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8 juin 2014

Europe : la schizophrénie de "la gauche de la gauche", par Pierre LEVY

MARIANNE

 

 

Europe : la schizophrénie de "la gauche de la gauche", par Pierre LEVY

Marianne

 

Europe : la schizophrénie de "la gauche de la gauche" Jeudi 5 Juin 2014  par Pierre LEVY
La tribune d'Aurélien Bernier, "Front de gauche : changer ou disparaître", publiée sur Marianne.net, n'a de cesse de susciter le débat.
C'est au tour de Pierre Lévy, ancien syndicaliste CGT dans la métallurgie, passé par la rédaction de "L'Humanité" et aujourd'hui rédacteur en chef du mensuel "Bastille-République-Nations" d'apporter sa contribution. Pour lui, la position actuelle du Front de gauche sur l'Europe est intenable : "Il faut être passé maître en casuistique, écrit-il par exemple, pour proposer de rompre avec l’Europe actuelle tout en y demeurant".

GILE MICHEL/SIPA GILE MICHEL/SIPA Dans une récente tribune publiée sur Marianne.net, Aurélien Bernier proposait des éléments d’analyse pertinents quant au succès électoral du Front national. Il précisait en particulier que l’abandon du terrain de la souveraineté nationale par le Front de gauche (et par le PCF en particulier, qui a historiquement porté ce repère structurant, avant d’opérer un virage sur l’aile au tournant des années 1990) a contribué à ouvrir un boulevard au parti de Marine Le Pen. 
  
Pierre Khalifa a réagi ici même à cette approche, allant jusqu’à affirmer que son auteur « en rajoute dans l’éloge du FN ». C’est évidemment le droit du Front de gauche de considérer que la « refondation d’une autre Europe » constitue plus que jamais un thème de mobilisation populaire prometteur. Il faut cependant être passé maître en casuistique pour proposer de « rompre avec l’Europe actuelle » tout en y demeurant, et de « désobéir aux directives et aux traités » (qui ont, rappelons-le, force juridique), tout en restant un Etat membre de l’UE. Si le Front de gauche indexe son avenir politique sur la percée d’une telle rhétorique, ses derniers partisans ont peut-être du souci à se faire. 
  
Mais laissons là l’improbable avenir dudit Front de gauche, et attardons-nous un instant sur la question essentielle : la souveraineté nationale, que Khalfa entend bien séparer de la souveraineté populaire. Comme si cette dernière pouvait exister en quelque sorte hors-sol, sans cadre. Ou comme si l’Europe pouvait servir de cadre de substitution. Un rêve caressé par certains, mais qui se heurte à un détail : s’il existe des peuples – français, britannique, grec, portugais, polonais… – il n’y a pas un peuple européen, au sens politique que la Révolution française a donné à ce terme. Et ce n’est pourtant pas faute que les « élites » du Vieux Continent s’y soient désespérément employées depuis près de sept décennies. 
  
Khalfa a cependant raison sur un point : il serait faux d’opposer les actuels gouvernements nationaux aux dirigeants européens : les uns et les autres (qui, du reste, permutent régulièrement) s’unissent en un mécanisme intégré pour imposer les choix politiques des classes dominantes. Mais précisément : les institutions et mécanismes européens ont été inventés, dès l’origine, pour rendre ces choix inévitables et irréversibles. Inévitables parce qu’ils sont inscrits dans ses gênes mêmes – grands principes, traités, procédures, et le cas échéant « pression des pairs » ; irréversibles parce que l’« acquis communautaire » qui joue comme un « effet cliquet » s’impose à tout gouvernement qui voudrait s’inscrire dans une perspective de transformation sociale. 
  
Khalfa pointe un autre grief à l’attention de ceux qui tiennent encore la souveraineté pour cruciale : ils voudraient ne pas voir que « la raison essentielle du vote pour le FN concerne l’immigration ». Bref, ces électeurs – des ouvriers et des jeunes, en particulier – sont des racistes. Au fond, c’est tout simple. Et d’ailleurs c’est prouvé par « les enquêtes d’opinion ». Alors… 
  
Passons sur le fait que, comme bien d’autres, l’auteur confond donc – ou feint de confondre – l’opinion publique (collection d’individus) et le peuple (entité collective). Il est vrai qu’il est plus aisé d’approcher la première grâce à Ipsos-Steria et consorts, que de comprendre le second, tant les organisations qui disent vouloir s’en inspirer ont perdu le contact avec lui. Plutôt que de se plonger dans les multiples sondages – qui reflètent l’état d’esprit des questionneurs plutôt que celui des questionnés – on en apprend bien plus en se mêlant aux échanges quotidiens autour des machines à café jouxtant ateliers et bureaux. On y trouve par exemple la rage que notre peuple soit dessaisi de la liberté de décider lui-même de son propre avenir (et non de son « destin », selon le vocabulaire euro-banalisé) – une exaspération qui s’exprime évidemment comme elle peut (et en particulier par le refus de vote), et qu’on retrouve à l’évidence chez nombre de nos voisins.
  
Au grand désespoir des dirigeants européistes, c’est bien l’idée même d’« aventure européenne » qui suscite partout ou presque réserves croissantes, voire hostilité déclarée. Et c’est tant mieux. D’abord parce que l’UE est intrinsèquement irréformable ; ensuite parce que le projet de constituer un « club » continental tient moins à une nécessité naturelle qu’à une logique de rivalités impériales planétaires (« être plus forts » face aux puissances émergentes…). 
  
Au-delà du texte de Pierre Khalfa, il est toujours fascinant de constater la propension de la gauche à jouer les ambulanciers idéologiques pour soutenir la propagande des classes dominantes. Ce fut par exemple le cas lorsqu’elle s’efforça de justifier les guerres « humanitaires » – de la Yougoslavie à la Libye. 
  
Aujourd’hui, c’est « l’idée européenne » – qui sombre de toute part – que ladite « gauche de la gauche » tente de sauver. Avec le succès que l’on sait


Ancien syndicaliste CGT dans la métallurgie, puis journaliste à L'Humanité, Pierre Lévy est le rédacteur en chef du mensuel Bastille-République-Nations  depuis 2000. Il est également l'auteur du pamphlet d'anticipation politique L'Insurrection  (Editions AEBRN, 2012). 
Sam 7 jun 2014 Aucun commentaire
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