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21 novembre 2014

Interview de Vladimir Poutine à la télé allemande 13.11.14

Sur NEWS 360X

Interview de Vladimir Poutine à la télé allemande

novembre 21st, 2014 | by Mickael - Fondateur de News360x
Interview de Vladimir Poutine à la télé allemande
International
 

Traduction pour Medias Presse Info à partir de la traduction anglaise : Emilie Defresne

Rapports Russie-Allemagne, Otan, déploiement des forces de part et d’autre, Crimée, crise ukrainienne et enjeux économiques, et bien sûr la Novorossia : Vladimir Poutine a répondu aux questions d’Hubert Seipel pour la chaîne de télévision allemande ARD, ce 13 novembre à Vladivostok. Voici la traduction intégrale de l’interview.

HUBERT SEIPEL : Bonjour, Monsieur le Président. Vous êtes le seul président russe qui ait jamais donné un discours au Bundestag. Cela se passait en 2001. Votre discours a été un succès. Vous avez parlé des relations entre la Russie et l’Allemagne, de la coopération de la Russie à la construction de l’Europe, même si vous aviez donné un avertissement. Vous avez dit que les idées de la guerre froide devaient être éradiquées. Donc vous avez noté que nous partagions les mêmes valeurs, encore que vous ne fassiez pas confiance aux autres. Pourquoi étiez-vous un peu pessimiste à l’époque ?

VLADIMIR POUTINE : Tout d’abord, je ne donne aucun avertissement ou remontrance et je ne voulais pas être pessimiste. Je voulais juste analyser la période précédente dans le développement de la situation dans le monde et en Europe, après l’effondrement de l’Union soviétique. Donc je me suis permis de prédire la situation en fonction de différents scénarios de développement. Naturellement, cela reflète la situation comme nous la voyons, à travers le prisme, à la façon des diplomates, du point de vue de la Russie, mais encore, je pense qu’il s’agissait d’une analyse plutôt objective.

Je réitère : il n’y avait pas de pessimisme d’aucune sorte. Aucun. Au contraire, je voulais être optimiste. Je suppose que, après avoir reconnu tous les problèmes du passé, nous devons aller vers un processus de renforcement des relations, beaucoup plus confortables et mutuellement avantageuses dans le futur.

HUBERT SEIPEL : La semaine dernière a marqué le 25ème anniversaire de la chute du mur de Berlin, qui n’aurait pas été possible sans le consentement de l’Union soviétique. Ce fut ainsi à l’époque. A présent, l’Otan mène des exercices dans la mer Noire, près des frontières russes, tandis que les bombardiers russes procèdent à des exercices dans l’espace aérien international de l’Europe. Le ministre de la Défense a dit, si je ne me trompe pas, qu’ils ont volé aussi loin que le golfe du Mexique. Tout cela souligne une nouvelle guerre froide.

Et, bien sûr, les partenaires échangent des déclarations virulentes. Il y a quelque temps, le président Obama a dit que la Russie est une menace équivalente au virus Ebola et aux extrémistes islamiques. Vous avez qualifié l’Amérique de nouveau riche, qui se considère comme le vainqueur de la guerre froide, et dit que maintenant l’Amérique tente de façonner le monde suivant ses propres idées sur la vie. Tout cela rappelle la guerre froide.

L’Otan

VLADIMIR POUTINE : Voyons, vous avez mentionné 2001 et je vous ai dit que mon point de vue était plutôt optimiste. Nous avons assisté à deux vagues d’élargissement de l’Otan depuis 2001. Si je me souviens bien, sept pays – la Slovénie, la Slovaquie, la Bulgarie, la Roumanie et trois États baltes, Estonie, Lettonie et Lituanie – ont rejoint l’Otan en 2004. Deux autres pays l’ont rejointe en 2009. Cela signifie que le jeu géopolitique change. De plus, le nombre de bases militaires est en accroissement. Est-ce que la Russie possède des bases militaires dans le monde ? L’Otan et les États-Unis ont des bases militaires disséminées dans le monde entier, y compris dans les zones à proximité de nos frontières, et leur nombre est en augmentation.

De plus, tout récemment, il a été décidé de déployer les Special Operation Forces, de nouveau à proximité de nos frontières. Vous avez mentionné divers exercices, vols, mouvements de navires, et ainsi de suite. Oui, c’est ainsi en effet. Cependant, tout d’abord, vous avez dit – ou peut-être est-ce une traduction inexacte – qu’ils ont été menés [Ndt : les exercices] dans l’espace aérien européen international. Eh bien, c’est soit l’espace international (neutre) soit l’espace européen. Alors, s’il vous plaît notez que nos exercices ont été menés exclusivement dans les eaux internationales et dans l’espace aérien international.

En 1992, nous avons suspendu les vols stratégiques de nos avions et ils sont restés à leur bases aériennes depuis de nombreuses années. Pendant ce temps, nos partenaires américains ont poursuivi les vols de leurs avions nucléaires dans les mêmes zones qu’auparavant, y compris les zones proches de nos frontières. DONC, il y a plusieurs années, ne voyant pas de développements positifs, personne n’étant prêt à nous rencontrer à mi-chemin, nous avons repris les vols de notre aviation stratégique dans des régions éloignées. C’est tout.

HUBERT SEIPEL : Pensez-vous alors que vos intérêts en matière de sécurité n’ont pas été pris en compte ? Permettez-moi de revenir à la crise actuelle et à son déclenchement. La crise actuelle a été déclenchée par l’accord entre l’Union européenne et l’Ukraine. Le titre de cet accord est relativement inoffensif. Il est appelé l’accord d’association entre l’Union européenne et l’Ukraine. Le point clé de cet accord est d’ouvrir le marché ukrainien à l’UE et vice versa. Pourquoi est-il une menace pour la Russie ? Pourquoi vous êtes-vous opposé à cet accord ?

L’accord d’association entre l’Union européenne et l’Ukraine

VLADIMIR POUTINE : En réalité, l’économie suit presque le même chemin que la sécurité. Nous prêchons le contraire de ce que nous pratiquons. Nous disons qu’un seul espace sera construit et de nouvelles lignes de division sont construites à la place.

Penchons-nous sur ce que l’accord d’association UE-Ukraine stipule. Je l’ai dit plusieurs fois, mais il semble que je doive le répéter encore une fois : il élimine les droits d’importation pour les produits européens entrant sur le territoire ukrainien, il ramène ces droits à zéro. Maintenant, comme l’Ukraine est membre d’une zone de libre-échange au sein de la CEI, zéro droits de douane ont été mis en place entre la Russie et l’Ukraine. Qu’est-ce que cela veut dire ? Cela signifie que tous les produits européens iront à travers le territoire ukrainien directement sur le territoire douanier de la Fédération de Russie.

Il y a beaucoup d’autres choses qui peuvent ne pas être évidentes pour les personnes qui ne sont pas éclairées concernant ces matières, mais elles existent. Par exemple, il y a des règlements techniques qui sont différents entre la Russie et l’UE, nous avons des normes différentes. Ce sont les normes de contrôle technique, les normes phytosanitaires et des principes qui déterminent l’origine des marchandises.

A titre d’exemple, je citerai l’assemblage des composants de voitures sur le territoire ukrainien. Selon L’accord d’association, les biens manufacturés sur le territoire de l’Ukraine sont destinés à notre marché dans le cadre de la zone de libre-échange russo-ukrainienne. Vos entreprises ont investi des milliards d’euros dans des usines en Russie (Volkswagen, BMW, Peugeot, Citroën, Ford US, et d’autres), elles sont entrées sur notre marché en des termes complètement différents, sous condition d’une localisation profonde de la production. Comment pourrions-nous accepter cela ? Nous l’avons dit dès le début : « Nous sommes d’accord, mais laissez-nous procéder étape par étape et prendre en compte les vrais problèmes qui peuvent émerger entre la Russie et l’Ukraine. » Que nous a-t-on répondu ? « Ce ne sont pas vos affaires, aussi sortez votre nez de nos affaires ! »

L’enclenchement de la crise ukrainienne

HUBERT SEIPEL : Je voudrais revenir sur le passé. Lorsque l’accord d’association UE-Ukraine était discuté. Cela a provoqué des rassemblements sur la place Maidan à Kiev. Je me réfère à des manifestations durant lesquelles les gens demandaient une vie meilleure sans l’Union européenne. Mais ils protestaient également contre le système ukrainien. En fin de compte tout cela a entraîné une vague de violence.

Après, le président d’alors n’a pas signé l’accord, ça a provoqué au début de la violence, et des gens ont été tués sur le Maidan. Puis le ministre allemand des Affaires étrangères est arrivé et a essayé de trouver un compromis entre les manifestants et le gouvernement, et il a réussi à le faire. Un accord qui prévoyait un gouvernement d’union nationale. Il est resté en vigueur pendant environ 24 heures, puis il a disparu. Vous avez suivi de près l’évolution du 21 février et vous vous souvenez que vous avez parlé avec M. Obama et Mme Merkel.

VLADIMIR POUTINE : Oui. En effet, le 21 février, non seulement le ministre allemand des Affaires étrangères, mais aussi ses homologues de Pologne et de France sont arrivés à Kiev pour agir en tant que garants de l’accord conclu entre le Président de l’Ukraine Viktor Ianoukovitch et l’opposition. L’accord stipulait que le seul chemin que prendrait le processus serait pacifique.

En tant que garants, ils ont signé un accord entre les autorités officielles et l’opposition. Et la forme assurait qu’il serait observé. Il est vrai que j’ai parlé par téléphone avec le président des États-Unis ce même jour, et cela était le contexte de notre conversation. Cependant, le jour suivant, en dépit de toutes les garanties prévues par nos partenaires de l’Ouest, un coup d’État s’est produit et l’administration présidentielle et le siège du gouvernement ont été occupés.

Je voudrais dire à cet égard la chose suivante : soit les ministres des Affaires étrangères d’Allemagne, de Pologne et de France n’ont pas signé l’accord entre les autorités et l’opposition comme garants, soit, car ils l’ont signé après tout, ils auraient dû insister sur sa mise en œuvre au lieu de se dissocier de cet accord. Qui plus est, ils préfèrent maintenant ne pas le mentionner du tout, comme si l’accord n’avait jamais existé. C’est de mon point de vue, absolument faux et contre-productif.

La Crimée et le Kosovo

HUBERT SEIPEL : Vous avez agi rapidement. Vous avez, pour ainsi dire, annexé la Crimée et justifié cela sur le moment par le fait que 60 pour cent de la population de Crimée était russe, que la Crimée a été russe pendant une longue partie de son histoire et, enfin, du fait que la flotte russe est stationnée là-bas. L’Ouest a prétendu qu’il s’agissait d’une violation du droit international.

VLADIMIR POUTINE : Quelle est votre question exactement ?

HUBERT SEIPEL : Avez-vous sous-estimé la réaction de l’Occident et les sanctions possibles, qui d’ailleurs furent imposées à la Russie ?

VLADIMIR POUTINE : Nous croyons que ces sortes de réaction sont totalement disproportionnées par rapport à ce qui s’est passé. Chaque fois que j’entends des plaintes concernant le viol du droit international par la Russie, je suis tout simplement amusé. Qu’est-ce que le droit international ? C’est tout d’abord la Charte des Nations Unies, la pratique internationale et son interprétation par les institutions internationales pertinentes.

De plus, nous avons un précédent clair et récent : le Kosovo.

HUBERT SEIPEL : Vous voulez parler de la décision de la Cour internationale de Justice sur le Kosovo ? Celle dans laquelle elle avait déclaré que le Kosovo avait le droit à l’autodétermination et que les Kosovars avaient le droit à se déterminer sur l’avenir de leur État ?

VLADIMIR POUTINE : (en allemand) Exactement. (suite en russe :) Mais pas seulement. Le point principal était que lorsqu’elles ont à prendre une décision qui relève de leur autodétermination, les personnes vivant dans un territoire ne sont pas tenues de demander l’avis des autorités centrales de l’État où elles vivent. Il n’est nul besoin pour elles de l’approbation des autorités centrales, ou du gouvernement, pour prendre les mesures nécessaires en vue d’une auto-détermination. Tel est le point central.

Et ce qui a été fait en Crimée n’est en aucune manière différent de ce qui a été fait au Kosovo. Je suis profondément convaincu que la Russie n’a pas commis de violation du droit international. Oui, ce n’est pas un secret, c’est un fait et nous ne l’avons jamais caché, nos forces armées, soyons clairs, ont bloqué les forces armées ukrainiennes stationnées en Crimée, non pas pour forcer quelqu’un à voter, ce qui aurait été impossible, mais pour éviter une effusion de sang, pour donner aux gens la possibilité d’exprimer leur avis sur la façon dont ils voulaient façonner leur avenir et celui de leurs enfants.

Le Kosovo, dont vous avez parlé, n’a déclaré son indépendance que par voie parlementaire seulement. En Crimée, les gens n’ont pas seulement pris une décision parlementaire, ils ont tenu un référendum, et ses résultats ont été tout simplement magnifiques. Qu’est-ce que la démocratie ? Vous et moi connaissons bien la réponse. Que signifie démos ? Démos c’est le peuple, et la démocratie est le droit des peuples. Dans ce cas particulier, c’est le droit à l’autodétermination.

La Novorossia

HUBERT SEIPEL : Cela montre immédiatement que vous êtes un avocat. Mais vous connaissez aussi bien les arguments de l’Ouest. L’Occident dit que les élections ont eu lieu sous contrôle de l’armée russe. Tel est le raisonnement de l’Occident.

Permettez-moi d’aborder la question suivante. Aujourd’hui, l’Ukraine est plus ou moins divisée. Quatre mille personnes sont mortes, des centaines de milliers sont réfugiées et se sont enfuies, entre autres lieux, en Russie. Dans l’est du pays, les séparatistes russophones réclament une large autonomie, certains veulent se joindre à la Russie. Conformément à l’accord de Minsk, un cessez-le-feu a été déclaré, mais les gens meurent tous les jours. Le pays est en faillite. Fondamentalement, tout le monde est perdant dans ce conflit. C’est l’Ukraine qui semble avoir perdu le plus, mais l’Europe et la Russie ont perdu aussi. Comment voyez-vous l’avenir de l’Ukraine ?

VLADIMIR POUTINE : L’Ukraine est un pays complexe, et pas seulement en raison de sa composition ethnique, c’est ainsi, mais aussi du point de vue de sa formation telle qu’elle est aujourd’hui. Y a-t-il un avenir et comment sera-t-il ? Je pense qu’il y en aura un, certainement. C’est un grand pays, une grande nation avec une population de 43 à 44 millions de personnes. C’est un grand pays européen, avec une culture européenne.

Vous savez, il ne manque qu’une seule chose. Je crois que ce qui manque c’est la compréhension que pour réussir, être stable et prospère, les gens qui vivent sur ce territoire, quelle que soit la langue qu’ils parlent (hongrois, russe, ukrainien ou polonais), doivent sentir que ce territoire est leur patrie. Pour parvenir à cela ils doivent sentir qu’ils peuvent réaliser leur potentiel ici aussi bien que dans tous les autres territoires et peut-être même mieux dans une certaine mesure. Voilà pourquoi je ne comprends pas la réticence de certaines forces politiques en Ukraine à entendre parler de la possibilité de fédéralisation.

Nous avons entendu récemment que la question qui se pose n’est pas la fédéralisation, mais la décentralisation. Il s’agit d’un jeu de mots. Il est important de comprendre ce que ces notions signifient : décentralisation, fédéralisation, régionalisation. Vous pouvez reprendre une douzaine d’autres termes. Les personnes qui vivent dans ce territoire doivent RÉALISER qu’elles ont droit à quelque chose, qu’elles peuvent décider quelque chose pour elles-mêmes dans leur vie.

HUBERT SEIPEL : La question centrale dans l’Ouest est la suivante : l’Ukraine veut-elle rester un État indépendant ? C’est la question centrale aujourd’hui à l’ordre du jour. La deuxième question est de savoir ce que la Russie peut faire de plus ? Peut-être que la Russie a plus de possibilités pour accélérer ce processus en Ukraine, particulièrement en ce qui concerne les accords de Minsk ?

Les accords de Minsk

VLADIMIR POUTINE : Vous savez, quand quelqu’un nous dit que nous avons des occasions spéciales pour résoudre telle ou telle crise, cela me trouble et m’alarme toujours. Nous avons entendu à plusieurs reprises que la Russie dispose d’une clé pour la solution du problème syrien, que nous avons des possibilités spéciales pour résoudre un autre problème ou la crise ukrainienne. Je commence toujours à soupçonner une intention de nous mettre la responsabilité sur le dos et de nous faire payer pour quelque chose. Nous ne voulons pas cela. L’Ukraine est un État indépendant, libre et souverain.

Pour parler franchement, nous sommes très préoccupés par de possibles nettoyages ethniques et par la possibilité que l’Ukraine finisse en État néo-nazi. Que sommes-nous censés penser si les gens portent des croix gammées sur leurs manches ? Ou que dire des emblèmes SS que nous voyons sur les casques de certaines unités militaires combattant maintenant dans l’est de l’Ukraine ? Si c’est un état civilisé, que recherchent les autorités ? Au moins, ils pourraient se débarrasser de cet uniforme, ils pourraient faire supprimer ces emblèmes des nationalistes. Voilà pourquoi nous avons peur que tout cela puisse finir de cette façon. Si cela se produisait, ce serait une catastrophe pour l’Ukraine et les Ukrainiens.

Les accords de Minsk ont surgi seulement parce que la Russie a participé activement à cet effort ; nous avons travaillé avec les milices du Donbass, les combattants du sud-Ukraine, et nous les avons convaincus qu’ils devraient se contenter de certains accords. Si nous ne l’avions pas fait, cela n’aurait tout simplement pas eu lieu. Il y a quelques problèmes avec la mise en œuvre de ces accords, c’est vrai.

Quels sont ces problèmes ? En effet, les combattants des forces d’autodéfense, par exemple, devaient quitter quelques-unes des villes qu’ils avaient encerclées, et ils ne les ont pas quittées. Savez-vous pourquoi ? Je vous le dis tout net, ce n’est pas un secret : parce que les gens qui se battent contre l’armée ukrainienne disent, « Ce sont nos villages, nous venons de là, nos familles et nos proches vivent ici. Si nous partons, les bataillons nationalistes vont venir… tuer tout le monde. Nous ne partirons pas, vous pouvez nous tuer vous-mêmes. » Vous savez, c’est un difficile problème. Bien sûr, nous essayons de les convaincre, nous parlons, mais quand ils disent des choses comme ça, vous savez, il n’y a pas grand chose à répondre.

Et l’armée ukrainienne non plus n’a pas quitté quelques-unes des villes qu’elle était censée quitter. Les miliciens sont des gens qui se battent pour leurs droits, pour leurs intérêts. Mais si les autorités ukrainiennes centrales choisissent de ne pas simplement déterminer la ligne de démarcation, laquelle est très importante aujourd’hui pour arrêter les bombardements et les meurtres, mais si elles veulent préserver l’intégrité territoriale de leur pays, chaque village ou ville pris en particulier n’est pas significatif ; ce qui est important, c’est d’arrêter immédiatement l’effusion de sang et les bombardements et de créer les conditions pour entamer un dialogue politique. Voilà ce qui est important. Si elles ne le font pas, il n’y aura pas de dialogue politique.

Je suis désolé pour ce long monologue, mais vous me faites revenir à l’essence du problème.

Pourquoi la scission de l’Ukraine ?

De quoi s’agit-il, fondamentalement ? Le coup d’État a eu lieu à Kiev. Une partie considérable du pays l’a soutenu, et ils étaient heureux, en partie parce qu’ils croyaient que, après la signature de, disons, l’accord d’association, il y aurait l’ouverture des frontières, des possibilités d’emploi, le droit de travailler dans l’Union européenne, y compris en Allemagne. Ils pensaient que ce serait ainsi. En fait, ils n’ont rien eu de semblable.

L’autre partie du pays, le sud-est, ne l’a pas soutenu et a dit : « Nous ne vous reconnaissons pas. » Et au lieu d’entamer un dialogue, au lieu d’expliquer aux gens que les autorités centrales de Kiev n’allaient pas faire quelque chose de mal, et qu’au contraire, elles allaient proposer différentes formes de coexistence et le développement d’un État commun, qu’ils seraient prêts à leur accorder leurs droits ; au lieu de cela, ils ont commencé à faire des arrestations de nuit. Une fois que les arrestations de nuit ont commencé, les gens du sud-est ont pris les armes. Une fois qu’ils ont eu pris les armes, au lieu d’arrêter (les autorités devraient avoir la sagesse de le faire) et à la place du dialogue, ils ont envoyé l’armée, l’armée de l’air, les tanks et les lance-roquettes multiples. Est-ce un moyen de résoudre les problèmes ? Et finalement, on est arrivé à une impasse. Est-il possible de sortir de cela ? Je suis sûr que c’est possible.

La Russie ne laissera pas anéantir la population du Donbass

HUBERT SEIPEL : La question ou, plus exactement, le reproche fait par Kiev aujourd’hui, est que la Russie fournit des armes aux séparatistes et envoie ses militaires là-bas.

VLADIMIR POUTINE : Où ont-ils eu les véhicules blindés et les systèmes d’artillerie ? Aujourd’hui, les gens qui luttent et considèrent que cela est juste obtiendront toujours des armes. Ceci est le premier point.

Mais je tiens à souligner que ce n’est pas le problème. La question elle-même est tout à fait différente. Le problème est que nous ne pouvons pas avoir une vision unilatérale du problème. Aujourd’hui, il y a des combats dans l’est de l’Ukraine. Les autorités centrales ukrainiennes ont envoyé les forces armées là-bas et ils utilisent même des missiles balistiques. Est-ce que quelqu’un en parle ? Pas un seul mot. Et qu’est-ce que cela signifie ? Qu’est-ce que cela nous dit ? Cela souligne le fait que les autorités centrales ukrainiennes veulent anéantir tout le monde là-bas, tous leurs ennemis et opposants politiques. Est-ce que c’est ce que vous voulez ? Nous certainement pas. Et nous ne laisserons pas cela se produire.

Les sanctions contre la Russie

HUBERT SEIPEL : Après que la Crimée a rejoint la Russie, l’Ouest a expulsé la Russie du Groupe des Huit, ce club exclusif des pays industrialisés. Dans le même temps, les États-Unis et la Grande-Bretagne ont imposé des sanctions contre la Russie. A présent, vous partez pour le sommet du G20 des pays industriels les plus importants de la planète. L’accent y sera mis sur la croissance économique et l’emploi. Ils disent qu’il n’y a plus de croissance et que le chômage devrait augmenter ; que les sanctions commencent à avoir un effet ; qu’à la fois le rouble et le prix du pétrole ont connu des records de baisse. Les prévisions pour parvenir à une croissance de 2 pour cent en Russie sont impossibles. D’autres pays sont dans la même situation. Cette crise a un caractère contre-productif, y compris pour le prochain sommet, vous ne trouvez pas ?

VLADIMIR POUTINE : Vous voulez dire la crise ukrainienne ?

HUBERT SEIPEL : Oui.

VLADIMIR POUTINE : Bien sûr, qui pourrait en bénéficier ? Vous voulez savoir comment la situation évolue et quelles sont nos attentes ? Nous attendons, bien sûr, que la situation change pour le mieux. Bien sûr, nous attendons que la crise ukrainienne prenne fin. Bien sûr, nous voulons avoir des relations normales avec nos partenaires, y compris aux États-Unis et en Europe. Bien sûr, la situation avec ce qu’ils appellent les sanctions est dommageable pour l’économie mondiale (elle est dommageable pour nous et pour l’économie mondiale de la même façon.), et elle est dommageable par-dessus tout pour les relations UE-Russie.

Cependant, il y a certains avantages : les restrictions imposées à certaines entreprises russes sur l’achat de certains produits en provenance des pays occidentaux, d’Europe et des États-Unis, nous ont incités à produire ces marchandises nous-mêmes. La vie confortable, quand tout ce que nous avions à faire était de produire plus de pétrole et de gaz, et d’acheter tout le reste, fait partie du passé. En ce qui concerne la croissance, il convient de noter que cette croissance a été modeste sur l’année, mais elle était néanmoins d’environ 0,5-0,6 pour cent. L’année prochaine, nous prévoyons d’atteindre une croissance de 1,2 pour cent, l’année d’après de 2,3 pour cent et 3 pour cent en trois ans. Habituellement, ce ne sont pas les chiffres que nous aimerions avoir, mais c’est néanmoins de la croissance et nous sommes confiants : nous allons atteindre ces chiffres.

« Ont-ils quelque chose de déconnecté dans leurs cerveaux ? »

HUBERT SEIPEL : Un autre thème qui sera discuté à Brisbane sera la stabilité financière. La situation en Russie peut également se compliquer parce que les banques russes ne peuvent plus se refinancer sur les marchés mondiaux. En outre, il est prévu de fermer à la Russie le système des paiements internationaux.

VLADIMIR POUTINE : Les banques russes ont actuellement allongé un prêt de 25 milliards de dollars à l’économie ukrainienne. Si nos partenaires européens et américains veulent aider l’Ukraine, comment peuvent-ils en saper la base financière et limiter l’accès de nos institutions financières sur les marchés de capitaux mondiaux ? Veulent-ils la faillite de nos banques ? Dans ce cas, ils mettront en faillite l’Ukraine. Ont-ils pensé à ce qu’ils font à tous ou pas ? Ou bien leurs politiques sont-ils aveugles ? Comme nous le savons, les yeux constituent une partie périphérique du cerveau. Ont-ils quelque chose de déconnecté dans leurs cerveaux ?

La banque que j’ai mentionnée est Gazprombank, qui cette année seulement, cette année civile, a accordé un prêt de 1,4 plus 1,8 milliards de dollars au secteur énergétique ukrainien. Combien est-ce au total ? 3,2 milliards. Cela est la somme qu’elle a allouée. Dans un cas, elle a émis un emprunt à l’ukrainien Naftogaz, qui est une entreprise publique ; dans l’autre cas, elle a alloué 1,4 milliard de dollars à une entreprise privée afin de soutenir l’industrie chimique de l’Ukraine. Dans les deux cas, aujourd’hui, cette banque a le droit de demander le remboursement anticipé parce que les partenaires ukrainiens ont violé leur accord de prêt.

HUBERT SEIPEL : La question est de savoir s’ils paieront ou pas ?

VLADIMIR POUTINE : (en allemand) Pour le moment ils paient. (reprise en russe :) Ils honorent le prêt. Naftogaz honore l’un des prêts. Cependant, il y a certaines conditions qui sont violées. Par conséquent, la banque a le droit formel d’exiger le remboursement anticipé. Mais si nous le faisions, l’ensemble du système financier ukrainien s’effondrerait. Et si nous ne le faisons pas, c’est notre banque qui peut s’effondrer. Que devons-nous faire ?

De plus, lorsque nous avons prolongé un prêt de 3 milliards de dollars il y a un an, il y avait pour condition que si la dette totale de l’Ukraine venait à dépasser 60 pour cent de son PIB, nous, le ministère russe des Finances, serait en droit d’exiger un remboursement anticipé. Encore une fois, si nous le faisons, l’ensemble du système financier va s’effondrer. Nous avons déjà décidé que nous ne le ferons pas. Nous ne voulons pas aggraver la situation. Nous voulons que l’Ukraine se remettre sur pied à la fin.

HUBERT SEIPEL : Avez-vous l’intention de proposer des solutions pour résoudre la crise en Ukraine ?

VLADIMIR POUTINE : Madame la Chancelière est très consciente de toutes les nuances de ce conflit. Quant au problème de l’énergie, elle a fait beaucoup pour sa solution.

En ce qui concerne les questions de sécurité, je dirais que dans ce domaine nos points de vue et approches ne coïncident pas toujours. Ce qui est clair, c’est que la Russie et la République fédérale d’Allemagne veulent que la situation dans cette région soit réglée. Nous sommes intéressés dans ce domaine et nous allons travailler pour l’observation des accords de Minsk. Il y a juste une chose à laquelle je porte toujours attention. On nous dit encore et encore : les séparatistes pro-russes doivent faire ceci et cela, vous devez les influencer de cette façon, vous devez agir de la sorte. Alors je demande toujours : « Qu’avez-vous fait pour influencer vos clients à Kiev ? Qu’est-ce que vous faites pour lutter contre les sentiments russophobes ? » Cela est une voie très dangereuse. Une catastrophe se produira si quelqu’un soutient subrepticement la russophobie en Ukraine. Ce sera une véritable catastrophe ! Ou bien, allons-nous chercher une solution commune ? Pour cela, nous allons aider les positions des parties à se rapprocher. Je vais vous dire quelque chose que certaines personnes dans ce pays peuvent ne pas aimer : essayons de réaliser un seul espace politique dans ces territoires. Nous sommes prêts à aller dans cette direction, mais seulement ensemble.

HUBERT SEIPEL : Il est très difficile de corriger les erreurs commises par d’autres. Parfois, il est seulement possible de corriger ses propres erreurs. Je voudrais vous demander : avez-vous commis des erreurs ?

Les relations Russie-Allemagne

VLADIMIR POUTINE : Les gens font toujours des erreurs. Chaque personne fait des erreurs dans les affaires, dans la vie privée. Est-ce vraiment important ? La question est que nous devrions donner une réponse rapide, efficace et opportune pour réparer les conséquences de ces erreurs. Nous devons les analyser et nous rendre compte qu’elles sont des erreurs. Nous devons les comprendre, les corriger et progresser vers la solution des problèmes plutôt que rester dans une impasse. Il me semble que c’est la façon dont nous avons agi dans nos relations avec l’Europe dans son ensemble et avec la République fédérale d’Allemagne en particulier, au cours de la dernière décennie. Regardez l’amitié qui a été établie entre la Russie et l’Allemagne au cours des 10-15 dernières années. Je ne sais pas si nous avions jamais joui de telles relations avant. Je ne pense pas. Je vois cela comme une très bonne base, une bonne base pour le développement des relations non seulement entre nos deux États, mais aussi entre la Russie et l’Europe dans son ensemble, pour l’harmonisation des relations dans le monde. Il serait dommage que nous laissions perdre cela.

HUBERT SEIPEL : Monsieur le Président, je vous remercie pour l’interview.

Source : Vineyardsaker

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