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5 juin 2014

Interview Poutine : La "question d'Elkabbach"

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09h15 le neuf-quinze
La "question d'Elkabbach" : tentative d'approche
Par Daniel Schneidermann le 05/06/2014

Du rôle crucial des traducteurs. On discute Ukraine, à Sotchi, entre Poutine, Elkabbach (Europe 1) et Bouleau (TF1). Poutine rappelle aimablement, geste des doigts à l'appui, les mensonges américains sur les armes de destruction massive irakiennes, quand Bouleau lui demande s'il va tout de même tenter de parler à Obama pendant le Diday, d'autant que, remarque-il , "la guerre n'est pas très loin. A quelques centaines de kilomètres d'ici". Alors Poutine, fronçant les sourcils : "Vous exagérez un peu en disant qu'une guerre approche. Vous êtes un peu agressif, comme journaliste. Pourquoi dites-vous que la guerre approche ? Pourquoi essayez-vous de faire peur à tout le monde ?"

Agressif, Gilles Bouleau, le plus impavide des présentateurs ? L'horrible malentendu éclate soudain : Poutine a compris que Bouleau estimait qu'une guerre s'approche (dans le temps), alors que Bouleau exprimait une analyse géographique (dans l'espace). On tremble d'imaginer que des négociations entre chefs d'Etat puissent être exposées à ce genre de malentendus. Erreur de traduction, accusation infondée d'agressivité, réplique énervée ("agressif, moi ?") : le ton peut monter si vite ! Apparemment, la fameuse phrase de Poutine sur Hillary Clinton, qui avait comparé l'armée russe aux nazis ("il est préférable de ne pas débattre avec les femmes"), qui a aussitôt déchaîné Twitter, a été victime du même accident de traduction, Poutine voulant apparemment dire qu'il valait mieux "ne pas se disputer" avec les femmes (erreur de traduction aussitôt signalée par le vigilant concurrent de TF1 à Moscou, le correspondant de France 2 Alban Mikoczy). Peut-être, finalement, est-il préférable pour la paix que Poutine et Obama ne se rencontrent pas. Et si les sommets internationaux étaient davantage source d'escalade que d'apaisement ? Il faudrait revoir toute l'histoire du monde à la lumière de cette hypothèse hardie.

Sinon, je ne sais si trainent par ici des linguistes ou des rhétoriciens, mais j'aimerais savoir s'il existe un mot pour caractériser les questions d'Elkabbach. La question d'Elkabbach est une création dotée d'une vie propre, qui semble poursuivre à la fois deux buts rigoureusement contradictoires : prononcer "les mots qui fâchent", tout en offrant au questionné une échappatoire évidente. Elle est à la fois "good cop" et "bad cop". Exemple : "Qu'est ce que vous voulez ? Votre stratégie, c'est une stratégie de dialogue, ou bien d'expansionnisme et de conquête ?" Ou encore : "Vous voulez être l'avocat de la nation russe, ou bien d'un nationalisme russe ?" Plus subtile, elle parvient parfois à tirer dans les coins : "La France, est-ce qu'elle est pour vous une puissance souveraine qui est écoutée. Vous parlez allemand et russe avec Mme Merkel. François Hollande ne parle aucune de ces deux langues. Est-ce que vous pouvez vous parler ?" Elle atteint enfin parfois à la pure poésie néo-oulipienne, comme cette autre question à propos d'Hillary Clinton : "Votre première réaction spontanée c'est la colère, une certaine maitrise de vous, l'envie de punir, ou peut-être un jour de rire ? On vous a jamais vu rire". Poutine n'a pas ri.

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