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14 mai 2014

Quand la CIA sous-traitait la traque d'Al Qaeda

 

Quand la CIA sous-traitait la traque d'Al Qaeda

 

 

Portrait de Renaud Schira
Date: 
13/05/2014
Blackwater a été chargée de la sale besogne interdite à CIA. Une méthode pratiquée par d’autres services secrets. Dans la guerre secrète lancée par la CIA contre Al Qaeda, le New York Times vient de révéler (link is external) un des dessous les plus sombres : de 2004 à 2008, la centrale de renseignement a sous-traité la traque des dirigeants islamistes à Blackwater, une société de mercenaires privés. L’administration Obama a mis fin à ce programme secret. Des pratiques vieilles comme la guerre froide, y compris en France
Fondée en 1997, Blackwater est truffée d’anciens de la CIA

 

Pas de contrat, des engagements oraux et le droit de tuer. C’est ainsi que l’ancien vice-président, Dick Cheney, a négocié directement avec Erik D. Prince, P-DG de Blackwater (link is external), les modalités de la traque des « top operatives » d’Al Qaeda.

A ce stade, l’enquête du journal ne dit pas de quelle manière les mercenaires de Blackwater ont été impliqués dans cette traque. Présente dès 2002 en Afghanistan pour sécuriser la station locale de la CIA, Blackwater a été fondée en 1997 par M. Prince (link is external) -ancien des Navy Seals et héritier d’un sous-traitant de l’industrie automobile- qui a recruté de nombreux anciens de la CIA. A commencer par Cofer Black, ex-directeur du contre-terrorisme de l’agence (1999-2002).

Apparemment, ce programme secret n’a pas donné les résultats escomptés, puisqu’aucun dirigeant d’Al Qaeda n’aurait ainsi été éliminé. L’actuel patron du renseignement américain, Leon Panetta, a d’ailleurs décidé de suspendre ce « contrat » en juin dernier.

Un (vieux) précédent : l’assassinat de Lumumba

 

Cette affaire en rappelle une autre. Janvier 1961 : Pierre Messmer, ministre des Armées (link is external), reçoit dans son bureau le colonel Roger Trinquier, grand artisan de la doctrine de la guerre révolutionnaire en Algérie. Comme Massu, Bigeard, Lacheroy et d’autres, Trinquier est placardisé par les gaullistes qui redoutent un contre coup d’Etat des paras d’Alger.

Messmer propose donc à Trinquier de partir pour le Katanga (à l’Est du Congo belge), mais uniquement après avoir démissionné des cadres actifs. Sa mission : participer à la « neutralisation » du leader indépendantiste Patrice Lumumba et de ses forces (link is external). Depuis août 1960, la CIA a décidé de se débarrasser du Premier ministre congolais, jugé incontrôlable et surtout trop proche des communistes.

Trinquier, connu au SDECE pour être « l’homme des Américains » depuis la guerre d’Indochine, accepte cette mission « feu orange ». S’il échoue, personne ne le couvrira. S’il réussit, personne n’en saura rien. Pas de contrat, un engagement verbal et... le droit de tuer. Le 17 janvier 1961 à Elizabethville, Patrice Lumumba est exécuté dans des circonstances troubles, après avoir été torturé. Roger Trinquier rentre à Paris à la fin du mois.

En France, le pouvoir pourchasse les leaders indépendantistes

 

Ce modus operandi des services secrets occidentaux n’est pas nouveau. Sur ordre du général de Gaulle, via Jacques Foccart, les services français font empoisonner le leader indépendantiste Félix Moumié (link is external), lors d’un dîner à Genève en octobre 1960. Le chef de l’opposition camerounaise est intoxiqué au thalium par un... journaliste. En fait, William Bechtel, ancien légionnaire et chimiste de formation, est un réserviste du service action du SDECE. La justice suisse le blanchira par un non-lieu en 1980.

A l’époque, tous les dirigeants indépendantistes soupçonnées d’accointances communistes -l’Algérien Ferhat Abbas, le Camerounais Um Nyobé...- font l’objet de tentatives d’assassinat, réussies ou non. Tout comme les marchands d’armes qui alimentent leur réseau. Pour la seule année 1960, le responsable des services secrets à Matignon, Constantin Melnik, estime à 135 le nombre de personnes tuées par la Main rouge, nom de code de l’organisation mise en place par le SDECE (link is external) pour nettoyer les réseaux communistes.

 

Une longue série de « covert operations », interdites en 1976

 

Dans les années 70, toutes ces opérations clandestines disparaissent. Suite à l’affaire du Watergate, le président Gerald Ford interdit à la CIA de conduire des programmes clandestins d’assassinats ciblés. Officiellement, il est désormais interdit de tuer.

Est-ce la raison pour laquelle Dick Cheney entreprend de « privatiser » la traque des dirigeants d’Al Qaeda ? D’après plusieurs officiels cités par le New York Times (link is external), l’ancien vice-président aurait justifié l’absence d’informations au Congrès par le fait que la CIA avait déjà « l’autorisation légale » de le faire.

Dans les années 80 et 90, la France continue d’utiliser les services de barbouzes comme le groupe de Robert Denard dit Bob, « corsaire » de la République (link is external) aimant rappeler que ses passeports sont régulièrement fournis par les services français (link is external). Pour renverser un chef d’Etat africain (Comores, Centrafrique, Tchad, Angola...) ou d’autres opérations.

Dans le documentaire (link is external)« Bob Denard, profession mercenaire » (link is external) de Thomas Risch (link is external), la période comorienne (1978-1989) est longuement détaillée. La Sogecom, société du mercenaire devenu chef de la garde présidentielle, aurait alors réalisé un chiffre d’affaires de 800 millions de francs. L’ambition du chien de guerre était alors d’en faire une vraie SMP (sociétés militaires privées). La chute de l’URSS et la fin de l’Afrique du Sud sous apartheid auront raison de ce projet.

 

Pourquoi privatiser la guerre ?

 

Le phénomène des SMP ne décolle véritablement que dans les années 90, en même temps qu’un nombre grandissant de jeunes retraités des forces spéciales trouvent là une occasion en or de poursuivre leur carrière. Au tarif du privé.

 

Cette privatisation de la guerre présente plusieurs avantages pour les Etats occidentaux :

  • pas besoin d’endosser les bavures commises par les mercenaires ;

  • pas besoin de reconnaître le nombre de victimes (plusieurs centaines de « contractors » privés sont morts en Irak, mais le Congrès est incapable de savoir combien) ;

  • pas besoin d’assumer les risques de poursuites judiciaires en cas de pépin (Blackwater est poursuivi aux Etats-Unis pour le meurtre de 17 civils irakiens) ;

  • enfin, pas besoin d’assumer le coût de l’entretien de ces forces armées.

 

L’affaire est plutôt rentable, puisque Blackwater, rebaptisé Xe services (link is external), compte aujourd’hui 2000 employés permanents et 20 000 CDD, répartis dans neuf pays.

 

Photo : l’ancien vice-président américain Dick Cheney le 12 juillet 2009 (Joshua Roberts/Reuters).

 

Source: 
Rue89.nouvelobs.com
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