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27 juin 2014

Marie Mendras, suite et fin

 LES CRISES -Olivier BERRUYER

 

26 juin 2014

Chers amis du CNRS, suite au précédent billet sur les mensonges de Marie Mendras, on m’a signalé d’autres vidéos hallucinantes, qu’il me semble important de mettre en avant, avec des retranscriptions (merci à Julien et Pierre !).

 

 

France 24, 26/02/2014

“Pour débattre des enjeux qui entourent la crise ukrainienne Gauthier Rybinski reçoit Marie Mendras, chercheure au CNRS et professeur à Sciences Po Paris. Elle est spécialiste de la Russie.”

N.B. Vous imaginez sur la télé russe :”Pour débattre des enjeux qui entourent la crise française, nous recevons Gunter Klark, spécialiste de l’Allemagne.”

La transcription :

Gauthier Rybinski – Bienvenue. Vous regardez France 24 et c’est l’heure de L’entretien.
Dans un élan tenace et opiniâtre l’Ukraine semble vouloir se libérer des derniers oripeaux du post soviétisme qui avait consacré des États aux apparences démocratiques mais toujours inféodés aux injonctions de Moscou. Le mouvement s’est fait dans le drame au prix de morts dont le sort a d’ailleurs probablement galvanisé les anti-Ianoukovytch qui avaient focalisé sur la personne d’un président falot et roublard l’ensemble des maux qui frappent la société ukrainienne.

Et maintenant ? Moscou ne peut raisonnablement pas se contenter de voir un pays vassal s’éloigner, même si ce dernier par nature est étroitement lié économiquement à la Russie. Par ailleurs, on sent que le nouveau pouvoir embryonnaire à Kiev a une revanche à prendre sur les autocrates et les oligarques de tout poil qui ont mangé dans le râtelier de Ianoukovytch. Qui sont d’ailleurs ces anciens opposants désormais aux manettes alors que même la rue et les cortèges de manifestants se méfient d’eux ? Toutes ces questions et d’autres pour Marie Mendras, chercheur au CNRS et professeur à Science Po, spécialiste de civilisation et de politique russe. Marie Mendras merci d’être avec nous.

Marie Mendras – Bonjour.

Gauthier Rybinski – Je voudrais qu’on commence par un moment de bascule qu’il y a souvent dans les révolutions. Cela se passe le 21 février au soir, un accord a été conclu, c’est un accord un peu de temporisation, et puis la nuit vient, les manifestants rejettent cet accord, et rien ne se passe, et au petit matin le pouvoir a disparu, plus de policiers, plus d’unités spéciales et les gens même rendent visite à la résidence présidentielle de Ianoukovytch. Que s’est-il passé dans cet intervalle?

Marie Mendras – En fait tout était dans le compromis, dans un compris il y a ce qui est écrit et ce qu’on pouvait espérer faire signer à Viktor Ianoukovytch. Et puis il y a l’autre partie du compromis c’est que de toute façon sa position était absolument intenable, qui savait que dès que possible les ukrainiens allaient vouloir vraiment l’obliger à rendre des comptes donc à le mettre devant des juges. Donc je pense que quand Ianoukovytch a signé l’accord avec nos trois ministres européens des affaires étrangères, l’allemand, le français et le polonais, je crois qu’il était très clair pour ceux qui ont signé l’accord et pour Ianoukovytch qu’il devait partir très vite. La seule chose est que Ianoukovytch espérait probablement encore être le président qui signe les décrets et donc il pensait avoir le temps tranquillement de passer la main, très rapidement il a été clair qu’il ne le pouvait pas.

Gauthier Rybinski – Qu’il ne le pouvait pas… Et alors aujourd’hui on se retrouve donc dans un pays, c’est un cliché peut-être vous me direz qui sépare l’Ukraine en deux parties, avec cette partie de l’est plutôt russophone ou russophile, avec la question de la Crimée, et on se dit : quelle est la marge d’intervention de la Russie ? Je disais tout à l’heure elle ne peut pas accepter de facto ce qui vient de se faire…

Marie Mendras – Oui d’ailleurs elle n’a toujours pas reconnu la chute de Ianoukovytch et elle n’a pas reconnu le nouveau gouvernement et le vote par le parlement, vraiment en toute légalité, d’un chef d’état par intérim, qui a donc été élu par les parlementaires. Et je rappelle aussi que la plupart des parlementaires qui défendaient le parti des régions de Ianoukovytch…

Gauthier Rybinski – ont tourné casaque…

Marie Mendras – Evidemment ils sont passés du côté des vainqueurs, ce qui est toujours beaucoup plus sage. Donc si vous voulez je crois que, comme toujours, c’est plus compliqué. L’Ukraine n’est pas coupée en deux, l’Ukraine est un très grand pays, comme la France, avec de nombreuses provinces et des provinces très diverses comme la France. Mais elle a un problème particulier qui est la Crimée, donc cette péninsule au sud, qui faisait partie de la république de Russie à l’intérieur de l’URSS jusqu’en 1954 je crois, quand Nikita Khrouchtchev, qui venait de prendre les rênes du parti communiste de l’Union Soviétique, a décidé que la Crimée finalement appartiendrait à la république soviétique d’Ukraine. A l’époque tout ça c’était vraiment de la littérature, puisque l’Ukraine comme la Russie étaient incluses dans l’Union Soviétique qui était un pays centralisé donc ça ne semblant pas vraiment avoir grande importance. Jusqu’à aujourd’hui les russes ont le sentiment que cette Crimée, c’est à eux, que c’était à eux avant 1954, il y a Sébastopol. Donc il y a je crois sur la Crimée une vraie question, d’autant plus que la Crimée a un statut de république autonome, donc elle a déjà un statut particulier qui, je crois, devrait plutôt être une aide pour trouver une issue pacifique.

Gauthier Rybinski – Et alors pour le reste de l’Ukraine… J’ai entendu qu’un officier russe disait : ‘’on pourrait distribuer des passeports russes à ceux qui habitent ces régions de l’est’’…

Marie Mendras – Ca c’est l’habitude ‘’poutinienne’’.

Gauthier Rybinski – Oui sauf qu’on sait quel est le précédent, notamment en Ossétie…

Marie Mendras – Oui c’est la Géorgie…

Gauthier Rybinski – et ç’a avait été le prélude à la guerre qu’on a connue.

Marie Mendras – Exactement. Donc je crois que les dirigeants russes n’ont pas beaucoup d’inventivité donc ils répètent toujours les mêmes méthodes et là, la méthode des passeports distribués en Crimée, comme les passeports distribués en Géorgie même, dans les provinces d’Abkhazie et d’Ossétie avant 2008, c’est une méthode inacceptable, dangereuse puisque cela a conduit à la guerre en août 2008 en Géorgie. Il est bien évident que l’Ukraine est un pays souverain et que le statut d’autonomie de la Crimée sera préservé et qu’il faut éventuellement discuter des aménagements avec les députés de Crimée. Mais tout cela doit se faire démocratiquement et bien entendu pas sous la pression des militaires russes.

Gauthier Rybinski – Quand Moscou dit : ‘’Kiev’’, je résume ‘’a été pris par les fascistes’’…

Marie Mendras – Ils retournent toujours la vérité !

Gauthier Rybinski – Ils retournent toujours la vérité… Quel est le poids réel de l’extrême droite, donc Svoboda ou Pravy Sektor en Ukraine ?

Marie Mendras – Svoboda n’est pas l’extrême droite. J’invite vraiment à faire un tout petit peu plus attention quand on reprend des termes qui chez nous, en France, on une signification très particulière. L’extrême droite on voit tout de suite à qui on pense, en revanche quand vous dites nationalistes en France, ce n’est pas nécessairement négatif, on dit plutôt souverainiste quand on est antieuropéen… Donc je crois que quand le parti Svoboda s’appelle nationaliste et veut revendiquer la pleine souveraineté de l’Ukraine, ç’a été un thème extrêmement porteur pour se débarrasser d’un régime corrompu, celui de Ianoukovytch. Il n’y a pas dans la plate-forme de ce parti quoique ce soit qui soit néonazi. Il faut aussi voir que ce parti a très bien travaillé avec les partis libéraux, les partis socialistes, ils ont été d’une formidable solidarité pendant ces trois mois de crise ouverte, parce que pendant trois mois…

Gauthier Rybinski – On peut considérer que la suite peut être différente.

Marie Mendras – Oui mais ils ont quand même montré qu’ils étaient extrêmement raisonnables, ils sont restés pacifiques jusqu’à ce qu’ils soient attaqués par les forces antiémeute de Ianoukovytch donc autant être optimiste dans la mesure où ils ont vraiment fait preuve de beaucoup sagesse, beaucoup de retenue et donc ne disons pas qu’un nationaliste en Ukraine c’est nécessairement un néonazi.

Gauthier Rybinski – Même si le nationalisme ukrainien a une histoire ancrée justement dans la collaboration avec le nazisme, notamment dans les années 1939-1940 ?

Marie Mendras – Je crois que vous ne souhaitez peut-être pas ici refaire l’Histoire…

Gauthier Rybinski – Non…

Marie Mendras – du début de la Seconde Guerre Mondiale…

Gauthier Rybinski – On n’aura pas le temps.

Marie Mendras – Ce serait une longue histoire et donc j’invite les téléspectateurs à ne pas avoir des idées toutes faites sur les mentalités en Ukraine et sur les hommes politiques qui revendiquent l’indépendance nationale.

Gauthier Rybinski – Est-ce qu’il y a en Russie l’idée, comme le disaient un certain nombre de paons russes comme Stolipin Gulevitch 3 :20, il disait : ‘’finalement l’Ukraine c’est une chimère’’. Est-ce qu’il y a cette idée-là au sein du pouvoir russe que finalement l’Ukraine est quelque chose d’artificiel ? Et que donc, à partir de là, on peut s’en emparer ?

Marie Mendras – Le pouvoir russe sait très très bien ce qu’est que l’Ukraine, une très grande république soviétique puis un grand pays, ils savent exactement quelles sont les ressources de l’Ukraine et ils savent que c’est un sacré morceau et qu’ils l’ont perdu au moment de l’éclatement de l’URSS en 1991 et qu’ils leur est absolument impossible de reconquérir cette république. D’ailleurs cela n’a jamais été la politique de Vladimir Poutine de reconquérir des territoires, en revanche la politique russes c’est de garder le contrôle économique et sécuritaire de ces pays, que j’appelle pays de l’entre-deux, c’est-à-dire les pays qui se trouvent coincés entre la Fédération de Russie et l’Union Européenne, entre la Fédération de Russie et l’OTAN, et qui ont un statut éminemment instable, une souveraineté limitée, on l’a vu avec les armes russes en Géorgie en 2008. Donc c’est là qu’il me semble l’Europe, les Etats-Unis ont une responsabilité : c’est de tout faire pour que l’Ukraine devienne un pays pleinement souverain, qui assure sa sécurité, sa défense car ce n’est qu’ainsi que ce pays retrouvera une réelle stabilité. On ne peut pas lui dire de rester tout le temps entre-deux, faire un petit peu plaisir à Poutine et puis nous faire un petit peu plaisir.

[OB : Quelle finesse, quelle géopoliticienne...]

Gauthier Rybinski – D’un mot, très rapidement parce qu’on est déjà à la fin de l’émission, Ioulia Timochenko, un rôle à jouer encore ? Ou est-ce qu’elle appartient à ce passé détesté ?

Marie Mendras – Non elle appartient au présent puisqu’elle a été quand même l’une des grandes victimes du régime Ianoukovytch, elle a fait quand même près de trois ans de prison dans des conditions difficiles, elle a été très courageuse, je pense qu’elle a beaucoup appris de cette période très très difficile…

Gauthier Rybinski – Y compris sur ses propres turpitudes ?

Marie Mendras – Oui, je pense que c’est une grande dame, qui peut voir aussi assez clairement où sont ses limites, elle sait que d’autres se sont battus ces deux dernières années pour la pleine indépendance de l’Ukraine, donc je ne suis pas certaine qu’elle soit un trublion mais au contraire plutôt probablement plutôt un apport positif et bien entendu il faut être très vigilant sur toutes les informations qui viennent de Moscou et qui sont quand même très présentes chez nous aussi et qui ont tendance à montrer l’Ukraine comme un pays qui va exploser, Timochenko comme une personne qui n’est pas fiable, les ukrainiens eux-mêmes comme des personnes pas fiables…

Gauthier Rybinski – Bien sûr, bien sûr…

Marie Mendras – Non, je pense qu’il faut regarder les faits et se rendre compte que la Russie n’a vraiment aucun intérêt à vouloir créer plus de désordre en Ukraine.

Gauthier Rybinski – Merci Marie Mendras d’avoir été avec nous. L’histoire de l’Ukraine s’écrit au long cours et vous savez que nous la suivons heure par heure sur France 24…

 

Public Sénat, 9/4/2014

DESHABILLONS-LES : Le style Poutine

Tchétchénie, Syrie, Ukraine, ses différentes crises ont tendu les relations entre le leader russe et les européens. Mais que cachent les discours de Vladimir Poutine, passé maitre dans l’art de manier le chaud et le froid ? Quelle sont les recettes de ce grand communicant, revenu aux commandes en 2012, après avoir dû céder quelques années la place à son bras droit, Dmitri Medvedev ? Et comment s’impose-t-il en jouant du bras de fer comme technique politique ? Pour répondre à ces questions et pour déshabiller, en tout bien, tout honneur, Vladimir Poutine, 4 invités.

Marie MENDRAS, Politologue – Spécialiste de la Russie – CNRS / Sciences Po
Pierre LORRAIN, Ecrivain et Journaliste – Spécialiste de la Russie
Jean-Michel CARRÉ, Réalisateur du documentaire “Poutine pour toujours ?” (Production Grain de Sable
Stephen BUNARD, Synergologue (spécialiste du langage corporel)

Hélène RISSER, Public Sénat

4 :35

Hélène Risser – On a l’impression que ce « pas besoin » revient souvent, là deux fois dans les discours : ‘’pas besoin d’intervenir mais ça reste une possibilité’’, ‘’on n’a pas besoin de scission de l’Ukraine’’… Marie Mendras, à quoi ça correspond cette formule ? C’est drôle comme manière de s’exprimer.

Marie Mendras – C’est très intéressant que vous l’ayez bien entendu et souligné parce qu’au fond c’est au cœur de la tactique de Poutine : c’est de dire que tout ce qu’il fait, il ne souhaitait pas le faire mais il a été forcé de le faire, donc il n’en porte pas la responsabilité. S’il envoie des tireurs d’élite essayer d’écraser la révolution pacifique populaire à Maïdan, il ne dira pas que c’est lui qui les a envoyés, il dit que les uniformes on peut les acheter où on veut sur internet sur le marché, donc il ne prend pas la responsabilité de ses décisions et de ses actes. Et bien entendu ce qu’on va voir un petit peu plus loin, c’est que c’est Poutine lui-même qui créé la crise en Ukraine pour pouvoir ensuite dire ‘’je ne voulais pas mais j’ai dû le faire’’.

8 :40

Hélène Risser – D’accord et donc pas si sûr de lui qu’on pourrait le croire, on pourrait s’imaginer comme ça nous tel qu’on voit naïvement Vladimir Poutine à la télévision. Un petit commentaire là-dessus Marie Mendras sur ce ‘’pas si sûr de lui’’ ?

Marie Mendras – Sur la conférence de presse, je crois que c’est le premier extrait que vous nous avez montré, je crois qu’il date du 4 mars, il était là particulièrement mal à l’aise, ça m’avait beaucoup frappé tout simplement parce qu’il était à un moment où il ne savait plus trop où il allait. La veille, le conseil de sécurité des Nations Unies avait donc discuté de la politique guerrière quand même de Poutine en Crimée et la Russie avait été complètement isolée, il y avait vraiment eu des discours à charge des représentants du Royaume-Uni, de la France, des Etats-Unis et d’autres pays. Et je pense que ce qu’on voit bien en ce moment, c’est un homme qui, comme vous l’avez très bien dit, a quand même envie d’y aller, il y a beaucoup d’émotion, il y a un esprit de revanche, qui est très fort…

Hélène Risser – On guettera ses mouvements de pieds lors des prochaines conférences de presse, le pied droit !

Marie Mendras – Voilà, les mouvements de pied droit. Donc il y a effectivement une envie d’y aller et en même temps c’est un homme qui est inquiet de son image et qui est très inquiet de convaincre.

16 :45

Hélène Risser – Qu’est-ce que vous diriez Marie Mendras sur ce que je posais comme question, on a l’impression que son discours varie, est-ce que vous dites aussi c’est parce qu’il ne sait pas comment s’y prendre avec les occidentaux ou alors au contraire il réajuste le tir ?

Marie Mendras – Mon analyse est tout à fait différente, c’est un pays où je vais souvent, j’ai rencontré Vladimir Poutine plusieurs fois avec d’autres spécialistes de la Russie et je crois que c’est un homme qui sait très bien ce qu’il fait en termes de stratégie de la communication. Je pense que c’est dommage dans votre émission de banaliser le comportement et le discours de Vladimir Poutine parce qu’il est justement intéressant de l’analyser et de dire…

Hélène Risser – Comment ça banaliser ?…

Marie Mendras – de banaliser, de dire que tous les chefs d’État fonts pareils…

Hélène Risser – Ce n’est pas ce qu’on a dit.

Marie Mendras – Je pense que quand même…

Pierre Lorrain – Oui c’est ce que j’ai dit.

Marie Mendras – Non, on ne peut pas dire… Bien sûr tous les chefs d’État font de la communication et heureusement. Mais là, on est face à une autre question qui est un homme qui, comme vous l’avez très bien dit dans votre introduction, dirige de manière très incarnée la Russie, c’est-à-dire c’est un pouvoir autoritaire, non démocratique, qui tourne autour de lui et de ses clans, qui est très peu transparent, donc bien entendu quand Poutine parle, quand il agit, nous sommes tous à tenter de comprendre ce qu’il dit et ce qu’il veut faire.

Hélène Risser – Oui exactement, notamment sur les JO de Sotchi.

Marie Mendras – Voilà. Et sur les JO de Sotchi, Poutine à plusieurs reprises a été très inquiet dans la préparation des jeux de Sotchi, d’abord vraiment de la possibilité de les tenir à un moment, ensuite d’un boycott beaucoup plus sérieux que ce qu’il y a eu…

Hélène Risser – Donc là il cherche un peu à rattraper la situation ?

Marie Mendras – Je crois donc qu’il y a deux choses. Il y a à la fois dire ‘’vous ne savez jamais me comprendre, ma loi n’a rien à voir avec’’ alors que c’est absolument une loi anti homosexuels [NdR : loi interdisant la propagande pro-homosexualité dans les écoles - aucune loi ne réprime les homosexuels en Russie], il n’y a aucun doute là-dessus, dans la lettre et dans l’esprit, et je pense que la scène que vous nous avez montrée, avec ces volontaires déguisés, c’est de la dérision et bien sûr ç’a été un calcul que de les habiller comme ça, dans un vêtement de clown, et donc ces jeunes sont en fait utilisés dans la propagande…

Hélène Risser – D’accord, c’est à double tranchant, c’est ça l’idée ?

Marie Mendras – C’est ce que j’essayais de dire au début, c’est-à-dire que ‘’Ah bon ? Vous nous dites que nous on n’est pas arc-en-ciel ? Mais si, moi je peux prendre, nommer des volontaires et les mettre en arc-en-ciel’’, donc c’est de la dérision et c’est très délicat pour nous parce que nous ne pouvons pas…

Hélène Risser – On ne sait pas trop comment le prendre. En tout cas ça laisse perplexe.

Marie Mendras – C’est ça, on est dans une situation… Mais je crois qu’on voyait bien que les jeunes n’étaient quand même pas très à l’aise dans leurs déguisements.

27 :27

Marie Mendras – Le sport c’est aussi non seulement la force mais la jeunesse et peut-être qu’on a beaucoup parlé du jeune tzar dans les extraits, mais c’était en 2004. Aujourd’hui ce n’est plus un jeune tzar, c’est un homme quand même qui donc a dépassé la soixantaine et clairement ça lui pèse beaucoup, c’est une source d’inquiétude et je pense qu’il y a vraiment… Ça fait quinze ans qu’il est au pouvoir donc c’est aussi un chef vieillissant et le sport, les muscles, c’est une façon de dire ‘’Ecoutez non, je ne vieillis pas, je suis éternel’’.

33 :20

Marie Mendras – Vladimir Poutine aussi s’est bien enrichi, c’est aussi un oligarque.

Hélène Risser – Et alors du coup en faisant ça, est-ce que Poutine s’impose comme l’homme de la situation parce qu’effectivement après il va se faire élire.

Marie Mendras – Je suis la politologue universitaire ici donc je me permets de rappeler que Medvedev n’a jamais été aux commandes, que Poutine n’a jamais été le premier ministre de Medvedev, il l’était formellement comme Medvedev était formellement président, Poutine a toujours été le numéro un…

Hélène Risser – Et c’est ce qu’il montre ? Est-ce que ce n’est pas ce qu’il montre ici finalement, que c’est lui le numéro un ?

Marie Mendras – C’est peut-être aussi ce qu’il montre parce, bien entendu, quand on met un lieutenant loyal sur le trône, c’est toujours délicat même s’il y a un contrat, c’est toujours délicat mais c’est pour cela que c’était aussi important pour Poutine de pouvoir se faire élire en 2012 et bien montrer que Medvedev n’était qu’un homme de transition. Donc Poutine n’était pas remplaçable.

37 :40

Hélène Risser – Il y avait eu des soupçons de triche, le contexte est très tendu, des manifestations etc… donc il pleure parce qu’il a eu peur.

Marie Mendras – Il pleure parce qu’il a eu peur, parce qu’il a été humilié.

Hélène Risser – Ah bon ?

Marie Mendras – Il a été humilié par des centaines de milliers de manifestants pendant des semaines et des semaines, il a été humilié, il a eu peur de perdre. Il sait bien entendu qu’il a contrôlé l’élection et elle était aussi largement fraudée…

Hélène Risser – Oui il y a eu des bourrages d’urnes qui ont été pour le coup filmés et montrés.

Marie Mendras – Et je crois que c’est aussi une émotion, vous avez tout à fait raison, très très forte. Moi j’étais là à Moscou donc je l’ai vu, d’un peu plus loin mais j’étais…

Hélène Risser – Vous avez ressenti l’émotion ?

Marie Mendras – Une émotion…mais une émotion assez négative et ce que j’ai lu dans son visage à ce moment-là : ‘’Je vais prendre ma revanche. Je vais prendre ma revanche contre tous ceux qui m’ont fait peur, qui ont manifesté contre moi, contre les opposants, contre…’’

Hélène Risser – Ah c’est des larmes de revanche ?

Marie Mendras – C’est aussi des larmes de revanche. Alors les détracteurs russes – ils ont beaucoup d’humour les russes, heureusement qu’ils ont encore le sens de l’humour – le lendemain matin, ils titraient tous sur internet ‘’Ce sont les larmes du botox’’, puisqu’il a fait de la chirurgie esthétique, alors ils disaient ‘’Voilà, quand on a fait trop de botox, on pleure plus facilement’’.

42 :42

Hélène Risser : Alors sur les images, pour finir Marie Mendras, votre mot de la fin sur ce que ça montre ?

Marie Mendras – Sur les images premièrement nous, nous avons tout loisir de les étudier, d’analyser etc… Il faut considérer que la population russe qui regarde la télévision ne voit que les images qu’on veut bien lui montrer, c’est très important. Les opposants sérieux n’ont pas accès à la télévision donc comment construire une opposition qui aurait vraiment des moyens ? Et enfin Poutine bien entendu il y a sa gestuelle mais il y a aussi son action et c’est quand même l’homme qui déstabilise l’Ukraine et a annexé la Crimée en envoyant des hommes armés en Ukraine.

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