu le pays contre les perturbations des liens commerciaux historiques entres les deux plus grandes économies de la période soviétique, tandis que l’UE faisait miroiter la promesse d’une aide à l’Ukraine de la part du Fonds monétaire international (FMI) si la Russie venait à imposer des sanctions.

Aujourd’hui, le vice-Premier ministre ukrainien Yuri Boyko a déclaré :

Nous ne comptons de toute manière sur aucune aide du FMI puisque sa dernière offre exigeait une augmentation des tarifs résidentiels de l’électricité de 40 pour cent.

Boyko a ajouté que le pays ne pouvait pas se permettre de mettre en danger ses liens commerciaux avec la Russie, et que ni l’UE ni le FMI n’étaient préparés à compenser l’Ukraine de quelque manière que ce soit.

Le Commissaire européen à l’élargissement Stefan Fuele a annulé son séjour à Kiev, blâmant dans un tweet « l’impact des mesures commerciales et économiques injustifiées de la part de la Russie » pour expliquer la décision ukrainienne. Le ministre suédois des Affaires étrangères Carl Bildt, un ardent défenseur de l’expansion européenne vers l’est, a attaqué « les pressions politiques et brutales » de la Russie. Le Haut Représentant de l’Union aux Affaires étrangères et à la Politique de sécurité, la Britannique Lady Ashton, a pour sa part déclaré que l’Ukraine allait perdre des « investissements étrangers » à cause de sa décision.

L’économiste ukrainienne Natalia Vitrenko, dirigeante du Parti progressiste socialiste d’Ukraine, avait fait campagne dans les rues du pays pour mettre fin à la perte de souveraineté du pays et à l’« eurocolonisation » sous les auspices d’un traité de libre-échange avec l’UE.

Dans une interview du 18 novembre sur la chaîne web-télé EurasiaTV, Vitrenko a dit que les doux rêves d’ « investissement étranger » et de « niveaux de vie européens » n’étaient rien d’autres que de la propagande en vue se saisir les matières premières et d’exploiter la main d’œuvre du pays. L’UE n’a aucunement besoin des 45 millions d’Ukrainiens, a-t-elle déclaré. Elle cherche seulement la domination économique par le libre-échange et à obtenir l’avantage stratégique sur la Russie, en faisant entrer l’Ukraine dans l’OTAN.

Depuis qu’elle a joint l’OMC, l’Ukraine importe déjà presque 60 % des produits vendus chez elle, rapporte Vitrenko. Alors que 60 % de ses exportations vers la Russie et la CEI sont des produits finis, seul 18 % de ses exportations vers l’UE le sont, le reste étant des matières premières. Elle a prévenu que les coûts qui découleront des efforts pour se conformer aux 20 000 normes européennes imposées dans le cadre de l’accord en négociation, estimés à 160 milliards d’euros, auraient constitué un choc terrible pour l’économie ukrainienne, contribuant à des fermetures massives d’usines et provocant la famine.

Quant à Sergeï Glazyev, d’origine ukrainienne, ancien secrétaire de l’Union douanière Russie-Biélorussie-Kazakhstan et aujourd’hui conseiller du président russe Vladimir Poutine, il avait fait remarquer dans un discours la semaine dernière à Kiev que la seule raison pour faire adhérer l’Ukraine à un accord de libre-échange avec l’Europe était de l’empêcher de s’intégrer plus profondément dans l’Eurasie.

Il a ajouté qu’il était étrange d’entendre dire par les partisans de l’association avec l’Europe que l’Ukraine se trouvait face à « un choix de civilisation » en se tournant vers l’UE, car ce choix a déjà été fait lorsque le pays s’est converti au christianisme il y a 1000 ans. La question n’est donc pas, pour Glazyev, de savoir si l’Ukraine doit se tourner vers une Europe catholique ou rester ancrée à l’Orthodoxie, mais plutôt si elle souhaite adopter les valeurs « post-chrétiennes » caractérisant aujourd’hui l’Europe. Se joindre à l’Europe, c’est renoncer au christianisme, a-t-il déclaré.

Début décembre 2013 : quelques rares réactions censées

Dans un entretien avec l’influent quotidien allemand Die Welt du 3 décembre, Lothar de Maizière (CDU), président du Dialogue germano-russe de Pétersbourg, a fait part de son désaccord non seulement à l’égard de la politique de l’UE envers l’Ukraine et la Russie, mais aussi avec la méfiance systématique exprimée par la chancelière Angela Merkel et le président Joachim Gauck envers la Russie, et envers Poutine en particulier,

De Maizière a également fait connaître son désaccord profond sur plusieurs points avec Andreas Schockenhoff, le coordinateur en chef des parlement et gouvernement allemands pour les contacts germano-russes. Ce dernier est connu pour ses discours enflammés contre Poutine.

De Maizière est un ancien Premier ministre d’Allemagne de l’est, lors de la période de transition entre mars 1990 et le jour de la réunification en octobre de la même année.

Les anciennes républiques soviétiques comme l’Ukraine, a-t-il dit, sont devenues des États souverains. Elles doivent décider d’elles-mêmes dans quelle direction aller. Il ne doit y avoir aucune pression d’aucun côté. Ni de l’UE, ni de Moscou. Mais malgré ceci, l’UE ne devrait pas ignorer totalement les intérêts spéciaux de la Russie. Les liens économiques entre l’Ukraine et la Russie sont encore très étroits. Rompre tous les contacts avec la Russie une fois adopté un accord d’association, comme l’exige essentiellement l’UE, pèserait tant sur l’Ukraine que la Russie.

On peut critiquer les aspects négatifs de la Russie, a-t-il ajouté, « mais il faut voir également les aspects positifs. 6000 entreprises allemandes sont actives en Russie. Notre sécurité énergétique dépend du gaz naturel russe, et jusqu’ici Moscou a honoré tous ses contrats. »

Malgré la censure des médias, le Dialogue de Pétersbourg a accompli de nombreux progrès dans les relations germano-russes, dans les domaines économique, culturel et religieux. L’approche critique de la chancelière Merkel à l’égard de la Russie est contre-productive, a conclu de Maizière, ainsi que le refus du président allemand Gauck d’accepter l’invitation des Russes pour se rendre en Russie.

Une autre personnalité, l’ancien président polonais Aleksander Kwazniewski, a pour sa part critiqué l’UE pour n’avoir pas été suffisamment généreuse à l’égard de l’Ukraine.

15/12/2013 Les Russes haussent le ton

A la veille d’une réunion ministérielle ce mardi entre le Conseil de l’Union européenne et la Russie, le ministre russe des Affaires étrangères Sergeï Lavrov n’a pas mâché ses mots, dénonçant dimanche le 15 décembre « les provocations et les intérêts financiers derrière les protestations en Ukraine ».

Dans un entretien à la chaîne télé russe Rossiya-24, Lavrov a déclaré que des « agents provocateurs, avec un scénario préparé longtemps d’avance » étaient derrière les événements de Kiev. Lavrov s’est demandé ce qui aurait bien pu, objectivement, justifier des telles manifestations :

Une manifestation de cette ampleur et avec des slogans aussi décapants a été arrangée comme si le pays avait déclaré la guerre à un pays pacifique contre la volonté de son propre peuple. Ceci dépasse l’analyse humaine normale. Il n’y a aucun doute que des agents provocateurs sont derrière ceci. Je suis vraiment attristé de voir que nos partenaires occidentaux ont apparemment perdu le sens des réalités.

Lavrov a expliqué que le libre-échange avec l’UE va décimer ce qui reste de la base industrielle de l’Ukraine. « L’UE essaie d’imposer sa position sur le soi-disant partenariat avec les pays d’Europe de l’est tandis qu’ils ne peuvent pas faire face à la compétition pour une majorité des produits européens. On cherche à les attirer dans une zone de libre-échange en acquérant leurs marchés, qui seront immédiatement inondés de produits plus compétitifs provenant de l’Europe, ruinant les industries identiques dans les pays qui signeraient des accords d’association. Ceci causerait des problèmes pour la Russie, car nous n’avons pas de frontière douanière avec ces pays non plus. »

Sur la participation de personnalités occidentales dans les manifestations ukrainiennes, Lavrov a demandé :

Supposons que je vienne marcher aux côtés de manifestants soutenant quelque parti en Allemagne et demandant à ce que le pays change son attitude à l’égard de l’UE, ou bien qu’il en sorte… Comment réagirait-on ? Je crois que le Parlement européen ou l’Assemblée parlementaire de l’OTAN, le Conseil de l’Europe, ou bien l’OSCE auraient toutes voté des résolutions dénonçant un tel comportement comme outrageant, ainsi que la manière dont la Russie interférerait dans les affaires internes de l’Allemagne.

Pour ce qui concerne le projet d’accord d’association entre l’Europe et l’Ukraine en tant que tel, le député russe Alexeï Pouchkov a fait remarquer le 15 décembre que l’Ukraine avait d’excellentes raisons de rejeter l’accord, puisque les maigres compensations proposées en échange du démantèlement de l’industrie ukrainienne ne s’élevaient qu’à 660 millions d’euros.

La commission européenne a d’ailleurs préféré suspendre les négociations, après l’annonce du gouvernement ukrainien de vouloir les reprendre, car la décision a été prise de faire tomber le gouvernement en place plutôt que de faire des concessions supplémentaires, dont une nouvelle proposition d’aide de 20 milliards d’euros pour la signature d’un accord. N’oublions pas que le FMI avait suspendu une ligne de crédit de 12 milliards d’euros en 2011 parce que le gouvernement ukrainien refusait de mettre fin aux subsides sur les fournitures de gaz aux ménages.

Cette tentative de déstabilisation de l’Ukraine par la Troïka a également pour objectif de saboter la collaboration entre les Etats-Unis et la Russie sur la question de la Syrie et de l’Iran. Il n’est pas surprenant dans ce contexte de voir la personnalité la plus hostile à la paix en Syrie et avec l’Iran, le sénateur américain John McCain, se précipiter à Kiev en compagnie du sénateur Christopher Murphy pour participer aux manifestations.

S’adressant à quelque 200 000 manifestants depuis la tribune, McCain a menacé le pays de sanctions si les manifestations étaient réprimées. Lisant un petit bout de papier et cherchant à paraître passionné, le sénateur américain s’est exclamé :

L’Ukraine rendra l’Europe meilleure, et l’Europe rendra l’Ukraine meilleure. Nous sommes ici pour soutenir votre juste cause, le droit souverain de l’Ukraine à déterminer librement son propre destin, et ce de manière indépendante.

Il n’a pas précisé comment une baisse supplémentaire des salaires en Europe et la mise à pied de dizaines de milliers de travailleurs ukrainiens rendrait l’un et l’autre « meilleurs ». Juste à côté du sénateur américain se trouvait nul autre que Oleh Tyahnybok, chef du parti Svoboda, un parti néo-nazi qui accuse régulièrement la « juiverie organisée » et la « mafia juive de Moscou » d’être la cause des problèmes de l’Ukraine, et dont l’idéologue en chef cite régulièrement Goebbels. Le parti de Tyahnybok a 37 députés au Parlement ukrainien, qui sont souvent responsables de combats à mains nues dans l’enceinte du Parlement dès qu’un député parle en russe.

Comme l’a par ailleurs fait remarquer le 14 décembre le député progressiste américain Dennis Kucinich dans Reader Supported News, les ukrainiens manifestant à Kiev pour des avantages économiques bien flous risquent fort bien de déchanter lorsqu’ils découvriront que le traité d’association comporte une clause d’harmonisation entre l’Europe et l’Ukraine dans le domaine des Affaires étrangères et de la sécurité, en vertu de laquelle l’Ukraine, qui ne consacre que 1,1 % de son PIB à la défense, devra se mettre au niveau des pays membres de l’UE, qui eux y consacrent au moins 2 % de leur PIB.

« Lorsque les dépenses militaires montent, les dépenses domestiques baissent », souligne-t-il, et les « gagnants risquent bien plus d’être les “gens” de Lockheed-Martin, Northrop Grumman, Boeing et autres grands groupes, que le peuple ukrainien ».

15/12/2013

Sommet de Moscou :

l’Union eurasiatique va de l’avant

Réunis en sommet à Moscou, les chefs d’Etat de la Russie, du Kazakhstan, de la Biélorussie, d’Arménie et du Kirghizistan, ainsi que le Premier ministre ukrainien, ont discuté des plans pour le lancement de l’Union eurasiatique prévu pour le 1er janvier 2015 et comprenant un marché commun et une union douanière,

« Nous avons créé cette Union eurasiatique afin de renforcer nos économies et d’assurer leur développement harmonieux ainsi que leur rapprochement », a déclaré le président russe Vladimir Poutine dans ses remarques avant l’ouverture des discussions dans le cadre du Conseil économique suprême eurasiatique. Ce Conseil est l’instance de direction de l’Union douanière et de l’Espace économique commun de la Russie, de la Biélorussie et du Kazakhstan.

Le Kirghizistan et l’Arménie ont demandé à se joindre à l’Union douanière et à la Communauté économique eurasiatique, ce qui devrait avoir lieu rapidement selon Poutine, dès que les derniers détails seront résolus, tandis que l’Ukraine doit encore décider si elle préfère se joindre à cette dernière ou bien signer le calamiteux accord d’association et de libre échange destructeur avec l’UE.

Le traité de l’Union économique eurasiatique doit être signé d’ici mai 2014, puis soumis au vote des parlements nationaux avant son entrée en vigueur en 2015.

30/12/2013 Ukraine :

Sergei Glaziev appelle à une coopération triangulaire UE-Ukraine-Russie

L’économiste russe Sergueï Glaziev est le conseiller du Président russe pour l’Intégration économique régionale, Glaziev a vivement critiqué la politique de l’UE à l’égard de l’Ukraine, dans un article posté le 30 décembre sur le site The National Interest., une revue bimensuelle basée à Washington.

Glaziev, qui est chargé du projet d’Union eurasiatique, montre pourquoi, selon lui, il n’est pas dans l’intérêt de l’Ukraine de s’associer à l’UE. Si l’Ukraine avait signé l’Accord d’association avec l’UE, écrit-il, elle serait devenue de fait une colonie sous juridction européenne, contrainte de sacrifier sa production nationale de biens à hauteur de 2 milliards de dollars annuels, sa dette extérieure se serait accrue, sa monnaie aurait été dévaluée et l’inflation aurait fait baisser le niveau de vie. En revanche, rejoindre à l’Est l’Espace économique commun et l’Union douanière avec la Russie permettrait d’augmenter son PIB de 3 à 9 %.

Pour cet économiste russe, l’intention de l’UE est clairement de « séparer l’Ukraine de la Russie et de l’isoler du processus d’intégration économique eurasiatique ».

Il note que toute escalade du conflit en Ukraine, attisée notamment par l’« ingérence continue des politiciens et des agences secrètes de l’OTAN », mènera inévitablement à la scission de l’Ukraine, « plongeant toute la région d’Europe de l’Est dans une spirale d’instabilité et de tension politiques ». Sur fond de crise économique mondiale, on assistera alors à une détérioration des relations stratégiques entre la Russie, l’Europe et les Etats-Unis, ajoute-t-il.

L’alternative à l’affrontement, pour Glaziev, consiste à combiner les efforts à la fois de l’UE et de l’Union douanière dans le cadre de la Communauté économique eurasiatique, afin d’optimiser la coopération économique et commerciale avec l’Ukraine et la Russie.

Il est intéressant de constater que dans un article paru le 2 janvier dans le quotidien allemand Die Welt, Alexander Rahr, du Forum russo-allemand, l’un des principaux critiques des politiques de l’UE, appelle lui aussi à des négociations triangulaires entre l’UE, l’Ukraine et la Russie, estimant que c’est la seule façon de bâtir des relations constructives et de calmer les tensions. Par ailleurs, Rahr est également favorable à l’installation de systèmes conjoints de défense anti-missiles entre l’Europe et la Russie.

27/12/2013 : Sergeï Glaziev développe

Voici quelques extraits de l’article du conseiller de Poutine : “Qui a le plus à gagner ? Les facteurs économiques et politiques de l’intégration régionale”, publié le 27 décembre 2013 en anglais sur le site de Russia in Global Affairs :

“L’étrange situation dans laquelle se trouve l’Ukraine dans son choix de vecteur d’intégration économique nous amène à réfléchir sur la combinaison optimale des facteurs politiques et économiques pour l’intégration régionale.

Ce qui rend cette situation étrange est le fait que le chemin vers l’intégration européenne, que Kiev se voit pressé d’emprunter, est économiquement erroné.

Une analyse d’experts économiques ukrainiens et russes de premier plan montre qu’une zone de libre-échange UE-Ukraine compliquera inévitablement la tâche de l’Ukraine pour se développer, ou même pour maintenir des relations économiques avec l’Union douanière [Russie, Biélorussie, Kazakhstan, ndlr] dans tous les grands secteurs. Ceci aura pour résultat, avant tout, de restreindre la coopération dans la recherche et le développement dans les domaines de l’aéronautique, des centrales électriques, de la production d’équipement pour l’industrie spatiale, de l’industrie nucléaire et de la construction navale.

Une entente pour une zone de libre-échange UE-Ukraine, qui forcera naturellement les pays membres de l’Espace économique commun [la Russie et ses principaux partenaires, ndlr] à prendre des mesures pour protéger leur marché, aura également un impact sur d’autres secteurs vulnérables de l’économie ukrainienne, telle la production d’aliments, la fabrication de matériel de transport et autres équipements et l’agriculture. La part de l’Ukraine dans les importations russes de denrées alimentaires devrait plonger d’un tiers. Un accroissement du déficit de la balance commerciale, ainsi qu’une capacité amoindrie à emprunter auprès d’autres pays, pourraient conduire l’Ukraine au défaut de paiement et menacer les promesses [d’aide financière, ndlr] qu’aurait faites l’UE à son nouvel associé.

Des promesses vides

Pour rassurer le public ukrainien, les émissaires politiques européens n’hésitent pas à mentir effrontément. Le Commissaire européen à l’élargissement et à la politique de voisinage Stefan Füle raconte des fables selon lesquelles une zone de libre-échange UE-Ukraine garantirait un taux de croissance annuel de 6 % du PIB ukrainien (déclaration faite lors d’une table ronde de discussion au Parlement ukrainien le 11 octobre 2013).

Or, toutes les estimations, incluant celles des analystes européens, font part d’un ralentissement inévitable dans la production de biens ukrainiens dans les premières années suivant la signature de l’Accord d’association, puisqu’ils sont condamnés à une perte de compétitivité par rapport aux produits européens. Le ministre suédois des Affaires étrangères Carl Bildt, dans une déclaration faite lors du 10eforum d’échange de Yalta du 20 septembre 2013, a été encore plus effronté : il a prétendu qu’une adhésion de l’Ukraine à l’Union douanière provoquerait un effondrement de 40 % de son PIB, et a promis une croissance de 12 % du PIB si l’Ukraine signait l’Accord d’association. (…)

Une analyse non biaisée révèle des motivations purement politiques derrière le Partenariat oriental de l’UE, dont l’objectif est de bloquer les possibilités pour les républiques de l’ancienne Union soviétique de participer à l’intégration économique eurasiatique avec la Russie. L’essence anti-russe de cette politique est clairement visible dans les efforts soutenus des politiciens et services secrets des pays membres de l’OTAN, pour interférer dans les affaires intérieures des États nouvellement indépendants, fomenter une propagande anti-russe et favoriser des forces politiques anti-russes. Toutes les révolutions de « couleur » inspirées par l’Occident dans l’espace post-soviétique ont pour racine une russophobie frénétique et visent à empêcher l’intégration avec la Russie. Les pertes économiques et les calamités sociales résultant de telles politiques en Géorgie, au Kirghizstan, en Ukraine et en Moldavie n’ont pour eux aucune importance.

L’isolement des anciennes républiques par rapport à la Russie ne peut qu’empirer leur situation économique, en raison de la rupture des relations économiques et la perte de marchés établis. Pour forcer des décisions économiques aussi iniques, la politique du Partenariat oriental cherche à dépouiller les partenaires orientaux de leur souveraineté en matière de commerce extérieur. Des projets d’accord d’association avec l’UE engagent les pays candidats à se plier sans discussion aux directives sur la politique commerciale, la régulation technique et tarifaire, les normes sanitaires, les contrôles vétérinaires et phytosanitaires, les subsides et les marchés publics. Les pays associés à l’UE n’ont aucun droit de participer dans la définition ou l’adoption de ces règles ; ils doivent y obéir sans condition. Ils doivent également s’engager à participer dans la résolution de conflits régionaux sous les conseils de l’UE.

En d’autres termes, les anciennes républiques soviétiques qui signent un accord d’association se voient assignées un rôle de colonie, et doivent se plier à la juridiction européenne en matière commerciale et à sa réglementation économique.

Par exemple, dans toutes ses sections, le projet d’Accord d’association oblige l’Ukraine à entreprendre toute une série de mesures. La thèse principale est formulée dans l’article 124 de l’Accord : « L’Ukraine devra s’assurer que ses lois existantes et futures seront rendues graduellement compatibles avec les acquis européens. » 

 Pour dissiper tous les doutes sur le vecteur de l’intégration, l’article 56 stipule clairement que « l’Ukraine s’abstiendra d’amender sa législation horizontale et sectorielle listée dans l’annexe III de cet Accord, sauf s’il s’agit d’aligner cette législation progressivement avec les acquis de l’UE correspondants, et de maintenir un tel alignement. » […]

Une structure supra-nationale spéciale – un Conseil d’association – aura pour tâche de suivre les engagements d’un membre associé. Ses décisions sont obligatoires pour les parties participantes.

Les bénéfices économiques ne sont pas pris en compte dans la discussion conduisant à cette décision politique. L’UE a ignoré les tentatives timorées du cabinet ukrainien d’évoquer la question de l’investissement pour moderniser l’industrie du pays, afin de l’adapter aux normes techniques européennes et aux exigences environnementales.

Selon les calculs d’experts ukrainiens de l’Institut de l’économie et de la prévention de l’Académie nationale des sciences, l’Ukraine devra consacrer au moins 130 milliards d’euros à cette tâche, qu’une UE frappée par la crise ne peut mettre à sa disposition.
 

L'intégration européenne : des résultats déplorables

La décision politique des anciennes républiques socialistes d’Europe de l’Est et de la Baltique de se joindre à l’UE s’est avérée économiquement erronée. Après avoir obtenu l’adhésion à l’UE, ces pays ont perdu près de la moitié de leur production industrielle et une partie considérable de leur production agricole. Ils ont aussi subi une dépréciation de leur capital humain, avec une fuite massive des cerveaux et une émigration des plus jeunes. Ils ont perdu le contrôle de leur système bancaire et de leurs principales entreprises, qui ont été fusionnées avec les sociétés européennes.

Leur niveau de vie est aujourd’hui plus bas que celui dont ils jouissaient avant d’adhérer à l’UE, et l’écart entre eux et les pays les plus avancés de l’UE ne diminue pas. Après l’élargissement, l’UE s’est trouvée elle-même dans une crise économique profonde et prolongée. L’élargissement a de toute évidence empiré la situation dans les pays du sud de l’Europe, puisqu’ils doivent concurrencer les nouveaux arrivants pour obtenir des ressources [budget de l’UE, ndlr] limitées.

Grèce : Comme résultat des réformes exigées par l’UE, la production de coton a plongé de moitié, et les quotas de production dans l’agriculture ont durement frappé l’industrie vinicole. La célèbre industrie navale grecque a pratiquement cessé d’exister : les armateurs grecs ont acheté 770 navires à l’étranger depuis que le pays a rejoint l’Union européenne. Des experts sur place ont pointé du doigt l’alignement sur les exigences européennes comme facteur préalable à la catastrophe financière du pays.

Hongrie : Elle a pratiquement liquidé sa production des bus et autocars Ikarus, très populaires, produits à 14 000 exemplaires annuels au cours des meilleurs années.

Pologne : A fermé 90 % de ses compagnies minières (charbon), provoquant le licenciement de plus de 300 000 personnes, après avoir joint l’UE en 2004. 75 % des mineurs polonais ont perdu leur emploi. L’industrie navale polonaise se trouve dans une crise profonde. Les gigantesques chantiers navals de Gdansk, qui construisaient le plus grand nombre de navires dans le monde au cours des années 1960 et 1970, sont aujourd’hui divisés en deux sociétés qui végètent. Des douzaines de chantiers plus petits ont dû être fermés et leur personnel a quitté pour l’Europe de l’Ouest. La dette extérieure de la Pologne était de 99 milliards de dollars lorsqu’elle a rejoint l’UE ; au début de 2013 elle atteignait 360 milliards de dollars.

Lettonie : A perdu ses industries électroniques et automobiles.

Lituanie : Son cheptel a été réduit de 75 %, et ses résidents ont arrêté d’entretenir des vaches suite à l’introduction des quotas laitiers. A la demande de l’UE, la Lituanie a fermé sa centrale nucléaire d’Ignalina, s’obligeant par la même occasion à importer de l’électricité (et est à la recherche d’un milliards d’euros pour démanteler la centrale).

Estonie : Son cheptel a été amputé de 80 %, et son agriculture réorientée dans la production de biocarburants. Le secteur de la machine-outil et l’usine Volta à Tallinn, qui produisait de l’équipement pour la production d’énergie, ont été fermés. A la demande de l’UE, l’Estonie a amputé sa production d’énergie des deux-tiers, passant de 19 à 7 milliards de kWh.

L’adhésion à l’UE a frappé l’industrie de la pêche dans les pays Baltes, à cause des quotas et des prétendues « normes de solidarité » dans l’usage des ressources aquatiques européennes.

En 2007, la Commission européenne a sanctionné la Lituanie, la Lettonie et l’Estonie pour leur tentative de constituer des réserves de nourriture afin de faire baisser les prix.

L’association d’autres pays avec l’UE peut difficilement être vue comme réussie.

Même en Turquie, qui a retiré des bénéfices considérables de son union douanière avec l’UE, la population est majoritairement opposée à une intégration plus poussée dans l’UE. Comme l’a fait remarquer le Premier ministre adjoint Bulenc Arinc dans un discours le 17 octobre 2013, l’intérêt des turcs pour l’adhésion à l’UE a plongé, passant de 75 % de la population il y a 5 ans à 20 % aujourd’hui.

Les motifs sous-jacents.

Il est difficile de trouver une logique derrière des projets économiques aussi déficients que le Partenariat oriental, à la lumière des problèmes se multipliant au sein de l’UE. Si l’élargissement rapide de l’UE après le démantèlement de l’URSS pouvait être attribué à la peur d’une renaissance de l’empire socialiste, les tentatives vaines actuelles d’isoler les anciennes républiques soviétiques de la Russie semblent entièrement irrationnelles. Chercher à empêcher à tout prix la réanimation de cet espace économique autrefois unifié, qui avait été construit sur plusieurs siècles, relève d’une pensée géopolitique obsolète mais résurgente. […]

Bien sûr, tout processus d’intégration est politiquement motivé puisqu’il requiert des accords internationaux. Mais une prévalence des motivations politiques sur les économiques peut provoquer des pertes majeures et des conflits pouvant ébranler la stabilité des associations d’intégration. A l’opposée, un cadre politique pour des associations économiquement avantageuses garantit un effet stable et naturel de développement accéléré et une compétitivité améliorée pour les pays participants.

Lorsque la Communauté européenne du charbon et de l’acier (CECA) a été mis en place après la guerre, sous la pression des entreprises européennes, et ensuite le Marché commun, tous les participants ont pu en tirer des bienfaits tangibles. Ceci a permis à la confiance de s’installer entre les parties, avec un effet de synergie qui les a stimulées à aller de l’avant dans l’intégration vers une union économique. La politisation de l’intégration européenne après le démantèlement de l’Union soviétique a créé des déséquilibres dans les échanges économiques régionaux, qui ont conduit à des conflits ouverts entre les pays affectés et la bureaucratie européenne.

Jusqu’à récemment, cette dernière est sortie victorieuse de ces conflits, imposant des gouvernement technocratiques aux pays frappés par la crise, pour une gouvernance extérieure. Mais les coûts de l’intégration augmentent, et la stabilité de l’UE va en diminuant, et les tensions sociales sont en croissance ainsi qu’une résistance interne à l’intégration.

Alors que la « phase économique » de l’intégration bénéficiait à tous en raison de l’effet de synergie qui excédait de loin les pertes des marchés individuels des participants, une intégration politiquement motivée a causé des pertes appréciables pour des pays et groupes sociaux entiers. Parmi les perdants, l’Italie, l’Espagne, le Portugal et la Grèce, qui avaient été présentes dès les débuts de l’intégration européenne, ainsi que des groupes sociaux structuraux comme les petites et moyennes entreprises, les fonctionnaires de l’Etat, les personnels soignants, les enseignants, les étudiants et les jeunes spécialistes.

La bureaucratie européenne, une force politique nouvelle avec des intérêts et un pouvoir qui lui sont propres, est derrière la tendance émergente de l’UE à politiser l’intégration en cours. A l’heure actuelle, elle comprend quelque 50 000 responsables et des centaines de politiciens poursuivant leur carrière dans l’intégration. Leur politique est largement définie par les sociétés trans-européennes et américaines dominant le marché européen.

Là où des vieux Etats-membres verraient des désavantages à un élargissement rapide de l’UE pour leurs intérêts nationaux, les grandes sociétés peuvent bénéficier pleinement d’une « digestion » des économies des nouveaux membres. Les sociétés transnationales ont dérivé une grande partie de leurs profits de l’absorption de sociétés rivales en Europe de l’Est, coupant dans les coûts de la main d’œuvre et les dépenses de protection de l’environnement, et en élargissant leurs marchés pour leur production. Ceci explique l’influence grandissante de la bureaucratie européenne, qui défend les intérêts des sociétés transnationales dans des conflits avec la population locale et les affaires nationales.

Pas d’Etat supranational, pas de monnaie unique

Contrairement à l’intégration européenne où l’UE cherche constamment à construire son Etat supranational avec tous les attributs et branches du pouvoir, les dirigeants de la Russie, de la Biélorussie et du Kazakhstan se sont mis d’accord pour limiter le processus d’intégration eurasiatique au commerce et aux questions économiques. L’intégration eurasienne ne vise pas à établir une monnaie unique, à former un parlement supranational ou à introduire un régime de passeport ou de visa unique. Les chefs des nouveaux Etats indépendants ont fait preuve de sagesse en évitant de politiser le processus d’intégration.

L’avantage économique est le facteur dominant de l’intégration eurasienne, garantissant la stabilité de l’Union économique eurasienne émergente. Cette approche exclut un rôle politique indépendant pour un corps supranational. Ses fonctions devront se limiter à la coordination des décisions avec les gouvernements nationaux. Un tel organe supranational doit être transparent, compact, et doit être subordonné aux Etats qui l’ont mis en place. Le respect mutuel pour la souveraineté nationale est ce qui rend le processus d’intégration différent de tous les modèles précédents, incluant les modèles européen, soviétique et impériaux. […]

L’idéologie chancelante sous-tendant l’intégration euro-atlantique survivra difficilement à l’élargissement au-delà des frontières actuelles de l’UE et de l’accord de libre-échange présentement planifié avec les Amériques. De plus en plus de conflits se lèvent aux frontières de l’OTAN, impliquant des outils de pouvoir « doux » et « durs », alors que des pays toujours plus nombreux sont entraînés de force dans l’intégration euro-atlantique. Cette politique néo-impériale n’a aucun avenir pour le 21esiècle. Les tentatives de l’imposer entraînent des pertes économiques exponentielles qui ont déjà engendré une zone de calamité sociale étendue tout autour de la méditerranée, le berceau de la civilisation européenne.

Impliquer des anciennes républiques soviétiques dans le processus dans le seul but de les isoler de la Russie créera une zone de conflit en Europe de l’Est, avec encore plus de pertes économiques et de coûts sociaux.”

 

 

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