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8 avril 2014

Si le Front de gauche voulait vraiment lutter contre le FN…

 Sur MARIANNE

 

 

Si le Front de gauche voulait vraiment lutter contre le FN…

Vendredi 3 Janvier 2014 à 15:00 | Lu 31207 commentaire(s)

 

Journaliste politique à Marianne chargé du suivi des partis de gauche. En savoir plus sur cet auteur
Avec « La gauche radicale et ses tabous » à paraître en ce mois de janvier, Aurélien Bernier réalise un travail salutaire. Ancien dirigeant d’Attac, il pointe du doigt certains des interdits qui règnent en maître au pays de la gauche de la gauche et l’empêchent de combattre véritablement, comme elle le prétend, la progression du Front national.

BAZIZ CHIBANE/SIPA
BAZIZ CHIBANE/SIPA
«Le traumatisme que provoque l’émergence du Front national est si terrible qu’on assiste à un abandon de toute solution nationale dans les discours des partis ou des intellectuels de la gauche radicale. (…) Tout ce qui vient du Front national provoque une telle répulsion chez [ses militants] que le tri n’est plus fait entre “les idées du Front national” et les idées qui n’appartiennent à personne, mais sont reprises par le Front national ». Sévère ? Nécessaire, plutôt. Salutaire même à l’approche des élections européennes.

Avec son dernier ouvrage, bref mais néanmoins charpenté, La gauche radicale et ses tabous *, Aurélien Bernier donne à comprendre « pourquoi le Front de gauche échoue face au Front national ». Cet ancien dirigeant d’Attac et collaborateur du Monde diplomatique, qui se définit lui-même comme un « proche du Front de gauche », n’épargne pas ses camarades altermondialistes, communistes et trotskystes et cible trois interdits qui règnent en maître au pays de la gauche de la gauche. Trois « tabous » qui ne manqueront pas de faire polémique.
 
A commencer par le protectionnisme jugé par le courant trotskyste (dont la pensée irrigue encore largement la gauche radicale et ce, malgré un poids électoral inversement proportionnel) comme « réactionnaire » et « petit-bourgeois » car il créerait « une fausse solidarité entre ouvriers et patrons » et présenterait « les travailleurs des autres pays comme des adversaires ». Bernier note que le Front de gauche porte néanmoins un « protectionnisme européen ». Mais pour lui, il s’agit d’un « doux rêve » car ce protectionnisme-là, explique-il, nécessite l’accord de l’ensemble des pays membres de l’Union pour qu’il soit véritablement opérant. Lui préfère donc prôner un « protectionnisme français », mais s’empresse d’ajouter, pour ne sans doute pas trop choquer ses pairs, « en attendant mieux »
 
L’auteur se penche également sur ce qu’il nomme « le tabou européen ». En clair, la gauche de la gauche en devenant « altereuropéiste », en soutenant « qu’il faut changer en profondeur le cours de la construction  européenne, mais sans rupture trop brutale, ni avec l’ordre juridique de Bruxelles ni avec son ordre monétaire » laisse le champ libre de la véritable radicalité au Front national. Bernier touche là au tabou des tabous, l’euro, un sujet dont le FN est une des rares formations en France à s’être emparé.

Mais il rappelle que « les monnaies nationales et les politiques monétaires étatiques ne sont pas une idée d’extrême droite » et, surtout, que l’autre gauche n’a pas toujours été sur cette ligne. Il montre comment le PCF, sous l’influence de Robert Hue, a bradé en 1997, sur l’autel des négociations avec le PS pour rejoindre le gouvernement Jospin, la campagne menée alors contre la monnaie unique place du Colonel-Fabien. Il note néanmoins qu’en mars 2013, en plein « blocus financier de Chypre », Jean-Luc Mélenchon évoqua publiquement, pour la première fois, la possibilité d’une sortie de l’euro. Comme le fit un mois après lui, Oskar Lafontaine, grand inspirateur du Parti de gauche français et ancien ministre des Finances allemand...
 
Enfin, Bernier s’attaque au « tabou de la souveraineté nationale et populaire » recoupant peu ou prou les deux précédents tabous. Il pointe notamment un paradoxe de taille que dirigeants, militants et sympathisants de l’autre gauche ne semblent définitivement pas vouloir voir : « Comment [la gauche radicale] en est-elle venue à mélanger sa voix avec celle des plus ultralibéraux pour conclure à l’obsolescence de la souveraineté nationale ? »
 
Cette question démontre à elle seule la pertinence de l'ouvrage d'Aurélien Bernier. Malheureusement, celui-ci se révèle incomplet car son auteur se montre très (trop ?) sélectif dans ses tabous. Quid par exemple du tabou de la sécurité ? Une grande partie de la gauche radicale continue de voir dans ce sujet-là une obsession de la droite la plus réactionnaire qui soit, oubliant que les premières victimes de l’insécurité sont ces classes populaires qu'elle prétend pourtant défendre…

Quid aussi du tabou de la laïcité ? Si Jean-Luc Mélenchon et d’autres avec lui se posent en fervents défenseurs de ce principe, certains de leurs camarades de la gauche de la gauche adoptent sans sourciller des positions communautaristes que ce soit par conviction pure, par perte de sens idéologique ou — et c’est sans doute le pire — par clientélisme électoral…

Quid enfin du tabou de l’immigration ? Non suffisamment maîtrisée, celle-ci induit une concurrence entre travailleurs que Bernier — par le protectionnisme notamment — et la gauche radicale dans son ensemble disent refuser.

Ces trois tabous-là expliquent, autant sinon plus, l’échec de l’autre gauche face au Front national…


Retrouvez l’interview d’Aurélien Bernier dans le numéro 872 de Marianne en vente en kiosques, ce samedi, et disponible, dès aujourd’hui, en souscrivant à notre offre numérique ou en vous rendant sur le site de nos partenaires Lekiosk.com et Relay.com

Si le Front de gauche voulait vraiment lutter contre le FN…



* La gauche radicale et ses tabous – Pourquoi le Front de gauche échoue face au Front national. Aurélien Bernier, Seuil, 17 €. 

 

 

 

 

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