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12 juin 2014

Libre-échange transatlantique: Piétiner la Justice

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Libre-échange transatlantique
Piétiner la Justice

Remplacer la Justice (avec ses enquêtes et plaidoyers à charge et à décharge) par une entente entre compères pour contourner les lois démocratiques et rançonner l’Etat de droit, tel est l’incroyable projet de « règlement des différents » prévu dans le futur Traité transatlantique.

Avant de débuter les négociations avec l’UE pour la mise en place du TTIP, l’administration américaine a consulté les grandes multinationales du pays, pour connaître leurs priorités. Outre de permettre l’arrivée des OGM sur le marché européen, de « normaliser » les normes sanitaires et environnementales, de « sécuriser » les investissements des géants de l’énergie notamment pour ceux qui utilise la fracturation hydraulique pour exploiter les gaz de schiste en Europe et d’abolir la directive européenne REACH qui encadre l’utilisation de certains produits chimiques et interdit les plus dangereux, ces entreprises veulent que le TTIP mette en place des tribunaux arbitraux pour régler les différents qui ne manqueront pas de surgir entre eux et les volontés du peuple. Ces tribunaux existent en Amérique du nord depuis la création de l’ALENA, cette vaste zone de libre échange entre les Etats-Unis, le Mexique et le Canada. Les multinationales y ont rôdé un moyen d’assaut frontal de la démocratie. Une arme de destruction massive du droit des peuples, maquillée en règle juridique selon une pratique typique du monde anglo-saxon et du business, l’arbitrage. Cette arme s’appelle  ISDS (Investor State Dispute Settlement) : on peut traduire par « règlement des différends entre les investisseurs et les Etats ». C’est un tribunal arbitral comme il en existe sous l’égide d’une Chambre de commerce.

L’ONG américaine Public Citizen , en partenariat avec CEO, explique clairement le fonctionnement de ces tribunaux arbitraux. Ils sont composés de trois personnes privées (des juristes ou des experts): une étant choisie par chacune des deux parties en conflit et la troisième étant considérée comme neutre. Les sentences rendues par ses instances opaques sont sans appel. Lorsqu’un Etat est condamné à payer, il ne peut que s’exécuter ! L’inverse – un Etat assignant une entreprise devant un tribunal arbitral - est quasiment impossible car un Etat de droit a recours à la Justice.  Mettre  l’entreprise –expression d’une volonté privée et d’un intérêt pécuniaire - sur pied d’égalité avec l’Etat - expression d’une volonté collective et non lucrative - c’est tout simplement piétiner l’histoire et l’Etat de droit. C’est régresser à la loi du plus fort, à la barbarie.

Des centaines de plaintes

Les industriels jouissant de l’ALENA sont pleinement satisfaits de l’ISDS. Aujourd’hui, en Amérique du Nord, plusieurs centaines de plaintes  devant des tribunaux arbitraux - touchant tous les domaines de l’activité économique -  sont en cours. Dès qu’un des états des Etats-Unis, du Mexique ou une Province du Canada décide de modifier sa législation pour protéger l’environnement, renforcer les droits sociaux ou lancer des appels d’offres, il coure le risque de se faire attaquer par une entreprise. Face à cette menace d’un genre nouveau, on comprend que les députés et les gouvernements réfléchissent à deux fois avant de voter des mesures contraignantes pour réduire la pollution des voitures, renforcer les contrôles sanitaires ou imposer des mesures de lutte contre le réchauffement climatique. Ainsi, quand le gouvernement de la Province de Québec a cédé face à la contestation populaire opposée à la fracturation hydraulique et mis en place un moratoire sur son utilisation, les entreprises voulant exploiter le gaz de schiste avec cette technique ont attaqué l’Etat canadien. Parmi elles, Lone Pine Ressources Inc demande la bagatelle de 250 millions de dollarsde dommages et intérêts à l’état fédéral, qui devront être payés par les contribuables si l’entreprise gagne son arbitrage.

Des centaines d’accords bilatéraux ont déjà inclus cette possibilité d’attaque d’un gouvernement. C’est le cas, par exemple, de celui signé entre la France et l’Egypte. Selon la revue GAR (Global Arbitration Review), il a permis à Veolia, qui a obtenu le marché de l’assainissement de la ville d’Alexandrie, de porter plainte en juin 2012 contre l’état égyptien. Ce dernier a, entre autres, modifié les règles du jeu en introduisant un salaire minimum obligatoire en 2003, supérieur à ce que cette société versait jusque là à ses employés. Ce second exemple montre que les améliorations sociales sont autant dans le collimateur des firmes globales que les réglementations environnementales.

Une aubaine, un marché

Bien sûr, les cabinets d’avocats d’affaires se frottent les mains devant cette aubaine et poussent par tous les moyens le développement de cette nouvelle activité lucrative. Nous assistons à la naissance d’un marché des plaintes. Une entreprise attaque un état et demande par exemple 100 millions de dommages et intérêts. Ensuite, elle revend cette plainte 60 millions à un cabinet de juristes spécialisés. Charge à ce dernier de mener la bataille juridique pour obtenir l’amende maximum sur laquelle il se rétribuera grassement. Pour faciliter les gains sur le dos des états, les « juges » siégeant dans les tribunaux arbitraux travaillent aussi, sur d’autres dossiers, pour les mêmes cabinets d’avocats porteurs des plaintes (cf. le rapport de CEO – Profiting from Injustice. Dans ces conditions le jeu est biaisé et garantit à cette nouvelle activité une croissance à deux chiffres, sur le dos de l’argent public.

Dans le cadre de ce traité américano-européen, les arbitrages mettront-ils en cause l’Union européenne ou le pays membre concerné ? Faudra-t-il prévoir dans les prochains budgets nationaux une réserve pour arbitrage perdu ? Ou assisterons-nous bientôt à un front du refus des élus européens ?

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